Entretien avec Me Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur : « Le président Macky Sall a été desservi par son entourage et un nouveau type d’opposants (…) Le choix de son successeur doit se faire collectivement au-delà des frontières de Benno et

Ancien ministre et collaborateur proche du président Abdoulaye Wade, Me Ousmane Ngom a pris le taureau par les cornes.
Sans langue de bois, l’ancien ministre de l’intérieur dans cet entretien exclusif avec Dakaractu, nous plonge dans sa conception et sa lecture profonde de l’actualité politique généralement dominée par la déclaration du président de la république Macky Sall qui a décidé de jeter l’éponge pour la présidentielle de 2024. Me Ousmane Ngom qui, dans cet entretien, se félicite de la décision historique du chef de l’État, jette un regard sur la configuration politique marquée par la forte présence d'un nouveau type d’opposants », avant de donner le profil du remplaçant du président Macky Sall pour les 10 prochaines années.







Dakaractu - Mr le ministre, avez-vous écouté le discours du président Macky Sall lors de son adresse récente à la nation ?


Évidemment, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt le message à la nation du Président Macky Sall dont la teneur et la portée ont surpris tout le monde. Aussi bien dans son camp que du côté de l’opposition. C’était un véritable tremblement de terre d’une amplitude tellurique de 8 au moins sur l’échelle de Richter qui en compte 9. La Maestria avec laquelle le Président Macky Sall a amené et conduit ce discours est digne des plus grandes productions de Hollywood. Je crois que François Mitterrand, qu’on créditait d’une grande finesse et d’une grande intelligence politique, s’il revenait, aurait à apprendre chez Macky Sall.

Dakaractu - Qu’avez-vous retenu ?

 

Entretien avec Me Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur : « Le président Macky Sall a été desservi par son entourage et un nouveau type d’opposants (…) Le choix de son successeur doit se faire collectivement au-delà des frontières de Benno et

Ce que j’ai retenu avant tout c’est le fait historique. On a toujours soutenu qu’en Afrique, les dirigeants ne savaient pas quitter le pouvoir et pire, ils s’y accrochaient par tous les moyens et même au prix de milliers de morts. C’est certes, un fait indéniable. Pour une fois qu’un dirigeant avait tous les moyens (politiques, institutionnels et sécuritaires) pour résister, a fait fi de tout ça avec beaucoup de courage et de lucidité pour renoncer, malgré son jeune âge, dans le souci unique de préserver la paix et la stabilité du pays : Incontestablement, c’est historique ! Non seulement pour le Sénégal et l’Afrique mais aussi pour le monde entier. Je lui réitère mes très vives et chaleureuses félicitations et lui exprime ma grande fierté pour ce geste de haute portée historique et politique.
 
 
Dakaractu - La communauté nationale et même internationale a salué un discours historique du chef de l’État. Pensez-vous qu’il est également libérateur au regard du contexte ?


La communauté internationale elle-même a été déroutée par la démarche et la finesse de Macky Sall au même titre que la communauté nationale.


C’est pourquoi il y a eu ce concert quasi unanime de félicitations et d’approbation venant de tous les coins du monde.
 
Bien sûr, il y a eu quelques rabat-joie qui ont tenté de minimiser le geste en disant qu’il ne fait que son devoir en respectant la Constitution donc on n’a pas à le remercier. Que nenni. Bien au contraire, c’est celui qui fait son devoir qui doit être remercié et encouragé car si tout le monde faisait comme lui, le monde serait en paix et en sécurité.
 
 
Dakaractu - Revenons sur le dialogue national. Comment jugez-vous les conclusions qui en sont issues ?
 


Le dialogue est co substantiel à la vie en communauté sinon on serait dans une jungle avec toujours la loi du plus fort qui domine. On l’a dit et répété : toutes les guerres finissent autour de la table. Autant y aller avant d’arriver à la guerre avec son cortège de pertes en vies humaines et de destructions.

