Paris fera-t-il mieux que Copenhague ? ; L’accord de Paris risque d’être un traité à minima ! ; Et l’Afrique dans tout cela ! ; Quant à L’Afrique francophone, elle doit assurer ses arrières !
Dans quelques semaines, tout ce que le monde compte comme experts sur les changements climatiques va se retrouver à Paris pour une nouvelle grande messe. Ce sera du 30 Novembre au 11 Décembre, soit une dizaine de jours au cours de laquelle, les représentants des 195 Etats membres des Nations Unies tenteront de s’accorder sur un texte contraignant et applicable à tous les pays sur la limitation du réchauffement global à 2° Celsius d’ici 2030, par rapport à l’ère préindustrielle.
Deux degrés Celsius, c’est la limite fatidique de réchauffement au-delà de laquelle, l’humanité ne pourra plus s’adapter, à temps, aux conséquences incalculables des changements climatiques (montée des eaux, inondations, sécheresse récurrentes, crises alimentaires, etc.). Cet accord doit remplacer le protocole de Kyoto dont les engagements ne pourront pas être prolongés au-delà de 2020.
En vertu de l’accord de Kyoto, les pays industrialisés étaient censés réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20% par rapport au niveau de 1990, mais cela n’a pas eu lieu. Pour que le réchauffement global puisse être maintenu dans la limite de 2°Celsius, les spécialistes sont formels : il faudrait, en langage simple, que 80 % des réserves actuelles d’énergie fossile (pétrole, charbon, etc.) non encore exploitées, ne le soient plus et que les besoins d’énergie futurs soient couverts à partir des énergies renouvelables. Si les pays développés n’ont pas été en mesure de remplir leur part du protocole de Kyoto, on peut légitimement se demander s’ils seront prêts à accepter un accord préconisant des réductions d’émission de gaz à effet de serre plus contraignantes.
D’où l’importance de la Conférence de Paris, présentée par tous comme le ‘’ Sommet de la dernière chance’’. Si la conférence de Paris aboutit à un accord juridiquement contraignant et limitant le réchauffement global à 2° Celsius d’ici 2030, il sera le premier accord du genre jamais conclu. Il sera également le plus grand succès de diplomatie environnementale depuis la Conférence de Rio en 1992, lors de laquelle, deux conventions internationales majeures sur l’environnement avaient été signées (climat et biodiversité) et une troisième portée sur les fonts baptismaux (désertification). Paris fera-t-il mieux que Copenhague ?
Tout porte à faire croire que la Conférence de Paris sur le climat fera mieux que celle de Copenhague en 2009. Sur les 195 pays que compte l’organisation des Nations Unies, 146 ont déjà soumis leur proposition de contribution à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Mais comme les contributions annoncées par bon nombre de pays sont en deçà des niveaux requis pour contenir le réchauffement global sous la barre de 2° Celsius d’ici 2030, l’accord souhaité pourrait ne pas être obtenu à la fin de la Conférence de Paris. Faut-il le rappeler, la Conférence de Copenhague en 2009 sur le climat avait été présentée comme l’ultime étape vers l’adoption d’un nouvel accord sur le climat pour la période post 2015. Les négociations avaient pourtant abouti à un texte sans ambition réelle, ni engagement contraignant. Pareil pour la Conférence de Cancun ou, à l’exception de la création du Fonds vert pour le climat, c’est également un texte sans relief qui avait été adopté. Pour toutes ces raisons, on peut craindre que les attentes déçues lors des conférences précédentes sur le climat (Copenhague, Cancun, etc.) ne se reportent sur la Conférence de Paris, avec l’espoir qu’elles seront satisfaites.
L’accord de Paris risque d’être un traité à minima ! Tous à la traine. En l’état actuel, les contributions annoncées ne sont pas seulement loin des niveaux requis pour maintenir le réchauffement global dans la limite de 2° Celsius, mais en plus ces contributions cachent des subtilités concernant les années de référence (1990, 2005), les horizons temporels utilisés (2030, 2050), les moyens de réduction préconisés et la part de chaque pays dans les émissions globales.
