Mardi 10 décembre 2019. En fin d’après-midi, près de 500 hommes à bord de motos et de pick-up se dirigent vers la frontière nigéro-malienne, dans la région de Tillabéry. Un carnage se prépare. Mais les soldats nigériens qui occupent le camp avancé d’Inates ne le savent pas encore. Suivant une stratégie bien ficelée, les assaillants visent d’abord le centre de transmission de la garnison et le mettent hors de service. Place aux tirs d’artillerie pour pilonner le camp.
Selon nos informations, les djihadistes ont fait usage d’une lance grenade saisie à l’armée nigérienne lors de l’embuscade de Baley Béri du 14 mai 2019 (27 militaires tués, six blessés et deux véhicules calcinés). Lorsque les stocks de munitions et de carburant ont explosé, entraînant la mort de certains soldats, ils passent à la vitesse supérieure. Un véhicule kamikaze est envoyé pour ouvrir la voie aux fantassins qui attaqueront avec des mitrailleuses légères et des fusils d’assaut. Les combats sont ainsi partis pour durer au moins trois tours d’horloge. L’armée nigérienne perd 71 membres dans cet assaut d’envergure revendiqué le 10 janvier par l’Organisation État Islamique qui l’attribue à sa province en Afrique occidentale. Cette attaque d’une rare violence a combiné des tirs d’artillerie, l’emploi de véhicules kamikazes et des centaines d’armes légères. C’est le type d’armes auquel ont recours les groupes armés opérant dans le Sahel.
Selon nos informations, les djihadistes ont fait usage d’une lance grenade saisie à l’armée nigérienne lors de l’embuscade de Baley Béri du 14 mai 2019 (27 militaires tués, six blessés et deux véhicules calcinés). Lorsque les stocks de munitions et de carburant ont explosé, entraînant la mort de certains soldats, ils passent à la vitesse supérieure. Un véhicule kamikaze est envoyé pour ouvrir la voie aux fantassins qui attaqueront avec des mitrailleuses légères et des fusils d’assaut. Les combats sont ainsi partis pour durer au moins trois tours d’horloge. L’armée nigérienne perd 71 membres dans cet assaut d’envergure revendiqué le 10 janvier par l’Organisation État Islamique qui l’attribue à sa province en Afrique occidentale. Cette attaque d’une rare violence a combiné des tirs d’artillerie, l’emploi de véhicules kamikazes et des centaines d’armes légères. C’est le type d’armes auquel ont recours les groupes armés opérant dans le Sahel.
Les types d’armes utilisés par les djihadistes
« Concernant les armes légères d’infanterie (ALI), c’est en général un arsenal assez basique », place d’emblée Franz Najean, coordinateur régional de la sécurité d’une grande organisation humanitaire qui suit de près les groupes djihadistes. « On retrouve le triptyque classique des groupes insurrectionnels depuis des décennies, soit les fusils d’assaut de la famille AK (Kalashnikov), la mitrailleuse légère et le lance-roquette portatif RPG-7 et leurs dérivés. On peut aussi observer des mitrailleuses lourdes de calibre 12.7 mm (souvent DShk ou NSV), qu’on peut facilement monter à l’arrière de pickup pour en faire des véhicules militarisés surnommés les technicals », ajoute-t-il.
Le rapport 2017 de Small Arms Survay sur la circulation des armes légères, souligne que la « majorité des armes illicites qui circulent parmi les groupes armés des zones touchées par un conflit sont des fusils de type militaire et des systèmes d’armement légers souvent fabriqués il y a plusieurs décennies ».
Citant une analyse des données sur les armes illicites rassemblées parmi les différents groupes d’experts de l’Onu chargés de la surveillance des sanctions en Afrique, l’organisation spécialisée sur les recherches sur les armes indique que ces « armes sont constituées pour la majorité de fusils militaires (plus de 60%, mais aussi d’armes de poing (21%), de fusils de chasse (11%) et d’armes factices (4%).
« Concernant les tirs indirects, les groupes sont susceptibles d’utiliser des moyens d’artillerie légère, comme les mortiers légers (60 mm, 82 mm), voire lourds (120 mm), comme c’est le cas de l’État Islamique dans le bassin du lac Tchad. S’ils en disposent, les groupes peuvent parfois aussi utiliser des roquettes de 107 mm ou 122 mm. Souvent, comme les combattants n’ont pas forcément de lanceurs adaptés, ces projectiles sont tirés à partir d’affûts artisanaux », explique-t-il.