Le Sénégal a toujours privilégié ce mode de règlement des différends politiques. De Senghor jusqu’à Macky Sall en passant par Diouf et Wade. J’en parle en tant qu’acteur et témoin privilégié de plusieurs séquences de ce dialogue au cours des 30 dernières années (table ronde de 88, code consensuel de 92, Entrisme de 91, 95, Fichier et Processus Électoral, CENA , Comité de Veille à partir des années 2000 etc...) 

Toutes ces rencontres ont permis de faire faire à notre pays des pas de géant dans la construction, l’approfondissement et la consolidation de notre démocratie. Je suis convaincu également que les importantes conclusions du Dialogue National de cette année vont contribuer à contribuer et à pacifier l’espace et la pratique politiques.


Dakaractu - Une certaine opposition n’a pas pu y prendre part. Est-ce un frein à cet élan de concertation et d’échanges sur les urgences du pays ?


C’est dommage qu’une certaine frange de l’opposition ait boudé ce dialogue. Ils ont eu tort car la politique de la chaise vide en politique se paye cash ! Ils risquent d’être out en s’auto excluant du processus qui se poursuivra inéluctablement car telle est la volonté de la majorité de la population.
 
 
Dakaractu - Quel profil espérez-vous pour les dix prochaines années après Macky Sall ?


Vous savez, Macky Sall, à son arrivée au pouvoir a été servi par la conjonction d’astres favorables, une vision éclairée et un volontarisme inébranlable qui lui ont permis en une décennie de réaliser des choses exceptionnelles dans tous les domaines. Incontestablement sous son magistère, le Sénégal a fait un grand saut dans la modernité sans ignorer la nécessité d’aller vers plus d’équité sociale et territoriale et une plus grande démocratie économique.
 
Même ses adversaires n’osent plus affirmer qu’il n'a pas de bilan mais ils disent qu’il est matériel et non immatériel ! C’est vraiment un manque d’arguments car le grand bilan immatériel de cette dernière décennie c’est la paix et la stabilité du Sénégal au moment où la plupart des pays qui nous entourent sont plongés dans des coups d'État avec des guerres civiles ou des régimes militaires. Au même moment le Sénégal, l’une des plus fortes croissances économiques de la sous-région, voit sa démocratie qui tient debout avec des élections régulières et pacifiques, les libertés fondamentales globalement respectées.  C’est un bien précieux qu’il nous faut préserver à tout prix.

Malheureusement le Président Macky Sall a été desservi par deux facteurs limitants : son entourage et un nouveau type d’opposants.
 
Un entourage qui a manqué de générosité, d’esprit d’ouverture pour mettre en exergue et valoriser les réalisations exceptionnelles du Président Sall. Beaucoup de ses proches étant surtout obnubilés par les positions de pouvoir et la course aux richesses.
 
Un nouveau type d’opposition surfant sur le populisme et les frustrations des populations et manquant totalement de culture démocratique et même de culture tout court.
 
Un tel environnement, avec de tels acteurs, peut ouvrir la porte à toutes les dérives déstabilisatrices qui peuvent ruiner tous les acquis engrangés. Surtout quand des forces extérieures tapies dans l’ombre sont prêtes à s’accaparer, par tous les moyens, des nouvelles richesses du Sénégal (gaz et pétrole).
 
 Le profil qui va remplacer Macky Sall aura encore plus de défis à relever que lui. C’est pourquoi il sera difficile même au Président Sall, nonobstant ses qualités de leader et d’homme d’État exceptionnel de faire un choix opérant, vu les enjeux et les urgences.  
Il ne pourra que faire un pari sur l’homme. Espérons que ce sera un pari gagnant. Je ne crois pas tellement  à la vertu miracle de la carte blanche. 
 
En revanche, je crois à la concertation restreinte et croisée qui doit se poursuivre et qui peut conduire à des choix plus judicieux et mieux assumés collectivement au-delà des frontières de Benno et de la Majorité présidentielle.


Vendredi 14 Juillet 2023
Dakaractu




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