Ces subtilités brouillent les comparaisons entre pays. Arrêtons-nous, un moment sur le cas atypique de l’Australie. Voilà un pays dont la production d’électricité repose essentiellement sur le charbon (70%). Les énergies renouvelables ne rentrent que pour 4 % dans le bilan énergétique national. Face à cette situation, l’ancien gouvernement australien avait préconisé des réductions d’émissions de gaz à effet de serre allant de 40 à 65 % d’ici 20130. Le nouveau gouvernement néo-conservateur arrivé récemment au pouvoir, a prévu de ramener cet objectif à seulement 26 %. A ce rythme, il faudra plus qu’une génération avant que l’économie australienne ne soit neutre en carbone. Le cas de l’Australie n’est pas un cas isolé. Des pays comme la Russie, le Canada sont tous aussi à la traine. Le Canada, qui était sorti du protocole de Kyoto accuse un retard énorme pour être au même niveau que les pays européens. Des pays comme la Nouvelle Zélande et le Japon envisagent comme l’Australie, de mettre en exploitation de nouvelles centrales à charbon.
L’Arabie saoudite, pour ne prendre que cet exemple parmi les pays dont l’économie repose sur l’exploitation pétrolière, ne veut pas entendre parler de l’objectif de 2° Celsius, car cela signifie pour elle des réductions d’émissions de l’ordre de 40 à 70 % d’ici 2030. Tout n’est pourtant pas totalement sombre concernant les pays développés : les pays de l’Union européenne viennent de s’accorder sur un plan climat prévoyant des réductions d’au moins 40 % d’ici 2030. En tant que troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, l’Europe peine à tirer les pays industrialisés vers le haut.
S’agissant du pays de l’oncle Sam, on a la ‘’chance’’ que son actuel président ne soit plus préoccupé par une campagne électorale. Le plan climat que Barack Obama vient de dévoiler préconise des réductions d’émissions de 32 % d’ici 2030. Dans un pays ou 39 % de l’électricité provient du charbon et ou près de 170.000 personnes vivent encore de l’économie du charbon, cela est un pas à saluer, bien que très insuffisant rapporté à la part des Etats Unis dans l’objectif de maintenir le réchauffement sous la barre des 2° Celsius. Quant aux pays émergents (Chine, Brésil, Inde, etc.), ils semblent disposés à partager l’objectif de 2° Celsius. Mais, le défi auquel ils sont confrontés, c’est de concilier des objectifs de réduction d’émissions aussi contraignants avec les besoins énormes de développement de leurs populations respectives. Les positions de certains vont certainement bouger d’ici la Conférence de Paris, mais elles n’auront pas suffisamment bougé pour rendre possible un accord ambitieux et contraignant autour de 2° Celsius de réchauffement global. Certains observateurs pensent qu’il faut d’ores et déjà envisager de nouveaux rounds de négociation - Paris II, III, qui sait ! - avant qu’un accord plein ne soit trouvé.
Et l’Afrique dans tout cela ! Comme à la veille de chaque négociation, l’on ne peut s’empêcher de relever le contraste entre le poids réel de l’Afrique, en termes de nombre de pays, donc de vote et sa capacité à peser sur le cours des négociations internationales, notamment celles sur l’environnement et le développement durable. Pendant longtemps, les pays africains ont éprouvé des difficultés à définir des positions de négociation communes et à négocier d’une seule voie.
Certains faits récents témoignent, toutefois, de l’émergence d’un nouveau leadership politique africain pour ce qui concerne les négociations sur le climat. Le blocage du Groupe de travail sur le Protocole de Kyoto, lors de la session préparatoire de Copenhague, à Barcelone en novembre 2009, par le Groupe africain est un signe que l’Afrique prend conscience de son poids. Le Groupe Africain avait exigé et obtenu que les discussions sur les objectifs de réduction des émissions de Gaz à effet de Serre, précèdent les travaux du Groupe de travail sur le protocole e Kyoto. Il y a ensuite tout le travail abattu par la Conférence Ministérielle Africaine sur le climat pour présenter une position africaine unifiée à Copenhague. Le document présenté avait abouti à la création d’une plateforme commune africaine historique sur le climat. L’accord de Copenhague n’avait pas reflété les positions africaines, mais l’Afrique n’a jamais été aussi proche de parler d’une seule et même voix qu’à cette occasion. Il faut souhaiter la même dynamique avant, durant et après la Conférence de Paris.
