Ces derniers jours, circule une information selon laquelle l’État du Sénégal aurait cédé 70000m2 au fondateur de la Faculté africaine des études islamique, considéré comme la figure de proue du salafisme wahhabite au Sénégal, afin qu’il transforme ladite faculté en une plus grande université. C’est Dr. Mohammed Ahmed Lô, fondateur du Dârul Istiqâma, lui-même qui en a fait l’annonce lors d’une intervention à l’Université Islamique de Médine, en Arabie Saoudite, d’après une information rapportée par un site d’information en arabe. Le choix du lieu de l’annonce ainsi que les destinataires du message prouve que le risque est gros de voir ce projet agité depuis des années tomber dans l’escarcelle d’une puissance étrangère, l’Arabie Saoudite, pour une question aussi sérieuse que l’enseignement supérieur dans notre pays tout de même souverain.
Si Timbuktu Institute a toujours appelé au respect de la diversité religieuse et de la liberté de culte et de religion, il ne pourrait s’empêcher de se questionner sur les dessous d’une telle décision de l’État du Sénégal qui, si elle était avérée, pose, au moins, trois problèmes :
1_ Bien fruit des différents efforts d’intégration des « arabisants », le projet même d’une université arabo-islamique, ne fera qu’accentuer la dualité du système éducatif et marginaliser davantage les arabisants et cela a été notifié aux autorités depuis que cette idée a été lancée. A l’ère de la mondialisation et de la globalisation, à l’ère du règne de la technologie et du digital, au moment où notre pays a de plus en plus besoin de personnes formées dans les sciences les plus diverses, allant des mathématiques aux études nucléaires en passant par la chimie et la physique quantique, enfermer les arabisants dans le carcan du théologisme et de la littérature arabe n’est pas le meilleur choix pour réparer l’injustice qui serait faite aux arabisants. Les pays arabes eux-mêmes se sont détournés de cette voie depuis très longtemps. L’État doit, justement, veiller à ce que ces arabisants puissent avoir droit aux mêmes chances que tous les autres sénégalais formés dans le système dit francophone et leur offrir toutes les possibilité de s’ouvrir aux sciences sociales et à l’esprit critique.
2_ La personne à laquelle l’État aurait cédé cette surface étendue de terrain dans la « nouvelle ville » est connue pour avoir été l’un des premiers à planter les germes de la contestation parfois haineuse de l’islam confrérique dans le pays de Cheikh Oumar Foutiyou Tall, de Seydi Elhadji Malick Sy et de Serigne Touba ne serait-ce que dans son ouvrage connu sous le titre de Taqdîs al-Ashkhâç fil fikr al-Sûfî (Sacralisation des personnages dans la pensée soufie). Ainsi, en lui facilitant l’élaboration d’un tel projet, sans aucun appel d’offre ou manifestation d’intérêt préalable ou même consultation des différentes familles religieuses du pays, on ne fait qu’accentuer l’importation et une plus grande implantation de l’islam salafiste et wahhabite au Sénégal. De ce fait, l’État risque de contribuer à la formation de personnes dont les discours et idéologies pourraient porter atteinte, de manière irréversible, à la cohésion nationale et au contrat social sénégalais. Cet islam n’a produit qu’extrémisme et violence là où il s’est imposé et l’Arabie Saoudite elle-même tente de s’en débarrasser pour se donner une meilleure image internationale. Les derniers procès de présumés terroristes sénégalais ont bien montré, dans les aveux des prévenus, que c’est le rejet de cet islam soufi comme élément stabilisateur qui a conduit des jeunes sénégalais à aller s’inspirer de Boko Haram et de ses thèses au Nigéria.
3 _ Enfin cette décision de l’État du Sénégal, si elle s’était avérée, nous pousse à nous poser la question suivante : « le gouvernement est-il en train de livrer le projet de l’université arabo-islamique aux salafistes avec tous les risques que cela comporte pour la stabilité et la sécurité de notre pays ? »
Si tel était le cas, un tournant majeur s’annonce pour une irréversible salafisation de l’islam sénégalais. Comment expliquer que notre pays connu pour son islam de paix et de concorde puisse favoriser la fondation d’une université où, tout laisse à croire, qu’on y enseignera la négation de la diversité des réalités islamiques en imposant, à jamais, la doctrine salafiste wahhabite comme seul modèle d’islam ayant droit de cité ?
De plus, comme nous l’avons toujours défendu, si une université arabo-islamique devrait voir le jour, cela devrait être sous le strict contrôle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avec un curriculum adapté aux réalités du Sénégal et conçu par nos propres enseignants chercheurs en dehors de toute influence étrangère.
Rien que pour la cohésion nationale et la préservation d’un modèle islamique épris de paix, il ne peut être accepté la construction d’une université enseignant à nos enfants que Seydi Elhadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Ibrahima Niass ainsi que les fondateurs des différentes confréries, étaient des « égarés », des « musrikûn », associateurs dont l’œuvre et l’action « impures » seraient aux antipodes de l’islam.
Sinon, tout porterait à croire que l’Etat du Sénégal, malgré toutes les réserves que nous avions émises, viendrait à abandonner le projet d’Université arabo-islamique et de le livrer aux salafistes et aux missionnaires wahhabites, ce qui serait dommageable pour notre cohésion sociale, notre sécurité et même celles des pays voisins.
Un pays ne peut construire une citoyenneté avec un système éducatif dual, à plusieurs vitesses et à destination incertaine. L’école unifiée et unificatrice dans son curriculum malgré la diversité des langues d’enseignement, reste le ciment national indispensable à l’émergence d’une conscience citoyenne. A l’heure des périls et des menaces dans la sous-région, on ne peut se permettre de prendre le risque de livrer l’éducation à l’influence de puissances étrangères - qu’elles soient d’Orient ou d’Occident - avec des agendas qui recoupent rarement nos propres préoccupations.