Selon notre interlocuteur, « sans être très sophistiqués, ces armes, pour beaucoup d’origine russe ou chinoise, sont efficaces, robustes et adaptées aux conditions difficiles dans lesquelles ces groupes opèrent ». « Elles correspondent aussi à leurs modes d’actions tactiques de guérilla », argumente Franz Najean.
Les djihadistes ont aussi intégré l’usage de véhicules piégés dans leur mode d’action depuis quelques années. Aussi bien le GSIM que l’ex EIGS font recours à cette « arme » redoutable pour ouvrir la voie aux fantassins.
Pour Dakaractu, le Directeur de Jihad Analytics a répertorié le type et le nombre d’armes dans les 1370 attaques revendiquées par l’État Islamique en Afrique occidentale d’avril 2016 à septembre 2021. L’organisation djihadiste a fourni le type d’armes pour 550 attaques. Dans ce décompte tiré des revendications de l’hebdomadaire de l’EI, « al Naba », les fusils d’assaut et les mitrailleuses occupent un pan important de l’armement utilisé par la PEIAO. Les engins explosifs improvisés (IED) ont aussi une place non négligeable alors que le reste du matériel est constitué de mortiers, de roquettes, de véhicules suicides, de gilets explosifs et enfin de couteaux (voir graphique).
« Concernant les armes légères d’infanterie (ALI), c’est en général un arsenal assez basique », place d’emblée Franz Najean, coordinateur régional de la sécurité d’une grande organisation humanitaire qui suit de près les groupes djihadistes. « On retrouve le triptyque classique des groupes insurrectionnels depuis des décennies, soit les fusils d’assaut de la famille AK (Kalashnikov), la mitrailleuse légère et le lance-roquette portatif RPG-7 et leurs dérivés. On peut aussi observer des mitrailleuses lourdes de calibre 12.7 mm (souvent DShk ou NSV), qu’on peut facilement monter à l’arrière de pickup pour en faire des véhicules militarisés surnommés les technicals », ajoute-t-il.
Le rapport 2017 de Small Arms Survay sur la circulation des armes légères, souligne que la « majorité des armes illicites qui circulent parmi les groupes armés des zones touchées par un conflit sont des fusils de type militaire et des systèmes d’armement légers souvent fabriqués il y a plusieurs décennies ».
Citant une analyse des données sur les armes illicites rassemblées parmi les différents groupes d’experts de l’Onu chargés de la surveillance des sanctions en Afrique, l’organisation spécialisée sur les recherches sur les armes indique que ces « armes sont constituées pour la majorité de fusils militaires (plus de 60%, mais aussi d’armes de poing (21%), de fusils de chasse (11%) et d’armes factices (4%).
« Concernant les tirs indirects, les groupes sont susceptibles d’utiliser des moyens d’artillerie légère, comme les mortiers légers (60 mm, 82 mm), voire lourds (120 mm), comme c’est le cas de l’État Islamique dans le bassin du lac Tchad. S’ils en disposent, les groupes peuvent parfois aussi utiliser des roquettes de 107 mm ou 122 mm. Souvent, comme les combattants n’ont pas forcément de lanceurs adaptés, ces projectiles sont tirés à partir d’affûts artisanaux », explique-t-il.
Selon notre interlocuteur, « sans être très sophistiqués, ces armes, pour beaucoup d’origine russe ou chinoise, sont efficaces, robustes et adaptées aux conditions difficiles dans lesquelles ces groupes opèrent ». « Elles correspondent aussi à leurs modes d’actions tactiques de guérilla », argumente Franz Najean.
Les djihadistes ont aussi intégré l’usage de véhicules piégés dans leur mode d’action depuis quelques années. Aussi bien le GSIM que l’ex EIGS font recours à cette « arme » redoutable pour ouvrir la voie aux fantassins.
