Rupture diplomatique entre Kinshasa et Kigali : Qui sont les rebelles du M23 à l’origine de la crise ?


Rupture diplomatique entre Kinshasa et Kigali : Qui sont les rebelles du M23 à l’origine de la crise ?
La situation est une nouvelle fois préoccupante dans l'est de la République démocratique du Congo. En cause, l'offensive lancée fin octobre par les rebelles du M23 et la riposte de l'armée congolaise. Une situation qui a réveillé la tension entre Kigali et Kinshasa qui annonce l’expulsion de l’ambassadeur rwandais de son territoire. Qui sont ces rebelles du M23 à l’origine de la crise… 

Qui sont les rebelles du M23
Le « Mouvement du 23 mars » (M23), qui a gagné du terrain samedi 29 octobre dans l'est de la République démocratique du Congo, est issu d'une rébellion tutsi congolaise autrefois soutenue par le Rwanda et l'Ouganda. Le M23 a repris les armes fin 2021. Également appelée « Armée révolutionnaire congolaise », le M23 s'est emparé de plusieurs localités du territoire de Rutshuru situées sur une route nationale stratégique desservant Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Considéré comme le dernier avatar de rébellion à dominante tutsi dans l'Est troublé de la RDC, le M23 est né en mai 2012 d'une mutinerie d'anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) intégrés au sein de l'armée congolaise. Les mutins accusent alors Kinshasa de ne pas respecter les clauses de l'accord signé le 23 mars 2009 (d'où le nom de leur « mouvement du 23 mars ») qui avait permis leur intégration militaire. Le M23, qui a occupé Goma pendant une dizaine de jours en novembre-décembre 2012, a été vaincu l'année suivante par les forces armées congolaises épaulées par les Casques bleus de l'ONU, après 18 mois de guérilla. Après sa défaite militaire, le M23 poursuit des négociations avec Kinshasa, tandis que plusieurs centaines de ses combattants trouvent refuge en Ouganda, où ils ont été cantonnés, et au Rwanda.

Aux racines du M23, le CNDP
En 2004, une insurrection commence dans le Sud-Kivu et s'étendra ensuite au Nord, menée par deux officiers dissidents, dont le général Laurent Nkunda, issus de l'ex-rébellion pro-rwandaise du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD). Kinshasa accuse le Rwanda, qui dément, de soutenir les dissidents. Deux ans plus tard, Nkunda lance son mouvement, le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP). En 2008, Kinshasa accuse encore une fois Kigali d'envoyer des troupes pour appuyer le CNDP face à l'armée de RDC. Puis l'année suivante, par le biais d'un surprenant retournement d'alliance, des soldats rwandais entrent en RDC, cette fois avec l'accord de Kinshasa, pour y traquer avec l'armée congolaise les rebelles rwandais hutu des FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda). Nkunda est arrêté durant cette opération.

Une réinsertion inaboutie dans l’armée…
Fin 2013, à Nairobi, le M23 et Kinshasa ont signé des engagements, notamment pour ouvrir la voie au rapatriement de la plupart des combattants de l'ex-rébellion en vue de leur réinsertion dans la vie civile. Cette opération n'a jamais connu d'avancée significative. Début 2017, après quelques années de répit, le gouvernement congolais et de nombreux témoignages d'habitants faisaient état de la présence d'ex-combattants M23 dans la région de Rutshuru. La situation s'était calmée mais, depuis novembre 2021, les M23 affrontent de nouveau l'armée dans le territoire de Rutshuru, à la lisière avec le parc national des Virunga. Le mouvement rebelle reproche aux autorités de n'avoir pas respecté les engagements signés à Nairobi sur la démobilisation de ses combattants.

