L'étau se resserre sur Tariq Ramadan

L'islamologue suisse Tariq Ramadan était interrogé mardi pour la première fois par les juges d'instruction parisiens chargés d'enquêter sur les accusations de viols le visant et qui pourraient lui valoir une troisième mise en examen.


L'étau se resserre sur Tariq Ramadan
L'intellectuel de 55 ans, écroué depuis le 2 février et détenu à l'hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) en raison de sa sclérose en plaques, est arrivé peu après 10H00 au tribunal de Paris. Il a déjà été mis en examen pour deux viols, dont l'un sur personne vulnérable, qu'il nie catégoriquement avoir commis. 

L'enquête, démarrée en octobre, reposait initialement sur les accusations d'anciennes admiratrices du prédicateur --la militante laïque et ancienne salafiste Henda Ayari et une femme connue sous le pseudonyme de "Christelle"-- qui ont décrit des rapports sexuels forcés d'une grande violence. 

Depuis mars, une troisième plaignante, Mounia Rabbouj, l'accuse également des mêmes faits et le parquet de Paris a requis une nouvelle mise en examen de l'islamologue. Cette ancienne escort-girl, protagoniste du procès pour proxénétisme du Carlton aux côtés de Dominique Strauss-Kahn, affirme avoir été violée à neuf reprises en France, à Londres et à Bruxelles, de 2013 à 2014. 

Pour prouver la relation sexuelle avec Tariq Ramadan, elle a versé au dossier une robe noire tachée de sperme et les résultats des tests ADN sont attendus prochainement. A l'inverse, la défense affirme avoir déposé lundi "plus de 300 vidéos et plus de 1.000 photos" témoignant d'une relation consentie entre l'intellectuel et cette femme, dans l'espoir de convaincre les juges de renoncer à cette mise en examen.

Effritement des soutiens

Si le prédicateur devait reconnaître une relation adultère, éloignée des enseignements qui ont fait sa célébrité, ce serait un nouveau coup porté à l'aura de celui qui fut une rare figure médiatique et populaire de l'islam en Europe. Au gré des révélations sur sa vie personnelle dans cette affaire, ses soutiens se sont peu à peu effrités, même si sa famille monte régulièrement au créneau pour continuer à le défendre. 

"Mon soutien à mon père n'est ni aveugle, ni naïf. J'ai vécu pendant une trentaine d'années avec lui et les contradictions des plaignantes me confortent dans ma conviction", a ainsi affirmé sa fille Maryam Ramadan dans un entretien à Libération publié mardi, dénonçant également un "acharnement". 

Dans sa plainte, Henda Ayari avait situé les faits à Paris fin mars ou début avril 2012, mais elle a récemment affirmé devant les juges que le viol a en réalité eu lieu le 26 mai dans un hôtel place de la République. Concernant "Christelle", Tariq Ramadan a déclaré l'avoir vue 20-30 minutes dans le hall de son hôtel à Lyon le 10 octobre 2009, alors qu'elle dénonce des faits commis la veille. Elle affirme que l'intellectuel est parti donner une conférence après l'avoir violée, la laissant "prostrée". Elle avait pris la fuite le lendemain matin. 

Contestant cette version, la défense a versé au dossier une photo de cette conférence où elle croit reconnaître la jeune femme au quatrième rang. L'avocat de "Christelle", Me Eric Morain, a jugé "absurde" cette allégation de la défense, faisant valoir que sa cliente "n'a pas la même couleur de peau que la personne désignée, qui n'a pas non plus de voile, alors que ma cliente le portait à l'époque à la demande de Tariq Ramadan." 

En garde à vue, l'islamologue a reconnu avoir rencontré Henda Ayari et "Christelle" en public, une seule fois chacune, mais a nié tout rapport sexuel. Confronté à "Christelle", il a admis un "jeu de séduction" dans leurs échanges électroniques. En Suisse, une quatrième femme a porté plainte et son témoignage doit encore être versé au dossier français.
Mardi 5 Juin 2018




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