DAKARACTU.COM C’est après le match opposant le Sénégal à la Guinée Equatoriale que le chef de l’Etat sénégalais, Abdoulaye Wade, visiblement atteint par la défaite des lions, a reçu le directeur de la rédaction de dakaractu. L’entretien, qui a duré de 23h à 2h du matin, s’est déroulé à bâtons rompus. Toute la vie de l’actuel locataire du palais de l'Avenue-Léopold-Sédar-Senghor a été passée au crible, de sa naissance à Kébémer à la veille de ce qui sera sans doute son dernier combat politique, en février prochain. Wade s’est livré et, à travers sa vie, a reconstitué des pans entiers de l’histoire politique du Sénégal. Il a parlé de son bilan au cours de ces douze années passées à la tête du pays et décliné les actions qu’il entend mener s’il est réélu. Encore faudrait-il que sa candidature soit validée dans les tout prochains jours par le Conseil constitutionnel. Compte tenu de l’imminence de la décision de la haute juridiction, nous avons extrait la partie de l’entretien relative à cette candidature controversée que nous vous proposons aujourd’hui en exclusivité. En attendant les gros morceaux de cette interview que nous avons voulu exhaustive et que vous pourrez lire prochainement dans votre site préféré.
Pourquoi, au bout de deux mandats, persistez-vous à vouloir en briguer un troisième fort controversé ?
J’ai une mission historique à remplir au service de mon pays. Je ne suis pas devenu président du Sénégal par hasard. Mon arrivée au pouvoir est l’aboutissement logique d’un long cursus de combat pour la démocratie et le progrès.
Ne pensez-vous pas, à 86 ans, au bout de vingt-six ans d’opposition, et de douze ans d’exercice du pouvoir, que le temps est venu pour vous de goûter à une retraite bien méritée ?
Je me sens toujours dans les dispositions physiques et intellectuelles de servir mon peuple. Et ne saurais m’arrêter au milieu du gué. J’ai trouvé le Sénégal en 2000 dans les profondeurs du classement des Pays les moins avancés. En 12 ans, j’en ai fait un pays à revenu intermédiaire. Il y a même quelques prémisses d’émergence. J’ai besoin de trois autres années pour terminer quelques grands chantiers qui vont achever d’en faire un pays émergent.
N’êtes-vous pas trop vieux pour une fonction aussi exigeante que celle de chef d'Etat, comme le rappellent trop souvent vos détracteurs ?
Ce sont eux qui le disent. On a l’âge de sa volonté. Je continue à brûler de cette passion du Sénégal et à être animé de ce plaisir intact de servir. Et puis, comme je l’ai dit il y a quelques jours aux Français, le plus vieux de la classe politique, ce n’est pas moi. C’est Amadou Mahtar Mbow, le chef de l’opposition.
Au-delà de la contrainte liée à l’âge, votre candidature est qualifiée d’anticonstitutionnelle par la plupart des juristes sénégalais…
Quels juristes ? Je suis juriste moi aussi. Et la Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée. Tout seul. Nul ne la connaît mieux que moi. Tous ceux qui prétendent l’avoir rédigée racontent du faux. C’est moi qui l’ai écrite. J’ai tout au plus sollicité des avis de juristes quand j’ai terminé la rédaction. Je l’ai fait lire à Serigne Diop, Amsatou Sow Sidibé et quelques autres pour recueillir des points de vue, des amendements, des suggestions... Ceux qui prétendent le contraire racontent des contre-vérités, à l’image de ceux qui disent avoir appartenu à une commission de rédaction. Il n’y a pas eu de commission de rédaction. La Constitution est mon œuvre. Nul ne peut l’interpréter mieux que moi-même.
Aux termes des articles 27 et 104 de cette Constitution, vous ne pouvez plus, après deux mandats, en briguer un autre…
Cet article 27, c’est moi qui l’ai rédigé. Sa nouvelle version date de 2008 et dit que le président est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une fois. J’ai été élu en 2000 sur la base de la Loi fondamentale de 1963. Après mon élection, j’ai fait adopter une nouvelle Constitution. Tout le monde sait que la loi régit le présent et l’avenir mais ne rétroagit pas. C’est un principe général de droit. Depuis que l’article 27 instituant le septennat a été adopté en 2008, il n’y a pas eu d’élection. Mon premier mandat sous l’empire de ce nouveau texte est celui qui démarre en 2012. Je peux même légalement me présenter pour une autre fois en 2019. Les juristes sérieux le savent et l’ont écrit.
Pourquoi dans ce cas avez-vous déclaré, après votre victoire de 2007, que vous ne pouviez plus vous présenter ?
