Djibo Kâ a rallié le camp du pouvoir. Que pensez-vous de la transhumance qui est très répandue dans le champ politique ?
C’est très regrettable. Cela confirme une chose : les ruptures annoncées ne sont pas encore au rendez-vous. Le Président Macky Sall s’était prononcé clairement contre la transhumance. On a vu dans les réseaux sociaux l’interview qu’il avait consacrée à cette question. C’est lui qui avait prôné une gouvernance vertueuse. Nous ne pouvons pas accepter qu’il fasse l’apologie de la transhumance. Je pense que tout le monde se souvient de son interview à Kaffrine, où il a clairement fait l’apologie de la transhumance. Il a lancé publiquement un appel à Djibo Kâ. Cela a été confirmé avec un accord formel entre les deux. C’est une pratique qui est abjecte et qui ne consolide pas notre démocratie. C’est un manque de respect total à l’égard des citoyens. Lorsque ces derniers votent pour quelqu’un, il n’est pas permis à ce candidat de faire tout ce qu’il veut. Il doit tenir compte du vote du citoyen. Le peuple a choisi aujourd’hui Macky Sall pour être le président de la République sur la base de valeurs et de principes proclamés. Le chef de l’Etat est tenu de respecter ces notions. La transhumance est une violation du vote des Sénégalais. Lorsque les Sénégalais se sont prononcés pour Macky Sall, ce n’est pas pour l’encourager à promouvoir la transhumance. Malheureusement, on constate que le Président Sall est en train de faire l’inverse de ce qu’il avait proposé aux Sénégalais. Je pense qu’il ne faut pas s’arrêter à la dénonciation. Il faut que les Sénégalais changent d’attitude. Ils doivent sanctionner les promoteurs de ces phénomènes lors du vote. Que toutes ces personnes qui se livrent à ces pratiques abjectes et anti démocratiques soient sanctionnées.
Donc pour vous, Djibo Kâ est le parfait mauvais exemple d’homme politique ?
Djibo Kâ fait des choix clairs : il a été toujours du coté du pouvoir. Sur le plan moral, ce n’est pas recommandable. Ses actes n’honorent pas la politique sénégalaise, parce que Djibo est un ténor de la scène politique sénégalaise. Ce type d’attitude ne fait que conforter et justifier la défiance que les populations ont vis-à-vis de la classe politique. Cette dernière a perdu la confiance des citoyens. Il appartient maintenant aux électeurs d’être conséquents et en tirer toutes les conséquences.
Pour encourager les gens à venir rallier le pouvoir, le Président Macky Sall dit qu’il a besoin des compétences même hors de son parti. Ces arguments, à votre avis, tiennent-ils la route ?
Ce qui est clair, c’est que si on cherchait les compétences, on procéderait autrement. Aujourd’hui, tout le monde sait que beaucoup de responsabilités ont été confiés à des personnes parce qu’uniquement, elles sont des proches du pouvoir. Pour des raisons politiciennes, ces gens ont été promus. Ce n’est pas du tout vrai que le gouvernement soit intéressé uniquement par la compétence. Si c’était le cas, à tous les niveaux de responsabilités, on procéderait de la même manière. On chercherait des compétences quelle que soit leur appartenance politique. Est-ce que vous voyez Macky Sall appeler des hommes qui n’ont aucune couleur politique ? La transhumance est une manœuvre politicienne qu’on essaie de couvrir par des prétextes. Je ne crois pas du tout à cette explication. Est-ce qu’on a besoin de postes de responsabilités pour se mettre au service du Sénégal ? On voit que lorsqu’il y a transhumance, il y a contrepartie. Quand un Sénégalais s’engage pour le Sénégal, il ne doit pas y avoir de contrepartie. Si on cherche des compétences, comment expliquer qu’au sein du gouvernement il y ait des gens qui n’ont jamais travaillé. Leur premier emploi est ministre. Ce n’est certainement pas sur la base de compétences ? Ils n’ont jamais démontré leurs compétences dans des activités professionnelles. Ils sont au niveau du gouvernement pour des raisons politiciennes et clientélistes.
De qui parlez-vous ?
Je ne vais pas vous citer des noms. Je veux simplement vous dire que cette recherche de compétences que le Président Macky Sall brandit pour justifier la transumance est fallacieuse. Si on cherchait des compétences, il y a des propositions qu’on avait formulées et qui ont été reprises dans les conclusions des «Assises nationales». Pourquoi ne fait-on pas un appel à candidatures pour les postes de responsabilités ? Cela peut aider à confier des postes de responsabilités aux hommes compétents. C’est la manière la plus claire pour montrer qu’on cherche des compétences. Mais on ne le fait pas. Le Président n’a qu’à assumer. Sa démarche est politicienne.
Venant de Macky Sall qui s’est autoproclamé Président de la «rupture», cela ne vous inquiète-t-il pas ?
C’est inquiétant, pour ne pas dire surprenant. Macky Sall s’est appesanti sur des principes et des valeurs pour se faire élire. Mais aujourd’hui, il a rompu le contrat qui le liait aux Sénégalais.
