La Méditerranée a englouti plus de 5000 migrants en 2016

L'année 2016 a été la plus meurtrière pour les migrants africains en Méditerranée. Plus de 5000 morts, selon l'ONU - un record -, alors même que le nombre de personnes ayant traversé la mer a fortement diminué.


7189 morts ou disparus dans le monde. 4812 en Méditerranée. Selon l'Organisation internationale pour les migrations qui communique ces chiffres pour l'année 2016, cela représente 20 décès par jour, un record macabre, un plafond jamais atteint depuis des dizaines d'années. La route de la Méditerranée centrale, reliant la Libye et l'Europe, est donc devenue aussi meurtrière que la guerre au Yémen.

Pour expliquer cette tragédie, plusieurs facteurs : la cupidité des trafiquants certes, mais surtout la crise politique en Ethiopie, le désordre violent qui règne en Somalie, la dictature en Erythrée. Mais aussi la misère dans les bidonvilles et les campagnes d'Afrique de l'Ouest et centrale, ou encore l'épuisement de déplacés perpétuels, à cause de Boko Haram, à cause de la répression, à cause de la dégradation de l'environnement, et qui cherchent à stabiliser leur vie quelque part, par exemple en Europe.

Un réseau bien rodé

En septembre dernier, le journaliste érythréen Amanuel Ghirmai a fait le voyage à travers la Libye pour la station indépendante Radio Erena et une équipe de la télévision française. Il a parcouru le chemin que prennent les migrants avant de tenter de rejoindre l'Europe en embarquant dans des navires de fortune depuis les côtes libyennes. Il nous décrit ce qu'il a vu : « Nous avons rencontré des Erythréens, des Ethiopiens, des gens d'Afrique de l'Ouest aussi. Ils nous ont raconté à quel point leur voyage a été pénible.
Les Erythréens de nos jours sont mieux traités, parce que les trafiquants savent qu'ils vont pouvoir payer. Mais les gens d'Afrique de l'Ouest nous ont raconté à quel point le voyage a été terrible pour eux.
Dans le sud de la Libye, surtout dans la région de Koufra, ce sont des milices qui sont supposés contrôler le territoire, mais ce sont ces mêmes milices qui sont impliqués dans le trafic d'êtres humains. Et puis pour moi, en tant qu'Erythréen, ça a été assez frustrant, c'était une expérience difficile. J'ai été particulièrement attristé d'apprendre que des gens de l'ambassade d'Erythrée à Tripoli sont impliqués dans le commerce de migrants : des compatriotes qui ont demandé de l'aide à l'ambassade d'Erythrée se sont retrouvés livrés à des trafiquants. »

« Quelle est l'alternative ? Quel est notre avenir ? »

Pour leur prêter assistance, le prêtre érythréen Mussie Zerai (Moussié Zéraille) assure souvent la liaison entre les passagers des bateaux en perdition et les gardes-côtes européens. Pour lui, la coopération accrue entre les pays de transit et d'origine en Afrique et dans l'Union européenne ne fait qu'aggraver la situation.
« Tous les ans, la situation empire. Beaucoup de gens meurent en mer, mais aussi dans le désert. Personne ne sait vraiment combien de réfugiés sont morts dans le désert en essayant de rejoindre le rivage ni combien sont morts en traversant les frontières, explique le prélat. Ces politiques répressives, ces accords bilatéraux, c'est plus de morts, plus de souffrance dans les centres de détention, plus de répression, et plus d'opportunités pour les trafiquants, pas pour les réfugiés. L'Union européenne coopère avec ces pays non pas pour protéger les gens, mais pour protéger les frontières.
Au cœur de cette politique, il n'y a pas les êtres humains, mais une frontière. Je passe mon temps à dire aux réfugiés que la route est dangereuse, qu'ils prennent beaucoup de risques sur la route. Mais ils me répondent : OK, mais quelle est l'alternative ? Quel est notre avenir ? La vie abandonnée dans les camps de réfugiés ? Personne ne peut les arrêter. »

Selon la compilation effectuée par l'OIM, ils ont été 360 000 hommes, femmes et enfants à tenter de traverser la Méditerranée cette année, un chiffre en baisse spectaculaire par rapport à 2015, avec près d'un million de tentatives.
Moins de fugitifs, mais plus de morts : c'est la triste conclusion d'une année épouvantable.
Lundi 2 Janvier 2017




Dans la même rubrique :