Un appel au dialogue à la fois apocryphe et sans objet.


Le Conseil constitutionnel a officiellement déclaré Macky SALL réélu Président de la République du Sénégal. Me refusant de verser dans une attitude irréaliste de contestation de ses titre et statut qui ne saurait prospérer longtemps, je me résous à en prendre acte, en espérant très vivement qu’il ne lui viendra jamais à l’esprit de vouloir briguer un troisième mandat ; sa parole étant réputée instable.
Juste après la proclamation des résultats définitifs le consacrant Président de la République, il a cru devoir s’adresser à la nation pour un premier message. Et, ce qu’il faut retenir dans ce discours ou il paraissait un tantinet emprunté, c’est l’appel solennel au dialogue adressé à l’opposition, à la société civile et aux forces vives de la nation. Une main tendue que beaucoup de personnes, de tous les milieux, par opportunisme, ont vite fait de magnifier et de présenter son auteur sous les oripeaux d’un homme de dialogue ouvert  à la discussion et constamment à la recherche d’un consensus. 
Un tel jugement est manifestement en porte à faux et en totale contradiction avec son véritable profil ; celui d’un homme complexé, introverti, très rétif au dialogue avec une forte propension à la brutalité et au forcing ; même son sourire est forcé. Durant son premier mandat de sept ans, jamais il n’a jugé nécessaire de dialoguer sérieusement et sincèrement avec ses différents contradicteurs de l’espace socio- politique. Ses appels au dialogue et à la concertation n’étaient que leurres, pièges, subterfuges, stratagèmes et manœuvres. Jamais il n’a prêté une oreille attentive à l’opposition ni accordé le moindre intérêt à ses revendications ; cette opposition très républicaine qu’il jurait, en bombant le torse, de réduire à sa plus simple expression, c’est à dire l’éliminer définitivement du champ politique. Quelle intention diabolique et quelle ambition méphistophélique qui ne font que refléter la profonde personnalité de l’homme en contradiction avec la belle image d’Epinal que ses affidés s’évertuent laborieusement et quelquefois maladroitement à vouloir imposer à l’opinion. Faisant montre d’un manque total de grandeur et de noblesse qu’exigent ses éminentes fonctions, il n’a eu de cesse de traiter l’opposition comme son souffre-douleur et sa tête de turc. Les opposants ont subi sa répression et son oppression tous azimuts ; il a passé tout son temps à les railler, à leur jeter des quolibets et des saillies, à tenter de les humilier et de les menacer. Pendant sept ans il n’a fait qu’imposer ses oukases.
Le Président Macky SALL a été réélu avec un score très confortable de 58,26% ; et en tenant compte de sa majorité parlementaire tout aussi confortable, l’on peut aisément affirmer qu’il dispose de tous les leviers nécessaires et indispensables pour gouverner tranquillement et continuer d’appliquer la politique qui lui a valu l’appréciation positive de la majorité de ses compatriotes. Lui  et ses partisans se vantent de leur éclatante victoire qu’ils considèrent comme la manifestation de l’adhésion des populations à sa politique. Diantre ! Qu’a-t-il besoin de lancer un appel au dialogue ? Et comme s’en glorifient ses partisans, il est le meilleur Président que notre pays ait jamais eu, sa vision est juste et extraordinaire, il a fait en sept plus que tous ses prédécesseurs réunis, son bilan est plus qu’élogieux, le PSE est le seul programme qui peut assurer l’émergence de notre pays et tutti quanti… Sa victoire est actée, le pays est relativement calme, les Sénégalais fatalistes à souhait et résignés vaquent tranquillement à leurs occupations. Bon sang, qu’il  gouverne et continue à dérouler le programme qui lui a valu d’être reconduit aux affaires.
L’appel du Président, au-delà du fait qu’il présente les allures d’une maladroite opération de séduction et de charme, constitue en réalité un exercice d’exorcisme pour se donner bonne conscience parce conscient que la victoire dont ils se glorifient est fortement entachée par de nombreuses pratiques frauduleuses, dolosives et malhonnêtes. Cet appel est aussi un appel d’air pour cette faune de bêtes immondes que sont les transhumants. Il y aura des scélérats qui, comme une horde d’hyènes et de chacals affamés, attendront impatiemment que le lion qui dort veuille bien leur jeter quelques morceaux de boyaux et de viandes fétides pour satisfaire goulument leur instinct alimentaire. Et malgré cette invitation au banquet, les transhumants devront comprendre que jamais ils ne seront considérés comme des commensaux dignes et respectables, mais plutôt comme de méprisables et vulgaires écornifleurs.