Pour Dakaractu, le Directeur de Jihad Analytics a répertorié le type et le nombre d’armes dans les 1370 attaques revendiquées par l’État Islamique en Afrique occidentale d’avril 2016 à septembre 2021. L’organisation djihadiste a fourni le type d’armes pour 550 attaques. Dans ce décompte tiré des revendications de l’hebdomadaire de l’EI, « al Naba », les fusils d’assaut et les mitrailleuses occupent un pan important de l’armement utilisé par la PEIAO. Les engins explosifs improvisés (IED) ont aussi une place non négligeable alors que le reste du matériel est constitué de mortiers, de roquettes, de véhicules suicides, de gilets explosifs et enfin de couteaux (voir graphique).
Mais aussi basique que soit la majorité de l’armement des djihadistes, il suscite des interrogations quant à leur provenance.
Les sources d’approvisionnement
Dans un premier temps, l’arsenal libyen est indexé du doigt. À ce titre, l’enquête de Conflict Armament Research sur les transferts d’armes transfrontaliers dans le Sahel, publiée en 2016 a fait des découvertes intéressantes. « CAR a répertorié des armes dans six pays à travers l’Afrique et le Moyen Orient qui ont certainement, ou très probablement, été détournées à partir des stocks libyens. Ces résultats confirment la grande dispersion du matériel de l’ère Kadhafi », fait remarquer CAR qui cite des MAnpads SA-7b de fabrication russe, des roquettes de 40 mm de type F7, de fabrication coréenne, des roquettes M79 90 mm HEAT, plusieurs fusils d’assaut polonais, des obus de mortiers de 60mm et 81 mm de fabrication belge et française vus soit au Mali, en Centrafrique ou en Côte d’Ivoire.
Mais des années après la chute du guide de la révolution libyenne à la faveur du printemps arabe, peut-on continuer d’accuser les « armes libyennes » dans l’insécurité qui continue de prévaloir dans au moins trois pays du Sahel ?
Analyste pour l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED), Héni Nsaibia alias Menastream trouve que ce discours brandi à tout bout de champ par les dirigeants sahéliens est devenu « un peu vieux. « Il n’est plus d’actualité lorsqu’on parle d’armes détenus par les djihadistes sahéliens », soutient ce spécialiste des groupes djihadistes sahéliens. « Je pense qu’il faudrait en finir avec certaines idées reçues ou fantasmes persistants comme des livraisons massives d’armement extra-régional, notamment les fameuses « armes de Libye », appuie Franz Najean. Conflict Armament Research navigue dans le même sens en relevant que la « violence armée dans la région du Sahel semble également être alimentée par des flux d’armes et de munitions de provenance autre que libyenne ». « Ces approvisionnements reflètent la diminution progressive de la disponibilité en matériel de l’ère Kadhafi depuis 2012 et la hausse concomitante de la demande locale en armes », explique CAR à travers les conclusions de son enquête sur les transferts d’armes transfrontaliers dans le Sahel.
La mort de Kadhafi a balisé la voie à une nouvelle période d’instabilité marquée par des hostilités entre deux gouvernements (de l'Est et de l’Ouest) pour le contrôle du pays. Une crise qui a profité aux groupes djihadistes tels que l’État Islamique. Après Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie, la troisième capitale de cette organisation a été implantée à Syrte, à 400 kilomètres à l’est de Tripoli. Preuve de l’importance de cette « conquête », les dirigeants de l’État Islamique appelaient les aspirants djihadistes à faire leur voyage en Libye ou au Nigeria au lieu de la lointaine zone syro-irakienne. C’est l’opération « Al Bunyan al Marsous », menée par la ville voisine de Misrata qui a mis fin au règne des djihadistes entre mai et décembre 2016.
Le tarissement de ce canal d’approvisionnement laisse émerger une autre source jusque-là ignorée. Franz Nagean convoque la présence antérieure de certaines des armes en circulation dans la région sahélienne « passant de main en main ».
En avril 2020, le chercheur Georges Berghezan détaille pour RFI l’origine de quelques armes industrielles circulant au Sahel issues des stocks burkinabé sous l’ère Blaise Compaoré pour soutenir les rebelles nordistes de Côte d’Ivoire. « D’après le rapport de l’Onu, la majorité des armes qui ont été transférées depuis les arsenaux de l’armée du Burkina Faso vers la Côte d’Ivoire étaient de « type 56 », c’est-à-dire la version chinoise de la kalachnikov. Il y avait aussi des modèles AK (Kalachnikov) provenant de Pologne, des pistolets HK (Heckler et Koch) d’origine allemande mais produits aux États-Unis, et des munitions fabriquées en Serbie et en Roumanie », précise le chercheur.