S’agissant de la Conférence de Paris, les pays africains s’attellent à l’élaboration d’une position commune depuis le mois de janvier 2015, avec l’aide de ClimDev-Afrique. Cette position commune s’articule autour de l’adoption, à Paris, d’un accord juridiquement contraignant, mais fondé sur le principe de responsabilité commune mais différenciée, l’engagement à maintenir le réchauffement global en dessous de 1.50° Celsius, soit un objectif de réduction d’émissions plus ambitieux encore et la mobilisation de ressources financières additionnelles et adéquates pour supporter les couts de l’adaptation aux effets du changement climatique. Mieux, plusieurs pays africains à l’exception notable du Nigéria, ont déjà fait parvenir leurs propositions de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la date limite du 1er octobre 2015. Il s’agit maintenant de se présenter en ordre de bataille prêts à ‘’guerroyer’’ en vue de mobiliser les financements requis. Le fonds vert censé être alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020, est loin d’être suffisamment approvisionné, à moins d’un mois de la COP 21.
Mais quel que soit le contenu de l’accord qui sera trouvé à Paris, la véritable question posée aux dirigeants africains, est celle de la viabilité des économies africaines. Les pays africains, c’est connu, sont les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement et aucun secteur d’activité (économie, infrastructures, santé, agriculture, etc.) n’est à l’abri des effets du réchauffement du climat. A partir de ce moment, il devient impératif que le leadership sur les dossiers climat visant l’Afrique soit assuré par les institutions africaines.
Or, quand on analyse les initiatives sur le climat visant l’Afrique, que ce soit dans le domaine de la recherche ou de l’élaboration et la mise en œuvre des projets, on note que celles-ci sont en grande partie régentées depuis l’extérieur. Quant à L’Afrique francophone, elle doit assurer ses arrières ! La France ne va pas seulement accueillir la COP 21, elle va aussi la présider comme il est d’usage dans les négociations internationales. Le gouvernement français tient par conséquent à ce que la conférence soit un succès diplomatique total et il fera tout pour que cela soit possible, François Hollande ayant fait de la COP 21, un enjeu majeur de son quinquennat. La machine diplomatique est mobilisée pour faire de Paris le lieu de signature du premier accord universel sur le climat et le point de départ du ‘’nouvel ordre climatique mondial. ‘’ Il faut sortir de Paris avec un traité car, plus tard, ce sera trop tard’’, a indiqué Laurent Fabius, Ministre français des affaires étrangères. Les français ont pesé de tout leur poids pour l’adoption par l’Union européenne du ‘’ Paquet-énergie-climat’’ pour 2030.
Celui-ci est articulé autour de la réduction des émissions européennes d’au moins 40 % par rapport au niveau de 1990, de l’augmentation de la part des énergies renouvelables à 27 % du mix-énergétique de chaque état membre et de la réduction des consommations énergétiques au sein de l’Union. La Pologne qui tire 90 % de son électricité du charbon, ainsi que la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie ont obtenu, avec l’appui de la France, l’engagement de l’Union européenne à soutenir leur transition énergétique. S’agissant de l’Afrique, notamment l’Afrique francophone on a assisté à un intense ballet diplomatique. Dans la ‘’lutte d’influence’’ qui l’oppose à Laurent Fabius, pour le contrôle des négociations, Ségolène Royal a visité plusieurs pays africains (Afrique du Sud, Ghana, Gabon, etc.).