Certaines personnes avisées voient dans l’appel au dialogue, un appel à l’unanimisme ; la pire chose qui puisse prévaloir dans une démocratie. En effet, l’unanimisme dont des opportunistes veulent s’en faire les échos et les hérauts dans ce contexte particulier de doute, est un virus fortement létal pour la démocratie ? En ce sens qu’il annihile voire anéantit toute velléité de protestation, de contestation et d’opposition. Une telle situation ne serait rien d’autre qu’un vil complot et un abject deal des politiciens sur le dos de leurs éternelles victimes que sont les populations. L’éthique, la morale et la loyauté commandent de ne pas trahir le choix librement exprimé des 42% de Sénégalais qui s’opposent à la politique de Macky SALL.
Pour emporter l’adhésion des compatriotes qui ont estimé ne pas devoir lui accorder leurs suffrages, point besoin d’un dialogue national. Plus et mieux que quiconque le Président Macky SALL sait pertinemment ce qu’il faut faire. Il suffit d’une réelle volonté politique de sa part pour que s’opèrent les ruptures paradigmatiques tant souhaitées par les Sénégalais et qu’il semble vouloir renvoyer aux calendes grecques.
Pour gagner la confiance des Sénégalais il appartient à Son Excellence Monsieur le Président de la république de poser des actes dont la concrétisation ne dépend que de sa seule volonté. Et sans être exhaustif, il s’agit de :
-traiter l’opposition avec égard et considération et de lui reconnaitre la dignité que lui confère la constitution ;
-démissionner de la direction de son parti ;
-démissionner du conseil supérieur de la magistrature ;
-mettre immédiatement en application tous les 15 points contenus dans le referendum qu’il avait fait voter ;
-changer le mode d’élection des députés, avec une proportionnelle intégrale, pour en faire de véritables représentants du peuple ;
-rompre le cordon ombilical hiérarchique entre le gouvernement et le procureur de la république ;
-soustraire l’IGE de l’autorité du Président de la république ;
-encadrer l’utilisation des fonds spéciaux alloués au Président de la République ;
-déclassifier le rapport de l’IGE sur l’affaire Pétro Tim ;
-ouvrir une enquête sur les faux rapports de présentation du ministre Ali Ngouille NDIAYE ;
- publier tous les rapports de l’IGE, de l’OFNAC, de la Cour des comptes ;
-permettre aux corps de contrôle d’accéder aux budgets de de la Présidence, de l’Assemblée nationale et des autres institutions ;
-limoger le directeur du COUD, Cheikh Oumar HANNE qui a été interdit d’exercer des responsabilités publiques pour avoir été épinglé pour faux et usage de faux, détournement de deniers publics, fractionnements de marchés etc… ;
-ouvrir une enquête sérieuse sur les détournements opérés à la PRODAC ;
-auditer la Fondation « Servir le Sénégal » ;
-dépolitiser l’administration ;
-bannir l’appartenance ethnique ou régionale comme critères de promotion ;
-condamner solennellement et publiquement la transhumance politique ;
-appliquer immédiatement tous les accords signés avec les différents syndicats ;
-libérer immédiatement tous les prisonniers politiques ;
-rétablir les dispositions pertinentes du code consensuel de 1992 ;
-etc…
La réalisation de tous ces actes ne demande pas que les gens se retrouvent autour d’une table ; il suffit tout simplement au Président de la république de décider, avec l’appui de sa majorité parlementaire, pour que tout se fasse. Il y a là une véritable mise à l’épreuve de la sincérité de son appel et de sa réelle volonté de gérer autrement.
A mon humble avis il serait prudent, sage et responsable de la part des opposants, de pas répondre à l’invite du Président comme certains s’en font les hérauts et les chantres et ce, pour ne pas se faire les complices de ce qui, à vue d’œil, apparait comme un jeu de dupes et de fourbes. Nous sommes dans une république stable, paisible et tranquille ou les institutions fonctionnent, ou aucun blocage n’est constaté ; rien d’alarmant. Que la majorité gouverne et que l’opposition s’oppose. Point besoin de mettre en place un gouvernement élargi ou d’avoir une majorité présidentielle élargie. L’unanimisme politique est une sordide forfaiture commise sur le dos du peuple.