Au sujet de la production locale, le rapport Small Arms Survey de janvier 2019 sur « L’Atlas des armes : cartographie des flux illicites d’armes légères » documente la capacité de 19 États à produire des armes légères et des munitions et renseigne qu’au moins 7 ont produit des fusils de type AK et 11 ont produit des munitions de calibre 7,62 × 39 mm.
Par ailleurs, Héni Nsaibia invite à jeter un œil sur les « les stocks d’État même si les armes sont encore pour la plupart originaires d’Europe de l’est et de la Chine ».
Les forces armées en mode « fournisseur » des GAT en armes
« Par détournement de matériel de stocks nationaux, on entend les pertes d’armes et de munitions placées sous le contrôle des forces de défense et de sécurité d’un État », définit Small Arms Survey. « Ces détournements peuvent revêtir différentes formes –dont des vols commis par des membres desdites forces de défense et de sécurité ou des pertes de matériel subies au cours d’offensives –et sont souvent facilités par des mesures de surveillance et de sécurité physique des stock », continue SAS. « Mais je pense que nous assistons actuellement à quelque chose d'assez grave puisque les nouvelles armes se perdent au combat presque aussi vite qu'elles arrivent », s’inquiète Héni Nsaibia. « À l’occasion d’embuscade ou de pillage de camp militaire, les combattants radicaux s’emparent régulièrement de grandes quantités d’armement et de munitions. C’est ce que les djihadistes appellent la « Ghanima » en arabe…», démêle Franz Najean.
Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) et son concurrent l’ex État Islamique au Grand Sahara (rattaché à la province de l’État Islamique en Afrique occidentale depuis 2019) exhibent ce butin de guerre à travers leurs canaux de propagande après chaque attaque contre des soldats ou contre des groupes d’auto-défense.
Les sources d’approvisionnement
Dans un premier temps, l’arsenal libyen est indexé du doigt. À ce titre, l’enquête de Conflict Armament Research sur les transferts d’armes transfrontaliers dans le Sahel, publiée en 2016 a fait des découvertes intéressantes. « CAR a répertorié des armes dans six pays à travers l’Afrique et le Moyen Orient qui ont certainement, ou très probablement, été détournées à partir des stocks libyens. Ces résultats confirment la grande dispersion du matériel de l’ère Kadhafi », fait remarquer CAR qui cite des MAnpads SA-7b de fabrication russe, des roquettes de 40 mm de type F7, de fabrication coréenne, des roquettes M79 90 mm HEAT, plusieurs fusils d’assaut polonais, des obus de mortiers de 60mm et 81 mm de fabrication belge et française vus soit au Mali, en Centrafrique ou en Côte d’Ivoire.
Mais des années après la chute du guide de la révolution libyenne à la faveur du printemps arabe, peut-on continuer d’accuser les « armes libyennes » dans l’insécurité qui continue de prévaloir dans au moins trois pays du Sahel ?
Analyste pour l’ONG Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED), Héni Nsaibia alias Menastream trouve que ce discours brandi à tout bout de champ par les dirigeants sahéliens est devenu « un peu vieux. « Il n’est plus d’actualité lorsqu’on parle d’armes détenus par les djihadistes sahéliens », soutient ce spécialiste des groupes djihadistes sahéliens. « Je pense qu’il faudrait en finir avec certaines idées reçues ou fantasmes persistants comme des livraisons massives d’armement extra-régional, notamment les fameuses « armes de Libye », appuie Franz Najean. Conflict Armament Research navigue dans le même sens en relevant que la « violence armée dans la région du Sahel semble également être alimentée par des flux d’armes et de munitions de provenance autre que libyenne ». « Ces approvisionnements reflètent la diminution progressive de la disponibilité en matériel de l’ère Kadhafi depuis 2012 et la hausse concomitante de la demande locale en armes », explique CAR à travers les conclusions de son enquête sur les transferts d’armes transfrontaliers dans le Sahel.