A sa suite, Annick Girardin, Secrétaire d’Etat au développement et à la Francophonie a également visité plusieurs pays du ’’ pré-carré’’. Raison invoquée : éviter que les pays africains ne se sentent marginalisés, comme cela avait été le cas à Copenhague. La vérité est que la diplomatie française prépare les pays du ‘’pré carré’’. Elle les prépare à signer l’accord qui sortira de la Conférence et tout porte à croire que tous ces pays signeront, y compris, hélas, si l' ne répondait pas à leurs attentes. Ce qui rend l’hypothèse plausible, c’est que ce scénario s’est déjà produit et à Paris. C’était lors du dernier round des négociations de la Convention sur la désertification. Des désaccords profonds subsistaient sur la question du financement des plans d’action de lutte contre la désertification.
Les pays en voie de développement, africains notamment voulaient que les pays industrialisés prennent des engagements pour le financement de ces actions, alors que ces derniers ne voulaient pas contracter de nouvelles obligations financières. Les organisations de la société civile et des délégations de pays touchés étaient déterminées à empêcher l’adoption de la convention sans modification des dispositions relatives au financement.
Mais, tard dans la soirée du 17 juin 1994, dernier jour des négociations, plusieurs délégations reçurent de leurs gouvernements respectifs des instructions pour signer la convention et accepter le principe de l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations sur le mécanisme de financement, après la session de Paris. L’expression ‘’ pays du champ ‘’ est de moins en moins utilisée aujourd’hui, peut-être parce qu’elle est passée de mode, mais la réalité qu’elle couvre reste toujours d’actualité. Le groupe africain est un bon rempart pour défendre les intérêts des pays africains lors des négociations internationales. Mais comme la diplomatie française choisit par stratégie de s’adresser aux pays individuellement, les pays africains francophones gagneraient à cultiver entre-eux, un leadership collectif qui leur permettrait de mieux exister. L’étape de Paris se situe dans une phase charnière dans le cycle des négociations climat car elle doit déboucher sur un accord universel sans précédent permettant de maintenir le réchauffement global en deca de 2° Celsius d’ici 2030. Seulement, les symptômes que l’on observe aujourd’hui à la veille de la conférence de Paris, sont les mêmes que l’on avait observés à la veille de la Conférence de Copenhague et qui avaient été à l’origine de son échec. Sous ce rapport, la conférence de Paris dégage un air de déjà-vu.
Masse Lô,
Environnementaliste Novembre 2015
Deux degrés Celsius, c’est la limite fatidique de réchauffement au-delà de laquelle, l’humanité ne pourra plus s’adapter, à temps, aux conséquences incalculables des changements climatiques (montée des eaux, inondations, sécheresse récurrentes, crises alimentaires, etc.). Cet accord doit remplacer le protocole de Kyoto dont les engagements ne pourront pas être prolongés au-delà de 2020.
En vertu de l’accord de Kyoto, les pays industrialisés étaient censés réduire leurs émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20% par rapport au niveau de 1990, mais cela n’a pas eu lieu. Pour que le réchauffement global puisse être maintenu dans la limite de 2°Celsius, les spécialistes sont formels : il faudrait, en langage simple, que 80 % des réserves actuelles d’énergie fossile (pétrole, charbon, etc.) non encore exploitées, ne le soient plus et que les besoins d’énergie futurs soient couverts à partir des énergies renouvelables. Si les pays développés n’ont pas été en mesure de remplir leur part du protocole de Kyoto, on peut légitimement se demander s’ils seront prêts à accepter un accord préconisant des réductions d’émission de gaz à effet de serre plus contraignantes.
D’où l’importance de la Conférence de Paris, présentée par tous comme le ‘’ Sommet de la dernière chance’’. Si la conférence de Paris aboutit à un accord juridiquement contraignant et limitant le réchauffement global à 2° Celsius d’ici 2030, il sera le premier accord du genre jamais conclu. Il sera également le plus grand succès de diplomatie environnementale depuis la Conférence de Rio en 1992, lors de laquelle, deux conventions internationales majeures sur l’environnement avaient été signées (climat et biodiversité) et une troisième portée sur les fonts baptismaux (désertification). Paris fera-t-il mieux que Copenhague ?