Le régime actuel a fait plus de 3 années de pouvoir. Qu’est-ce que vous en retenez de positif et de négatif ?
D’abord, les ruptures promises aux Sénégalais ne sont pas encore au rendez-vous. Le président de la République n’applique pas les principes qu’il a lui-même déclarés. «La gouvernance sobre et vertueuse» est rangée aux oubliettes. Si on voulait mettre en œuvre une telle approche, on n’aurait pas un gouvernement avec 40 ministres alors que Macky Sall nous en avait promis 25. Pire, il a une armée de ministres-conseillers dont on ne connaît pas le nombre. Ce qui n’est pas normal, car nous avons le droit de savoir qui sont ces gens qui sont nommés dans ces postes.
On dit que vous critiquez le régime en place car vous n’avez pas été copté dans le gouvernement.
(Rires). Si je voulais être membre du gouvernement, je n’attendrais pas que Macky Sall soit Président. Les opportunités n’ont pas manqué. Ce n’est pas mon objectif. Je ne me suis jamais programmé pour avoir des responsabilités dans un gouvernement. J’ai eu des offres de responsabilités que j’ai déclinées. Je n’ai pas besoin de répondre à ces accusations fallacieuses. J’ai un engagement public qui date de 20 ans. Je laisse les citoyens juger.
Vous faisiez partie des gens qui ont accompagné Macky Sall au Palais. Pour quelles raisons l’avez-vous quitté ?
J’ai effectivement accompagné le Président Macky Sall. J’ai participé à toutes les actions aboutissant à son élection. Je l’ai accompagné lorsqu’il a été élu. Mais quand j’ai constaté que les ruptures annoncées n’étaient pas au rendez-vous, j’ai quitté. Je l’ai fait parce que les réformes qu’il nous avait promises n’ont pas encore vu le jour. Celles de la Cnri sont-là. Jusqu’à présent, on ne sait pas quand ces réformes seront mises en œuvre, alors que ce sont des éléments de transformation sociale. J’ai tourné le dos à Macky Sall parce que les pratiques contre lesquelles nous nous étions battus durant l’ancien régime continuent aujourd’hui. La corruption, les mauvaises pratiques dans l’administration... rien n’a fondamentalement changé dans la conduite des affaires publiques. Partant de là, je n’ai aucune raison de continuer à appuyer ce régime. J’ai décidé de choisir une autre voie.
Justement, vous avez créé avec d’autres membres de la société civile Avenir Sénégal bi nu Begg. Quel est l’offre politique de cette plateforme ?
Le Sénégal est dans une impasse. Nous espérions des changements. Il n’en est rien. On a fait deux alternances pour changer substantiellement les choses. Ce n’est pas le cas. Nous avons 55 ans d’indépendance. L’offre politique est toujours basée sur le clientélisme politique qui est omniprésent. L’intérêt général est toujours orphelin. Nous nous sommes dit que le moment est venu de prendre nos responsabilités. On a dépassé les années où on accompagnait les politiciens qui par suite nous trahissaient. Nous voulons proposer à travers cette plateforme, une alternative politique. Notre pays est sous développé. Ceux qui étaient censés servir ce pays, se sont eux-mêmes servis. C’est l’heure pour les Sénégalais de se dire que ce qui se passe n’est pas normal, en arrêtant ces pratiques des hommes politiques. Il ne faut plus rester dans les salons pour se plaindre. Nous avons décidé de nous engager politiquement pour faire une offre politique alternative fondée sur des valeurs, l’éthique, la vertu, l’engagement patriotique, la compétence, l’égalité, le respect des valeurs républicaines, le culte de l’intérêt général…
Vous étiez candidat malheureux à l’élection présidentielle de 2007. Pensez-vous bousculer la culture des Sénégalais qui consiste à voter pour les partis politiques ?
C’est pourquoi je dis que les Sénégalais doivent prendre leurs responsabilités. Aujourd’hui personne ne conteste que la classe politique est discréditée par la majorité de l’opinion. Maintenant, je ne suis pas sûr que l’offre politique proposée par les candidats indépendants, soit présentée de la meilleure des façons. C’est pour cela que nous avons pris des dispositions pour préparer une offre politique qui pourrait être présentée aux Sénégalais. Aujourd’hui, je pense que les Sénégalais sont mûrs pour penser à une alternative politique crédible. Nous en sommes convaincus.
Donc vous aurez un candidat ?
Incha Allah, la plateforme présentera un candidat à la prochaine Présidentielle
Peut-on s’attendre à ce que ce soit vous ?
Au moment venu nous le dirons. Un dispositif de sélection est en train d’être mis en place pour les candidats. Egalement, nous nous présenterons aux Législatives et à toutes les autres élections qui auront lieu au Sénégal. Nous sillonnons le pays. Nous allons nous déployer sur le territoire national afin de porter notre message aux Sénégalais.
Votre plateforme n’est-elle pas finalement une sorte de M23 bis ?
Pas du tout. Le M 23 n’avait pas une vocation politique. Nous disons clairement que nous voulons offrir une alternative pour aller au pouvoir. Nous sommes une plateforme politique.
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