La mort de Kadhafi a balisé la voie à une nouvelle période d’instabilité marquée par des hostilités entre deux gouvernements (de l'Est et de l’Ouest) pour le contrôle du pays. Une crise qui a profité aux groupes djihadistes tels que l’État Islamique. Après Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie, la troisième capitale de cette organisation a été implantée à Syrte, à 400 kilomètres à l’est de Tripoli. Preuve de l’importance de cette « conquête », les dirigeants de l’État Islamique appelaient les aspirants djihadistes à faire leur voyage en Libye ou au Nigeria au lieu de la lointaine zone syro-irakienne. C’est l’opération « Al Bunyan al Marsous », menée par la ville voisine de Misrata qui a mis fin au règne des djihadistes entre mai et décembre 2016.
Le tarissement de ce canal d’approvisionnement laisse émerger une autre source jusque-là ignorée. Franz Nagean convoque la présence antérieure de certaines des armes en circulation dans la région sahélienne « passant de main en main ».
En avril 2020, le chercheur Georges Berghezan détaille pour RFI l’origine de quelques armes industrielles circulant au Sahel issues des stocks burkinabé sous l’ère Blaise Compaoré pour soutenir les rebelles nordistes de Côte d’Ivoire. « D’après le rapport de l’Onu, la majorité des armes qui ont été transférées depuis les arsenaux de l’armée du Burkina Faso vers la Côte d’Ivoire étaient de « type 56 », c’est-à-dire la version chinoise de la kalachnikov. Il y avait aussi des modèles AK (Kalachnikov) provenant de Pologne, des pistolets HK (Heckler et Koch) d’origine allemande mais produits aux États-Unis, et des munitions fabriquées en Serbie et en Roumanie », précise le chercheur.
Au sujet de la production locale, le rapport Small Arms Survey de janvier 2019 sur « L’Atlas des armes : cartographie des flux illicites d’armes légères » documente la capacité de 19 États à produire des armes légères et des munitions et renseigne qu’au moins 7 ont produit des fusils de type AK et 11 ont produit des munitions de calibre 7,62 × 39 mm.
Par ailleurs, Héni Nsaibia invite à jeter un œil sur les « les stocks d’État même si les armes sont encore pour la plupart originaires d’Europe de l’est et de la Chine ».
Les forces armées en mode « fournisseur » des GAT en armes
« Par détournement de matériel de stocks nationaux, on entend les pertes d’armes et de munitions placées sous le contrôle des forces de défense et de sécurité d’un État », définit Small Arms Survey. « Ces détournements peuvent revêtir différentes formes –dont des vols commis par des membres desdites forces de défense et de sécurité ou des pertes de matériel subies au cours d’offensives –et sont souvent facilités par des mesures de surveillance et de sécurité physique des stock », continue SAS. « Mais je pense que nous assistons actuellement à quelque chose d'assez grave puisque les nouvelles armes se perdent au combat presque aussi vite qu'elles arrivent », s’inquiète Héni Nsaibia. « À l’occasion d’embuscade ou de pillage de camp militaire, les combattants radicaux s’emparent régulièrement de grandes quantités d’armement et de munitions. C’est ce que les djihadistes appellent la « Ghanima » en arabe…», démêle Franz Najean.
Le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans (GSIM) et son concurrent l’ex État Islamique au Grand Sahara (rattaché à la province de l’État Islamique en Afrique occidentale depuis 2019) exhibent ce butin de guerre à travers leurs canaux de propagande après chaque attaque contre des soldats ou contre des groupes d’auto-défense.
Au lendemain de l’annonce de la naissance du GSIM en mars 2017, la branche médiatique de l’organisation dirigée par Iyad Ag Ghali montre des armes saisies aux forces de défense et de sécurité nigérienne dans la zone de Midal le 5 juillet de la même année. Les armes identifiées par Héni Nsaibia pour Dakaractu sont constituées de mitrailleuses lourdes KPV, une mitrailleuse légère W85, des roquettes 107 mm type 63 et une vingtaine de fusils de type 56 (Kalachnikov de fabrication chinoise) et une grande quantité de munitions. Suite à l’attaque de Diougouni du 22 janvier 2020 contre des FDS maliennes, les djihadistes affirment avoir mis la main sur des fusils d’assaut de type 56 (chinois), des AKM, des Zastava M70 et des pistolets automatiques. Un peu plus tôt, en septembre 2019, le GSIM saisit à Nassoumbou et Baraboulé des mitrailleuses légères de type Zastava M84 et MG-1M, neuf RPG dont plusieurs DIOP iraniens. Le fusil de type 56 est la copie chinoise de la célèbre AK-47 russe tandis que le Zastava M70 est un fusil d’assaut yougoslave dérivé des AK 47 et AKM 59.