L’argument facile consiste à invoquer cette déclaration au lieu d’interroger le texte constitutionnel lui-même. Ma déclaration n’a pas de valeur juridique. La Constitution, si. Mes adversaires le savent mais ils sont de mauvaise foi. Leur problème, ce n’est d’ailleurs pas tout ce qu’ils racontent sur l’article 27 et les autres. Ils ont la hantise de me voir candidat. Et pour une raison simple : ils savent que je vais les battre. Ils ne peuvent pas gagner s’ils m’ont en face. C’est cela le fond de toute cette agitation autour du thème de l’illégalité de ma candidature.
Mesurez-vous les risques que fait peser votre candidature sur la stabilité du pays ? Vos adversaires sont résolus à user de tous les moyens pour l’empêcher…
Ils ne feront rien. Ce disque est rayé. Ils n’ont d’ailleurs pas commencé dans ce registre. Ils ont d’abord cherché à m’amadouer, en m’affublant de tous les superlatifs (père de la nation, bâtisseur du pays, artisan de la démocratie…) pour m’anesthésier afin que je renonce à être candidat. Devant l’échec de cette manœuvre, ils ont brandi l’arme de la menace. C’est du vent. Ils m’ont donné un ultimatum pour que je dise que je ne me présente pas, je ne me suis pas exécuté. Il n’y a rien eu. Ils ont prétendu qu’ils attendaient que je présente ma candidature pour brûler le pays, j’ai présenté ma candidature. Il n’y a rien eu. Ils clament maintenant qu’ils vont agir le jour où le Conseil constitutionnel va arrêter la liste des candidats. Ils ne feront rien du tout. Certains d’entre eux poussent le ridicule jusqu’à déclarer qu’ils attendent mon élection pour mettre le feu le jour de mon investiture !
Ceux que vous semblez tant sous-estimer vous ont fait retirer votre projet de réforme constitutionnelle le 23 juin dernier. Ne peuvent-ils pas imposer à nouveau un rapport de forces en votre défaveur ?
Ils nous ont surpris ce jour-là. J’ai commis une erreur d’appréciation. Jamais je n’avais imaginé qu’il y aurait des bagarres. J’ai péché par angélisme, estimant que les choses allaient se limiter à des passes d’armes verbales, alors que mes adversaires avaient ourdi un complot. Jamais un scénario de ce type ne se reproduira. Nous ne nous laisserons plus surprendre.
Vos détracteurs ne sont pas seuls dans leur combat. Ils sont soutenus par les Etats-Unis dont les officiels multiplient les sorties au vitriol contre vous. Pourrez-vous contenir toute cette pression ?
Quelle pression ? Personne ne peut exercer des pressions sur moi. Personne. Cela n’a pas de sens. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Je travaille bien, j’ai des résultats… Evidemment, je prends quelquefois des positions qui gênent mais c’est ainsi. Je suis le dirigeant d’un petit pays mais je n’ai peur d’aucune puissance. Si je suis attaqué, je me défendrai. D’ailleurs, l’opinion est divisée aux Etats-Unis. Il y a des congressmen qui ont écrit au gouvernement américain pour lui dire qu’Abdoulaye Wade est l’ami de l’Amérique et qu’il a été l’unique dirigeant africain à avoir organisé une conférence internationale contre le terrorisme quand les Twin towers ont été démolis par des radicaux.
Si les pressions des Etats-Unis s’avèrent vaines, vous pouvez être disqualifié par le Conseil constitutionnel, s’il déclare votre candidature irrecevable. Envisagez-vous cette hypothèse ?
Pas du tout. Pas un seul instant. Et pour une raison simple : les juges du Conseil constitutionnel sont des connaisseurs du droit. Il y a même un agrégé parmi eux. Le raisonnement juridique qui valide ma candidature s’impose de lui-même. Il n’existe pas d’argument juridique solide pour la déclarer irrecevable. Ce n’est pas sérieux en droit de soutenir la thèse de l’irrecevabilité.
Et si, en dépit de tous vos arguments, le Conseil constitutionnel invalide votre candidature, que ferez-vous ?
Je ne pense pas que votre hypothèse puisse se produire. Cela me surprendrait. Mais bon, si par extraordinaire cela arrivait, je m’y plierais. Que voulez-vous que je fasse ? M’opposer à une décision du Conseil constitutionnel ? Je ne peux pas l’imaginer. Mais si les juges en décident ainsi, je vous laisserai tout ça entre les mains et je partirai.
Où partirez-vous ?
Chez moi, au Point E.