Le Rwanda dans tout ça ?
Depuis l'arrivée massive en RDC de Hutu rwandais, dont certains ayant massacré les Tutsis durant le génocide de 1994, le Rwanda a été régulièrement accusé par Kinshasa d'incursions au Congo et de soutien à des groupes armés. Ce que Kigali dément systématiquement. Cette fois encore, la RDC accuse le Rwanda de soutenir le M23.Un rapport non-publié de l'ONU consulté en août par l'AFP pointait une implication du Rwanda auprès du M23 et, cette semaine, un ambassadeur américain aux Nations unies a clairement évoqué « l'aide apportée par les Forces de défense rwandaises au M23 ». Le Rwanda dément et accuse en retour la RDC - qui nie elle aussi - de collusion avec les FDLR (Forces démocratiques de libération du Rwanda), un mouvement de rebelles hutu rwandais. Les relations s'étaient apaisées entre Kigali et Kinshasa avec l'accession au pouvoir en RDC début 2019 de Félix Tshisekedi, qui a rencontré à plusieurs reprises son homologue rwandais Paul Kagame.
 
En 2022, les tensions continuent de s'accroître entre les deux pays à la suite de nouveaux affrontements entre les rebelles du Mouvement du 23 Mars, M23, et l'armée congolaise qui ont déplacé des dizaines de milliers de personnes à l'Est du Congo. Visiblement, ce dernier pic de tension est dû aux allégations du Congo selon lesquelles le Rwanda soutiendrait les rebelles du M23. Le président congolais Felix Tshisekedi qui alertait sur la sécurité de son pays, avait annoncé lors du conseil des ministres du vendredi 17 juin 2022, « que la situation sécuritaire est grave. Car, notre pays fait face à une agression de la part du Rwanda, agissant sous couvert du M23, agression qui viole tous les traités internationaux ». Des propos qui sonnent de trop pour Kigali qui n’a pas manqué de réagir. « Faire ces accusations, c'est tout simplement fuir ses responsabilités en tant que président de ce pays », avait réagi le président rwandais. Paul Kagame accuse son homologue congolais d'ignorer les « vrais problèmes » qui menacent les relations entre les pays voisins, notamment l'échec à étouffer la rébellion interne, alors que les craintes montent d'une nouvelle guerre dans la région des Grands Lacs. 

Le front diplomatique 
Les autorités congolaises, qui continuent d’accuser Kigali de soutenir la rébellion du M23, ont décidé samedi d’expulser Vincent Karega, l’ambassadeur du Rwanda a fait savoir samedi soir le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya. En annonçant cette nouvelle, « dans les 48 heures après sa notification », le gouvernement congolais a affirmé qu'une « arrivée massive d'éléments de l'armée rwandaise » avait été observée dans la région pour appuyer le M23 « en vue d'une offensive générale ». Le Rwanda a dit dimanche avoir « noté avec regret » la décision de Kinshasa. « Il est regrettable que le gouvernement de RDC continue de faire porter au Rwanda la responsabilité de ses propres échecs de gouvernance et de sécurité », ont affirmé dans un communiqué les autorités rwandaises, en ajoutant que les forces de sécurité rwandaises à la frontière avec la RDC avaient été placées en état d'alerte.

Pour rappel, les relations entre le Rwanda et la République démocratique du Congo sont aussi conflictuelles qu'historiques, engluées depuis près de 30 ans dans le contrecoup du génocide rwandais de 1994. Avant les indépendances, des milliers de paysans rwandais se sont installés dans les collines fertiles du Kivu ou l'ont été par les colons belges (présents au Congo et au « Ruanda-Urundi »), conduisant à l'implantation d'une communauté rwandophone (les « Banyarwanda », « Banyamulenge », « Banyabwisha »). Après, chaque crise à connotation ethnique au Rwanda ou au Burundi provoque une nouvelle vague de réfugiés. De manière récurrente, ces communautés rwandophones ont vu leur nationalité et leur légitimité à vivre sur ses terres remises en cause, les conduisant à créer des milices d'autodéfense…
Lundi 31 Octobre 2022




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