Tout porte à faire croire que la Conférence de Paris sur le climat fera mieux que celle de Copenhague en 2009. Sur les 195 pays que compte l’organisation des Nations Unies, 146 ont déjà soumis leur proposition de contribution à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030. Mais comme les contributions annoncées par bon nombre de pays sont en deçà des niveaux requis pour contenir le réchauffement global sous la barre de 2° Celsius d’ici 2030, l’accord souhaité pourrait ne pas être obtenu à la fin de la Conférence de Paris. Faut-il le rappeler, la Conférence de Copenhague en 2009 sur le climat avait été présentée comme l’ultime étape vers l’adoption d’un nouvel accord sur le climat pour la période post 2015. Les négociations avaient pourtant abouti à un texte sans ambition réelle, ni engagement contraignant. Pareil pour la Conférence de Cancun ou, à l’exception de la création du Fonds vert pour le climat, c’est également un texte sans relief qui avait été adopté. Pour toutes ces raisons, on peut craindre que les attentes déçues lors des conférences précédentes sur le climat (Copenhague, Cancun, etc.) ne se reportent sur la Conférence de Paris, avec l’espoir qu’elles seront satisfaites.
L’accord de Paris risque d’être un traité à minima ! Tous à la traine. En l’état actuel, les contributions annoncées ne sont pas seulement loin des niveaux requis pour maintenir le réchauffement global dans la limite de 2° Celsius, mais en plus ces contributions cachent des subtilités concernant les années de référence (1990, 2005), les horizons temporels utilisés (2030, 2050), les moyens de réduction préconisés et la part de chaque pays dans les émissions globales.
Ces subtilités brouillent les comparaisons entre pays. Arrêtons-nous, un moment sur le cas atypique de l’Australie. Voilà un pays dont la production d’électricité repose essentiellement sur le charbon (70%). Les énergies renouvelables ne rentrent que pour 4 % dans le bilan énergétique national. Face à cette situation, l’ancien gouvernement australien avait préconisé des réductions d’émissions de gaz à effet de serre allant de 40 à 65 % d’ici 20130. Le nouveau gouvernement néo-conservateur arrivé récemment au pouvoir, a prévu de ramener cet objectif à seulement 26 %. A ce rythme, il faudra plus qu’une génération avant que l’économie australienne ne soit neutre en carbone. Le cas de l’Australie n’est pas un cas isolé. Des pays comme la Russie, le Canada sont tous aussi à la traine. Le Canada, qui était sorti du protocole de Kyoto accuse un retard énorme pour être au même niveau que les pays européens. Des pays comme la Nouvelle Zélande et le Japon envisagent comme l’Australie, de mettre en exploitation de nouvelles centrales à charbon.
L’Arabie saoudite, pour ne prendre que cet exemple parmi les pays dont l’économie repose sur l’exploitation pétrolière, ne veut pas entendre parler de l’objectif de 2° Celsius, car cela signifie pour elle des réductions d’émissions de l’ordre de 40 à 70 % d’ici 2030. Tout n’est pourtant pas totalement sombre concernant les pays développés : les pays de l’Union européenne viennent de s’accorder sur un plan climat prévoyant des réductions d’au moins 40 % d’ici 2030. En tant que troisième émetteur mondial de gaz à effet de serre, l’Europe peine à tirer les pays industrialisés vers le haut.
S’agissant du pays de l’oncle Sam, on a la ‘’chance’’ que son actuel président ne soit plus préoccupé par une campagne électorale. Le plan climat que Barack Obama vient de dévoiler préconise des réductions d’émissions de 32 % d’ici 2030. Dans un pays ou 39 % de l’électricité provient du charbon et ou près de 170.000 personnes vivent encore de l’économie du charbon, cela est un pas à saluer, bien que très insuffisant rapporté à la part des Etats Unis dans l’objectif de maintenir le réchauffement sous la barre des 2° Celsius. Quant aux pays émergents (Chine, Brésil, Inde, etc.), ils semblent disposés à partager l’objectif de 2° Celsius. Mais, le défi auquel ils sont confrontés, c’est de concilier des objectifs de réduction d’émissions aussi contraignants avec les besoins énormes de développement de leurs populations respectives. Les positions de certains vont certainement bouger d’ici la Conférence de Paris, mais elles n’auront pas suffisamment bougé pour rendre possible un accord ambitieux et contraignant autour de 2° Celsius de réchauffement global. Certains observateurs pensent qu’il faut d’ores et déjà envisager de nouveaux rounds de négociation - Paris II, III, qui sait ! - avant qu’un accord plein ne soit trouvé.