Envisagez-vous une vie après le pouvoir ?
Absolument. Je rêve de rester chez moi, au Point E, ou sur mon terrain à Yoff, pour recevoir les gens qui viennent solliciter mes conseils. J’ai envie d’écrire. Tout le monde me demande de rédiger mes Mémoires. J’ai quelques morceaux mais il faut que je les termine. Et puis j’ai des livres d’économie à écrire. Dans le cadre d’un combat scientifique, je veux rédiger des ouvrages qui remettent l’économie politique sur ses pieds.
(A suivre...)
Propos recueillis par Cheikh Yérim Seck
Pourquoi, au bout de deux mandats, persistez-vous à vouloir en briguer un troisième fort controversé ?
J’ai une mission historique à remplir au service de mon pays. Je ne suis pas devenu président du Sénégal par hasard. Mon arrivée au pouvoir est l’aboutissement logique d’un long cursus de combat pour la démocratie et le progrès.
Ne pensez-vous pas, à 86 ans, au bout de vingt-six ans d’opposition, et de douze ans d’exercice du pouvoir, que le temps est venu pour vous de goûter à une retraite bien méritée ?
Je me sens toujours dans les dispositions physiques et intellectuelles de servir mon peuple. Et ne saurais m’arrêter au milieu du gué. J’ai trouvé le Sénégal en 2000 dans les profondeurs du classement des Pays les moins avancés. En 12 ans, j’en ai fait un pays à revenu intermédiaire. Il y a même quelques prémisses d’émergence. J’ai besoin de trois autres années pour terminer quelques grands chantiers qui vont achever d’en faire un pays émergent.
N’êtes-vous pas trop vieux pour une fonction aussi exigeante que celle de chef d'Etat, comme le rappellent trop souvent vos détracteurs ?
Ce sont eux qui le disent. On a l’âge de sa volonté. Je continue à brûler de cette passion du Sénégal et à être animé de ce plaisir intact de servir. Et puis, comme je l’ai dit il y a quelques jours aux Français, le plus vieux de la classe politique, ce n’est pas moi. C’est Amadou Mahtar Mbow, le chef de l’opposition.
Au-delà de la contrainte liée à l’âge, votre candidature est qualifiée d’anticonstitutionnelle par la plupart des juristes sénégalais…
Quels juristes ? Je suis juriste moi aussi. Et la Constitution, c’est moi qui l’ai rédigée. Tout seul. Nul ne la connaît mieux que moi. Tous ceux qui prétendent l’avoir rédigée racontent du faux. C’est moi qui l’ai écrite. J’ai tout au plus sollicité des avis de juristes quand j’ai terminé la rédaction. Je l’ai fait lire à Serigne Diop, Amsatou Sow Sidibé et quelques autres pour recueillir des points de vue, des amendements, des suggestions... Ceux qui prétendent le contraire racontent des contre-vérités, à l’image de ceux qui disent avoir appartenu à une commission de rédaction. Il n’y a pas eu de commission de rédaction. La Constitution est mon œuvre. Nul ne peut l’interpréter mieux que moi-même.
Aux termes des articles 27 et 104 de cette Constitution, vous ne pouvez plus, après deux mandats, en briguer un autre…
Cet article 27, c’est moi qui l’ai rédigé. Sa nouvelle version date de 2008 et dit que le président est élu pour un mandat de 7 ans renouvelable une fois. J’ai été élu en 2000 sur la base de la Loi fondamentale de 1963. Après mon élection, j’ai fait adopter une nouvelle Constitution. Tout le monde sait que la loi régit le présent et l’avenir mais ne rétroagit pas. C’est un principe général de droit. Depuis que l’article 27 instituant le septennat a été adopté en 2008, il n’y a pas eu d’élection. Mon premier mandat sous l’empire de ce nouveau texte est celui qui démarre en 2012. Je peux même légalement me présenter pour une autre fois en 2019. Les juristes sérieux le savent et l’ont écrit.
Pourquoi dans ce cas avez-vous déclaré, après votre victoire de 2007, que vous ne pouviez plus vous présenter ?
L’argument facile consiste à invoquer cette déclaration au lieu d’interroger le texte constitutionnel lui-même. Ma déclaration n’a pas de valeur juridique. La Constitution, si. Mes adversaires le savent mais ils sont de mauvaise foi. Leur problème, ce n’est d’ailleurs pas tout ce qu’ils racontent sur l’article 27 et les autres. Ils ont la hantise de me voir candidat. Et pour une raison simple : ils savent que je vais les battre. Ils ne peuvent pas gagner s’ils m’ont en face. C’est cela le fond de toute cette agitation autour du thème de l’illégalité de ma candidature.