Dans le même registre, des experts d’Amnesty International ont passé en revue entre janvier 2018 et mai 2021 400 contenus numériques (photos et vidéos) en provenance du Burkina Faso et du Mali diffusés par des groupes armés –terroristes, autodéfense ou supplétifs. Parmi ces contenus, 12 cas d’armes récentes fabriquées par Zastava, notamment des mitrailleuses lourdes M02 Coyote et des fusils mitrailleuse M92 et M05 dont les derniers modèles M05E3 ont été identifiés. Même s’il reste à prouver que ces armes ont été détournées vers des groupes armés, soit par des canaux illicites soit par des prises sur les sites des affrontements, il n’en demeure pas moins que dans la période concernée, la Serbie a fourni des armes au Burkina. Selon Amnesty International, ce pays d’Europe de l’est a indiqué dans ses rapports annuel au TCA (Traité sur le commerce des armes) avoir transféré au total 20 811 fusils d’assaut et carabine, 400 fusils d’assaut, 600 revolvers et pistolets à chargement automatique, et 290 mitrailleuses au Burkina Faso.
Il faut savoir que « les armes légères les plus modernes dont disposent les groupes, comme certains fusils d’assaut customisés, ont la plupart du temps été saisis aux militaires », comme le précise Franz Najean. « Souvent au sein des groupes djihadistes, elles sont considérées comme des armes de prestige, destinées aux chefs ou pour illustrer leur propagande. Ainsi, fin 2019, Higo al Maghribi, haut cadre de l’État Islamique au Sahel, posait sur photo avec un fusil d’assaut moderne M4 (américain), vraisemblablement saisi sur les membres des forces spéciales américaines tués lors de l’embuscade de Tongo Tongo au Niger, le 4 octobre 2017 », fait-il observer.
Il faut savoir que « les armes légères les plus modernes dont disposent les groupes, comme certains fusils d’assaut customisés, ont la plupart du temps été saisis aux militaires », comme le précise Franz Najean. « Souvent au sein des groupes djihadistes, elles sont considérées comme des armes de prestige, destinées aux chefs ou pour illustrer leur propagande. Ainsi, fin 2019, Higo al Maghribi, haut cadre de l’État Islamique au Sahel, posait sur photo avec un fusil d’assaut moderne M4 (américain), vraisemblablement saisi sur les membres des forces spéciales américaines tués lors de l’embuscade de Tongo Tongo au Niger, le 4 octobre 2017 », fait-il observer.
La dissimulation
S’approprier l’arme d’un soldat au cours d’un combat est une chose. Savoir la cacher est une autre paire de manches dans un espace dans lequel le moindre fait est scruté par les services de renseignement occidentaux et de la région. Pour passer entre les mailles des filets, les djihadistes ont donc besoin de faire preuve d’ingéniosité. Une source bien renseignée sur les organisations djihadistes du Sahel confie à Dakaractu que l’entretien des armes est une tache dévolue à chaque combattant. Quant aux armes collectives, elles sont entretenues par des spécialistes qui ont l’habitude de les utiliser. Pour la dissimulation des armes, il nous revient de la même source qu’elles sont d’abord emballées dans du plastique et enterrées sous terre. Pour les retrouver, ils interrogent les coordonnées GPS de ces cachettes. « Ils enfouissent même les véhicules ou les motos », renchérit notre informateur.