Quant aux anciens Présidents Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE qui méritent, certes, nos égards de par leur statut, je trouve inappropriée et imméritée l’invitation qui leur est faite de mener une quelconque médiation ou de participer à tout dialogue. Compte parfaitement tenu de leurs attitudes et comportements ils me paraissent disqualifiés. Le Président Abdou DIOUF a montré tout son mépris pour les Sénégalais dont il n’a, une seule fois, essayé de prendre en charge les problèmes ; il est resté sourd et aphone, se complaisant dans un silence à la fois dédaigneux et assourdissant pour reprendre son célèbre oxymore. . Il n’a jamais pardonné aux Sénégalais de l’avoir chassé du palais. Il n’a pas joué le rôle noble qu’on attendait de lui dans l’affaire KHALIFA. Concernant maitre Abdoulaye WADE, sa neutralité lors de la présente élection a gravement porté préjudice à l’opposition. En réalité c’était un soutien tacite à Macky SALL. Il a fini de convaincre les Sénégalais que seul le sort de son fils l’intéresse et qu’il est prêt à toutes sortes de compromissions. Et que dire de ses appels antirépublicains et insurrectionnels à bruler les cartes d’électeurs ou à déchirer les procès-verbaux ? Irréaliste et indigne d’un ancien Président de la république que certains se complaisent à qualifier de « bête politique » alors qu’il est plus valorisant de parler de génie politique. Pour ce qui est de son fils, il a incarné, dans toute leur laideur, la lâcheté, la trahison, l’hypocrisie et le mensonge ; en somme toutes les tares morales, et ce n’est pas surprenant de la part d’un taré.
En réalité, l’appel au dialogue du Président de la république vie deux objectifs majeurs ; s’abord vouloir s’aménager les conditions d’un mandat tranquille sans remous ni contestation majeure, ensuite préparer les Sénégalais à accepter une loi d’amnistie qui va porter sur des faits gravissimes impliquant nombre de ses partisans (affaire Pétro-Tim, PRODAC, COUD, Poste, Port, Diamniadio, Ministère d la pêche, Direction générale des impôts et domaines etc…). L’évocation de la situation des prisonniers politiques que sont Karim WADE et Khalifa SALL servira d’alibi et de couverture au véritable dessein. Il faut que l’opinion sache que Khalifa SALL n’a rien demandé et qu’il est prêt à subir son injuste sentence jusqu’à son terme.
La date du 02 Avril a été retenue pour la prestation de serment du nouveau Président de la République. Je souhaiterais poser une question à toute personne soumise au rituel de la prestation de serment avant toute prise de fonctions. A quoi sert-il de prêter serment s’il l’on peut s’en délier à tout moment sans que cela porte à conséquence ? Ne peut-on considérer le manquement au serment comme un acte de trahison voire de haute trahison pour une catégorie particulière de personnes qui exercent d’éminentes fonctions ?
Je ne saurais terminer sans avoir une pensée pour mon ami et frère Khalifa Ababacar SALL injustement embastillé parce que soupçonné d’avoir des ambitions pour son pays. Je lui renouvelle tout mon soutien et lui réaffirme ma totale solidarité. Durant cette douloureuse et injuste épreuve, il a incarné les trois vertus du véritable croyant à savoir : la foi, l’endurance et la persévérance. Aussi, ai-je grand espoir qu’Allah Le Tout-Puissant saura décréter sa libération le moment venu. Et, comme disait le sage « l’Esperance est une harpe à la voix douce, entendue seulement de DIEU et de celui qui en joue, mais ces deux auditeurs ont plus de poids que l’humanité toute entière. » Dieu fasse que mon espoir ne soit pas déçu. 
A mes compatriotes, je demande de ne point désespérer de notre pays qui, heureusement, regorge d’hommes et de femmes imbus de dignité, de fiertés et d’honneur et qui ont élevé l’éthique, la morale, la justice, l’équité et la vérité au rang de vertus cardinales.
           Le pouvoir au peuple, les servitudes aux gouvernants.
Dakar le 07 mars 2019                                                               Boubacar SADIO
                                                                   Commissaire divisionnaire de police
                                                                 De classe exceptionnelle à la retraite.
Lundi 11 Mars 2019




Dans la même rubrique :