L'Assemblée nationale a rejeté lundi le projet de loi sur l'immigration, un coup de tonnerre politique qui sonne comme une déroute à la fois pour le ministre de l'Intérieur Gérard Darmanin et pour le président Emmanuel Macron.
M. Darmanin s'est immédiatement rendu lundi soir à l'Elysée, où il a remis sa démission au président de la République qui l'a refusée.
270 députés ont voté pour la motion de rejet préalable des écologistes, 265 votant contre. Les groupes Les Républicains (LR) et Rassemblement national (RN) qui avaient maintenu ces derniers jours le suspense sur leur vote, ont dévoilé dans l'hémicycle seulement leur intention d'approuver la motion. Neuf députés de la majorité n'ont pas pris part à ce vote qui coupe court à tout débat de fond sur le projet de loi.
L'exécutif peut choisir désormais de laisser le texte poursuivre son parcours législatif au Sénat, pour une deuxième lecture, ou en commission mixte paritaire Sénat-Assemblée, ou encore décider de l'abandonner.
Mais les conséquences politiques que le président Emmanuel Macron et son gouvernement tireront de cette défaite sont difficiles à évaluer et à prédire.
-Lever les "blocages"-
Le chef de l'Etat a demandé à la Première ministre Elisabeth Borne et au ministre de l'Intérieur de lui faire des propositions pour lever les "blocages" et "aboutir à un texte de loi efficace", a fait savoir l'Elysée.
La cheffe du gouvernement a invité les ministres concernés et les présidents de groupes parlementaires lundi soir à des discussions aux allures de réunion de crise.
Gérald Darmanin, qui s'était fait fort de réussir à trouver une majorité sur ce texte, malgré les multiples avertissements de LR, n'a finalement pas réussi son pari.
A l'Assemblée la gauche et le RN ont salué debout dans l'hémicycle l'adoption de la motion de rejet, des députés de gauche appelant à la démission du ministre.
Les écologistes ont invité dans un communiqué le gouvernement à tirer les conséquences de sa défaite en retirant "définitivement" son texte. "Abandonnons cette mauvaise loi ! Une autre réforme est possible", a commenté sur X le président du groupe PS, Boris Vallaud.
"Le texte est rejeté. Mais c'est surtout la macronie qui a fini par exaspérer toutes les oppositions. L'arrogant Darmanin a braqué tout le monde. Le début de la fin est commencé", a commenté le chef de file des Insoumis Jean-Luc Mélenchon.
Ces derniers jours, la majorité ne semblait pas croire à un vote de la motion, estimant qu'il serait très difficile pour LR de refuser le débat sur le projet de loi, et de voter à l'unisson des écologistes.
Le président de LR Eric Ciotti, qui n'a cessé ces derniers mois de faire monter la pression sur ce projet de loi, a défendu lundi la "cohérence" d'un vote destiné non pas à "interrompre les débats" mais faire en sorte qu'ils "se poursuivent sur une base beaucoup plus crédible", en reprenant la version élaborée par les sénateurs en première lecture.
Une majorité des députés LR (40 élus) a voté pour la motion de rejet, 2 ont voté contre, 11 se sont abstenus et 9 n'ont pas pris part au vote, signe de la relative cohésion des députés du groupe autour de son président Olivier Marleix.
"Nous avons protégé les Français d'un appel d'air migratoire", a estimé pour sa part Marine Le Pen (RN), évoquant devant la presse à l'Assemblée un "désaveu extrêmement puissant pour le gouvernement".
Les débats avaient débuté à 16H00 sur ce texte en gestation depuis un an, qui vise notamment à faciliter les expulsions des étrangers jugés dangereux d'un côté, et à permettre la régularisation de travailleurs sans-papiers dans certains métiers en tension.
- "Qui a peur du débat ?" -
Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin est apparu sur la défensive dans son propos introductif. "Qui a peur du débat ? Ceux qui vont, dans une alliance contre-nature, se mettre d'accord pour que les Français ne voient pas les choses avancer ?", a-t-il demandé dans l'hémicycle.
Aujourd'hui, "refuser le débat", c'est "refuser de débattre des sujets qui intéressent les Français", a-t-il affirmé en appelant les parlementaires, notamment ceux de LR, à la "responsabilité".
"Bien sûr, ce texte mérite d’être amélioré et la main du gouvernement est tendue dans l’intérêt général de tous les Français", a poursuivi le ministre, listant les sujets sur lesquels l'exécutif était prêt à bouger.
Ces propos n'ont pas suffi à convaincre les oppositions de laisser les débats se poursuivre.
Dans son discours, le député du groupe écologiste Benjamin Lucas s'était dit conscient que le vote par LR et le RN de la motion de rejet préalable ne signifierait pas "adhésion à (son) propos".
Il s'en était pris avec virulence aux procédés "démagogiques et fallacieux" d'un ministre qui s'est livré à un "vaste marchandage" pour tenter de débaucher les voix qui manquaient au gouvernement, et avait pointé plus globalement l'"erreur politique" consistant à croire qu'on pouvait "effacer deux siècles" de clivage droite-gauche et "bâtir un nouveau monde" en agrégeant des "renégats".
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