Dr. Bakary SAMBE, Directeur de Timbuktu Institute
Dr. Seydi Djamil Niane, Chargé de Recherches à Timbuktu Institute
Si Timbuktu Institute a toujours appelé au respect de la diversité religieuse et de la liberté de culte et de religion, il ne pourrait s’empêcher de se questionner sur les dessous d’une telle décision de l’État du Sénégal qui, si elle était avérée, pose, au moins, trois problèmes :
1_ Bien fruit des différents efforts d’intégration des « arabisants », le projet même d’une université arabo-islamique, ne fera qu’accentuer la dualité du système éducatif et marginaliser davantage les arabisants et cela a été notifié aux autorités depuis que cette idée a été lancée. A l’ère de la mondialisation et de la globalisation, à l’ère du règne de la technologie et du digital, au moment où notre pays a de plus en plus besoin de personnes formées dans les sciences les plus diverses, allant des mathématiques aux études nucléaires en passant par la chimie et la physique quantique, enfermer les arabisants dans le carcan du théologisme et de la littérature arabe n’est pas le meilleur choix pour réparer l’injustice qui serait faite aux arabisants. Les pays arabes eux-mêmes se sont détournés de cette voie depuis très longtemps. L’État doit, justement, veiller à ce que ces arabisants puissent avoir droit aux mêmes chances que tous les autres sénégalais formés dans le système dit francophone et leur offrir toutes les possibilité de s’ouvrir aux sciences sociales et à l’esprit critique.
2_ La personne à laquelle l’État aurait cédé cette surface étendue de terrain dans la « nouvelle ville » est connue pour avoir été l’un des premiers à planter les germes de la contestation parfois haineuse de l’islam confrérique dans le pays de Cheikh Oumar Foutiyou Tall, de Seydi Elhadji Malick Sy et de Serigne Touba ne serait-ce que dans son ouvrage connu sous le titre de Taqdîs al-Ashkhâç fil fikr al-Sûfî (Sacralisation des personnages dans la pensée soufie). Ainsi, en lui facilitant l’élaboration d’un tel projet, sans aucun appel d’offre ou manifestation d’intérêt préalable ou même consultation des différentes familles religieuses du pays, on ne fait qu’accentuer l’importation et une plus grande implantation de l’islam salafiste et wahhabite au Sénégal. De ce fait, l’État risque de contribuer à la formation de personnes dont les discours et idéologies pourraient porter atteinte, de manière irréversible, à la cohésion nationale et au contrat social sénégalais. Cet islam n’a produit qu’extrémisme et violence là où il s’est imposé et l’Arabie Saoudite elle-même tente de s’en débarrasser pour se donner une meilleure image internationale. Les derniers procès de présumés terroristes sénégalais ont bien montré, dans les aveux des prévenus, que c’est le rejet de cet islam soufi comme élément stabilisateur qui a conduit des jeunes sénégalais à aller s’inspirer de Boko Haram et de ses thèses au Nigéria.
3 _ Enfin cette décision de l’État du Sénégal, si elle s’était avérée, nous pousse à nous poser la question suivante : « le gouvernement est-il en train de livrer le projet de l’université arabo-islamique aux salafistes avec tous les risques que cela comporte pour la stabilité et la sécurité de notre pays ? »
Si tel était le cas, un tournant majeur s’annonce pour une irréversible salafisation de l’islam sénégalais. Comment expliquer que notre pays connu pour son islam de paix et de concorde puisse favoriser la fondation d’une université où, tout laisse à croire, qu’on y enseignera la négation de la diversité des réalités islamiques en imposant, à jamais, la doctrine salafiste wahhabite comme seul modèle d’islam ayant droit de cité ?
De plus, comme nous l’avons toujours défendu, si une université arabo-islamique devrait voir le jour, cela devrait être sous le strict contrôle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche avec un curriculum adapté aux réalités du Sénégal et conçu par nos propres enseignants chercheurs en dehors de toute influence étrangère.
Rien que pour la cohésion nationale et la préservation d’un modèle islamique épris de paix, il ne peut être accepté la construction d’une université enseignant à nos enfants que Seydi Elhadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Ibrahima Niass ainsi que les fondateurs des différentes confréries, étaient des « égarés », des « musrikûn », associateurs dont l’œuvre et l’action « impures » seraient aux antipodes de l’islam.
Sinon, tout porterait à croire que l’Etat du Sénégal, malgré toutes les réserves que nous avions émises, viendrait à abandonner le projet d’Université arabo-islamique et de le livrer aux salafistes et aux missionnaires wahhabites, ce qui serait dommageable pour notre cohésion sociale, notre sécurité et même celles des pays voisins.
Un pays ne peut construire une citoyenneté avec un système éducatif dual, à plusieurs vitesses et à destination incertaine. L’école unifiée et unificatrice dans son curriculum malgré la diversité des langues d’enseignement, reste le ciment national indispensable à l’émergence d’une conscience citoyenne. A l’heure des périls et des menaces dans la sous-région, on ne peut se permettre de prendre le risque de livrer l’éducation à l’influence de puissances étrangères - qu’elles soient d’Orient ou d’Occident - avec des agendas qui recoupent rarement nos propres préoccupations.
Dr. Bakary SAMBE, Directeur de Timbuktu Institute
Dr. Seydi Djamil Niane, Chargé de Recherches à Timbuktu Institute
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