Et l’Afrique dans tout cela ! Comme à la veille de chaque négociation, l’on ne peut s’empêcher de relever le contraste entre le poids réel de l’Afrique, en termes de nombre de pays, donc de vote et sa capacité à peser sur le cours des négociations internationales, notamment celles sur l’environnement et le développement durable. Pendant longtemps, les pays africains ont éprouvé des difficultés à définir des positions de négociation communes et à négocier d’une seule voie.
Certains faits récents témoignent, toutefois, de l’émergence d’un nouveau leadership politique africain pour ce qui concerne les négociations sur le climat. Le blocage du Groupe de travail sur le Protocole de Kyoto, lors de la session préparatoire de Copenhague, à Barcelone en novembre 2009, par le Groupe africain est un signe que l’Afrique prend conscience de son poids. Le Groupe Africain avait exigé et obtenu que les discussions sur les objectifs de réduction des émissions de Gaz à effet de Serre, précèdent les travaux du Groupe de travail sur le protocole e Kyoto. Il y a ensuite tout le travail abattu par la Conférence Ministérielle Africaine sur le climat pour présenter une position africaine unifiée à Copenhague. Le document présenté avait abouti à la création d’une plateforme commune africaine historique sur le climat. L’accord de Copenhague n’avait pas reflété les positions africaines, mais l’Afrique n’a jamais été aussi proche de parler d’une seule et même voix qu’à cette occasion. Il faut souhaiter la même dynamique avant, durant et après la Conférence de Paris.
S’agissant de la Conférence de Paris, les pays africains s’attellent à l’élaboration d’une position commune depuis le mois de janvier 2015, avec l’aide de ClimDev-Afrique. Cette position commune s’articule autour de l’adoption, à Paris, d’un accord juridiquement contraignant, mais fondé sur le principe de responsabilité commune mais différenciée, l’engagement à maintenir le réchauffement global en dessous de 1.50° Celsius, soit un objectif de réduction d’émissions plus ambitieux encore et la mobilisation de ressources financières additionnelles et adéquates pour supporter les couts de l’adaptation aux effets du changement climatique. Mieux, plusieurs pays africains à l’exception notable du Nigéria, ont déjà fait parvenir leurs propositions de contribution à la réduction des émissions de gaz à effet de serre avant la date limite du 1er octobre 2015. Il s’agit maintenant de se présenter en ordre de bataille prêts à ‘’guerroyer’’ en vue de mobiliser les financements requis. Le fonds vert censé être alimenté à hauteur de 100 milliards de dollars par an jusqu’en 2020, est loin d’être suffisamment approvisionné, à moins d’un mois de la COP 21.
Mais quel que soit le contenu de l’accord qui sera trouvé à Paris, la véritable question posée aux dirigeants africains, est celle de la viabilité des économies africaines. Les pays africains, c’est connu, sont les plus vulnérables aux conséquences du réchauffement et aucun secteur d’activité (économie, infrastructures, santé, agriculture, etc.) n’est à l’abri des effets du réchauffement du climat. A partir de ce moment, il devient impératif que le leadership sur les dossiers climat visant l’Afrique soit assuré par les institutions africaines.