Pour mener des attaques dans des capitales régionales ouest-africaines telles que Ouagadougou, au Burkina Faso et la station balnéaire de Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, Al Mourabitoune a transporté les armes du Mali vers ces pays. Les constatations de Conflict Armament Research ont révélé que les armes (Kalachnikovs de type 56-1 de fabrication chinoise) qui ont servi à commettre ces attentats terroristes pourraient provenir du même fournisseur que celles retrouvées entre les mains des combattants de l’État Islamique par les Unités de protection du peuple (YPG) de Syrie, en 2015. Des enquêtes approfondies sont nécessaires pour déterminer la source d’approvisionnement. Ce qui est moins difficile à établir, c’est la manière dont les auteurs de ces attaques ont fait traverser ces fusils d’assaut d’un pays à un autre. C’est l’organisateur lui-même qui en fait le récit. Auditionné au Mali en 2017 par un enquêteur du Federal Bureau of Investigation (FBI), l’arabe malien Mimi Ould Baba Ould Cheikh a avoué que les armes entièrement assemblées, des munitions, des chargeurs, huit grenades à main brunâtres de style ananas et des gilets tactiques beiges ont été cachés dans le pneu de secours d’un véhicule de type Helix Blanc, avec des plaques d’immatriculations togolaises contrefaites. C’est presque le même procédé qui a été utilisé pour l’attaque de Grand Bassam du 13 mars 2016 qui a fait 22 morts.
S’approprier l’arme d’un soldat au cours d’un combat est une chose. Savoir la cacher est une autre paire de manches dans un espace dans lequel le moindre fait est scruté par les services de renseignement occidentaux et de la région. Pour passer entre les mailles des filets, les djihadistes ont donc besoin de faire preuve d’ingéniosité. Une source bien renseignée sur les organisations djihadistes du Sahel confie à Dakaractu que l’entretien des armes est une tache dévolue à chaque combattant. Quant aux armes collectives, elles sont entretenues par des spécialistes qui ont l’habitude de les utiliser. Pour la dissimulation des armes, il nous revient de la même source qu’elles sont d’abord emballées dans du plastique et enterrées sous terre. Pour les retrouver, ils interrogent les coordonnées GPS de ces cachettes. « Ils enfouissent même les véhicules ou les motos », renchérit notre informateur.
Pour mener des attaques dans des capitales régionales ouest-africaines telles que Ouagadougou, au Burkina Faso et la station balnéaire de Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, Al Mourabitoune a transporté les armes du Mali vers ces pays. Les constatations de Conflict Armament Research ont révélé que les armes (Kalachnikovs de type 56-1 de fabrication chinoise) qui ont servi à commettre ces attentats terroristes pourraient provenir du même fournisseur que celles retrouvées entre les mains des combattants de l’État Islamique par les Unités de protection du peuple (YPG) de Syrie, en 2015. Des enquêtes approfondies sont nécessaires pour déterminer la source d’approvisionnement. Ce qui est moins difficile à établir, c’est la manière dont les auteurs de ces attaques ont fait traverser ces fusils d’assaut d’un pays à un autre. C’est l’organisateur lui-même qui en fait le récit. Auditionné au Mali en 2017 par un enquêteur du Federal Bureau of Investigation (FBI), l’arabe malien Mimi Ould Baba Ould Cheikh a avoué que les armes entièrement assemblées, des munitions, des chargeurs, huit grenades à main brunâtres de style ananas et des gilets tactiques beiges ont été cachés dans le pneu de secours d’un véhicule de type Helix Blanc, avec des plaques d’immatriculations togolaises contrefaites. C’est presque le même procédé qui a été utilisé pour l’attaque de Grand Bassam du 13 mars 2016 qui a fait 22 morts.
La facilité avec laquelle ces malfaiteurs ont convoyé des armes met à nu la porosité des frontières et l’absence d’un contrôle rigoureux qui favorise le trafic transfrontalier et « le trafic de fourmis ». Lequel trafic consiste à transférer des armes en petite quantité.
Refonte des lois sur la détention des armes à feu
Mais prendre le dessus sur ce trafic devrait déjà commencer par une maîtrise de la détention des armes à feu en Afrique. Au Mali, la loi n°2004-050 du 12 novembre 2004 régit la détention des armes et des munitions. D’après Amadou Tidiane Cissé dans son ouvrage « Terrorisme : la Fin des Frontières ? » paru cette année, « la loi dispose que le commerce et la fabrication des armes blanches sont soumis à autorisation préalable et au paiement d’une patente. Une interdiction formelle de port d’armes blanches au niveau des agglomérations est faite aux citoyens. En ce qui concerne les armes à feu à canon lisse (fusil de chasse et les armes à feu à canon rayé (carabine de chasse), leur commerce, importation et fabrication sont soumis à l’autorisation préalable du ministère en charge de la sécurité. L’achat et l’importation des munitions restent également soumis à autorisation. Enfin, la détention d’armes de guerre par des particuliers fait l’objet d’une interdiction stricte ».