Mesurez-vous les risques que fait peser votre candidature sur la stabilité du pays ? Vos adversaires sont résolus à user de tous les moyens pour l’empêcher…
Ils ne feront rien. Ce disque est rayé. Ils n’ont d’ailleurs pas commencé dans ce registre. Ils ont d’abord cherché à m’amadouer, en m’affublant de tous les superlatifs (père de la nation, bâtisseur du pays, artisan de la démocratie…) pour m’anesthésier afin que je renonce à être candidat. Devant l’échec de cette manœuvre, ils ont brandi l’arme de la menace. C’est du vent. Ils m’ont donné un ultimatum pour que je dise que je ne me présente pas, je ne me suis pas exécuté. Il n’y a rien eu. Ils ont prétendu qu’ils attendaient que je présente ma candidature pour brûler le pays, j’ai présenté ma candidature. Il n’y a rien eu. Ils clament maintenant qu’ils vont agir le jour où le Conseil constitutionnel va arrêter la liste des candidats. Ils ne feront rien du tout. Certains d’entre eux poussent le ridicule jusqu’à déclarer qu’ils attendent mon élection pour mettre le feu le jour de mon investiture !
Ceux que vous semblez tant sous-estimer vous ont fait retirer votre projet de réforme constitutionnelle le 23 juin dernier. Ne peuvent-ils pas imposer à nouveau un rapport de forces en votre défaveur ?
Ils nous ont surpris ce jour-là. J’ai commis une erreur d’appréciation. Jamais je n’avais imaginé qu’il y aurait des bagarres. J’ai péché par angélisme, estimant que les choses allaient se limiter à des passes d’armes verbales, alors que mes adversaires avaient ourdi un complot. Jamais un scénario de ce type ne se reproduira. Nous ne nous laisserons plus surprendre.
Vos détracteurs ne sont pas seuls dans leur combat. Ils sont soutenus par les Etats-Unis dont les officiels multiplient les sorties au vitriol contre vous. Pourrez-vous contenir toute cette pression ?
Quelle pression ? Personne ne peut exercer des pressions sur moi. Personne. Cela n’a pas de sens. Qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Je travaille bien, j’ai des résultats… Evidemment, je prends quelquefois des positions qui gênent mais c’est ainsi. Je suis le dirigeant d’un petit pays mais je n’ai peur d’aucune puissance. Si je suis attaqué, je me défendrai. D’ailleurs, l’opinion est divisée aux Etats-Unis. Il y a des congressmen qui ont écrit au gouvernement américain pour lui dire qu’Abdoulaye Wade est l’ami de l’Amérique et qu’il a été l’unique dirigeant africain à avoir organisé une conférence internationale contre le terrorisme quand les Twin towers ont été démolis par des radicaux.
Si les pressions des Etats-Unis s’avèrent vaines, vous pouvez être disqualifié par le Conseil constitutionnel, s’il déclare votre candidature irrecevable. Envisagez-vous cette hypothèse ?
Pas du tout. Pas un seul instant. Et pour une raison simple : les juges du Conseil constitutionnel sont des connaisseurs du droit. Il y a même un agrégé parmi eux. Le raisonnement juridique qui valide ma candidature s’impose de lui-même. Il n’existe pas d’argument juridique solide pour la déclarer irrecevable. Ce n’est pas sérieux en droit de soutenir la thèse de l’irrecevabilité.
Et si, en dépit de tous vos arguments, le Conseil constitutionnel invalide votre candidature, que ferez-vous ?
Je ne pense pas que votre hypothèse puisse se produire. Cela me surprendrait. Mais bon, si par extraordinaire cela arrivait, je m’y plierais. Que voulez-vous que je fasse ? M’opposer à une décision du Conseil constitutionnel ? Je ne peux pas l’imaginer. Mais si les juges en décident ainsi, je vous laisserai tout ça entre les mains et je partirai.
Où partirez-vous ?
Chez moi, au Point E.
Envisagez-vous une vie après le pouvoir ?
Absolument. Je rêve de rester chez moi, au Point E, ou sur mon terrain à Yoff, pour recevoir les gens qui viennent solliciter mes conseils. J’ai envie d’écrire. Tout le monde me demande de rédiger mes Mémoires. J’ai quelques morceaux mais il faut que je les termine. Et puis j’ai des livres d’économie à écrire. Dans le cadre d’un combat scientifique, je veux rédiger des ouvrages qui remettent l’économie politique sur ses pieds.
(A suivre...)
Propos recueillis par Cheikh Yérim Seck
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