Or, quand on analyse les initiatives sur le climat visant l’Afrique, que ce soit dans le domaine de la recherche ou de l’élaboration et la mise en œuvre des projets, on note que celles-ci sont en grande partie régentées depuis l’extérieur. Quant à L’Afrique francophone, elle doit assurer ses arrières ! La France ne va pas seulement accueillir la COP 21, elle va aussi la présider comme il est d’usage dans les négociations internationales. Le gouvernement français tient par conséquent à ce que la conférence soit un succès diplomatique total et il fera tout pour que cela soit possible, François Hollande ayant fait de la COP 21, un enjeu majeur de son quinquennat. La machine diplomatique est mobilisée pour faire de Paris le lieu de signature du premier accord universel sur le climat et le point de départ du ‘’nouvel ordre climatique mondial. ‘’ Il faut sortir de Paris avec un traité car, plus tard, ce sera trop tard’’, a indiqué Laurent Fabius, Ministre français des affaires étrangères. Les français ont pesé de tout leur poids pour l’adoption par l’Union européenne du ‘’ Paquet-énergie-climat’’ pour 2030.
Celui-ci est articulé autour de la réduction des émissions européennes d’au moins 40 % par rapport au niveau de 1990, de l’augmentation de la part des énergies renouvelables à 27 % du mix-énergétique de chaque état membre et de la réduction des consommations énergétiques au sein de l’Union. La Pologne qui tire 90 % de son électricité du charbon, ainsi que la Hongrie, la Roumanie, la Bulgarie ont obtenu, avec l’appui de la France, l’engagement de l’Union européenne à soutenir leur transition énergétique. S’agissant de l’Afrique, notamment l’Afrique francophone on a assisté à un intense ballet diplomatique. Dans la ‘’lutte d’influence’’ qui l’oppose à Laurent Fabius, pour le contrôle des négociations, Ségolène Royal a visité plusieurs pays africains (Afrique du Sud, Ghana, Gabon, etc.).
A sa suite, Annick Girardin, Secrétaire d’Etat au développement et à la Francophonie a également visité plusieurs pays du ’’ pré-carré’’. Raison invoquée : éviter que les pays africains ne se sentent marginalisés, comme cela avait été le cas à Copenhague. La vérité est que la diplomatie française prépare les pays du ‘’pré carré’’. Elle les prépare à signer l’accord qui sortira de la Conférence et tout porte à croire que tous ces pays signeront, y compris, hélas, si l' ne répondait pas à leurs attentes. Ce qui rend l’hypothèse plausible, c’est que ce scénario s’est déjà produit et à Paris. C’était lors du dernier round des négociations de la Convention sur la désertification. Des désaccords profonds subsistaient sur la question du financement des plans d’action de lutte contre la désertification.
Les pays en voie de développement, africains notamment voulaient que les pays industrialisés prennent des engagements pour le financement de ces actions, alors que ces derniers ne voulaient pas contracter de nouvelles obligations financières. Les organisations de la société civile et des délégations de pays touchés étaient déterminées à empêcher l’adoption de la convention sans modification des dispositions relatives au financement.
Mais, tard dans la soirée du 17 juin 1994, dernier jour des négociations, plusieurs délégations reçurent de leurs gouvernements respectifs des instructions pour signer la convention et accepter le principe de l’ouverture d’un nouveau cycle de négociations sur le mécanisme de financement, après la session de Paris. L’expression ‘’ pays du champ ‘’ est de moins en moins utilisée aujourd’hui, peut-être parce qu’elle est passée de mode, mais la réalité qu’elle couvre reste toujours d’actualité. Le groupe africain est un bon rempart pour défendre les intérêts des pays africains lors des négociations internationales. Mais comme la diplomatie française choisit par stratégie de s’adresser aux pays individuellement, les pays africains francophones gagneraient à cultiver entre-eux, un leadership collectif qui leur permettrait de mieux exister. L’étape de Paris se situe dans une phase charnière dans le cycle des négociations climat car elle doit déboucher sur un accord universel sans précédent permettant de maintenir le réchauffement global en deca de 2° Celsius d’ici 2030. Seulement, les symptômes que l’on observe aujourd’hui à la veille de la conférence de Paris, sont les mêmes que l’on avait observés à la veille de la Conférence de Copenhague et qui avaient été à l’origine de son échec. Sous ce rapport, la conférence de Paris dégage un air de déjà-vu.
Masse Lô,
Environnementaliste Novembre 2015
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