Cependant, cette loi comporte des faiblesses telles que « l’exclusion de son champ d’application des armes légères de petit calibre et des armes de guerre, le silence sur les notions de courtage et de marquage des armes, l’absence de référence sur la gestion des stocks d’armes, le déficit d’encadrement du métier de fabricant d’armes et artisanales et de la détention desdites armes par les civils et la faiblesse notée dans la gestion des munitions d’armes importées par les touristes dans le cadre de leurs activités de chasse ». Les autorités maliennes envisagent une refonte de la loi pour corriger ces limites et éventuellement leurs conséquences sur la prolifération des armes légères et de petit calibre.
Le contrôle doit aussi concerner les précurseurs chimiques utilisés par les groupes djihadistes pour confectionner des engins explosifs improvisés. « Non seulement leur soustraction au contrôle douanier occasionne des pertes de recettes fiscales, mais elle contribue à déstabiliser les régions en proie à des conflits entretenus par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans et l’État Islamique au Grand Sahara, qui utilisent lesdits précurseurs dans le processus de fabrication des engins explosifs improvisés », fait constater l’Inspecteur Principal des Douanes selon qui, « l’application de la règlementation en matière d’importation des précurseurs chimiques, le contrôle des licences ou autorisations d’importation délivrées par les autorités habiletés, le transport, le stockage desdits produits demeurent des questions d’intérêt stratégique ».
Abdou Khadir CISSE
Refonte des lois sur la détention des armes à feu
Mais prendre le dessus sur ce trafic devrait déjà commencer par une maîtrise de la détention des armes à feu en Afrique. Au Mali, la loi n°2004-050 du 12 novembre 2004 régit la détention des armes et des munitions. D’après Amadou Tidiane Cissé dans son ouvrage « Terrorisme : la Fin des Frontières ? » paru cette année, « la loi dispose que le commerce et la fabrication des armes blanches sont soumis à autorisation préalable et au paiement d’une patente. Une interdiction formelle de port d’armes blanches au niveau des agglomérations est faite aux citoyens. En ce qui concerne les armes à feu à canon lisse (fusil de chasse et les armes à feu à canon rayé (carabine de chasse), leur commerce, importation et fabrication sont soumis à l’autorisation préalable du ministère en charge de la sécurité. L’achat et l’importation des munitions restent également soumis à autorisation. Enfin, la détention d’armes de guerre par des particuliers fait l’objet d’une interdiction stricte ».
Cependant, cette loi comporte des faiblesses telles que « l’exclusion de son champ d’application des armes légères de petit calibre et des armes de guerre, le silence sur les notions de courtage et de marquage des armes, l’absence de référence sur la gestion des stocks d’armes, le déficit d’encadrement du métier de fabricant d’armes et artisanales et de la détention desdites armes par les civils et la faiblesse notée dans la gestion des munitions d’armes importées par les touristes dans le cadre de leurs activités de chasse ». Les autorités maliennes envisagent une refonte de la loi pour corriger ces limites et éventuellement leurs conséquences sur la prolifération des armes légères et de petit calibre.
Le contrôle doit aussi concerner les précurseurs chimiques utilisés par les groupes djihadistes pour confectionner des engins explosifs improvisés. « Non seulement leur soustraction au contrôle douanier occasionne des pertes de recettes fiscales, mais elle contribue à déstabiliser les régions en proie à des conflits entretenus par le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans et l’État Islamique au Grand Sahara, qui utilisent lesdits précurseurs dans le processus de fabrication des engins explosifs improvisés », fait constater l’Inspecteur Principal des Douanes selon qui, « l’application de la règlementation en matière d’importation des précurseurs chimiques, le contrôle des licences ou autorisations d’importation délivrées par les autorités habiletés, le transport, le stockage desdits produits demeurent des questions d’intérêt stratégique ».
Abdou Khadir CISSE
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