DAKARACTU.COM Il y a aujourd’hui de nombreux signes qui prouvent que le président français, Nicolas Sarkozy, a tourné le dos à son homologue sénégalais Abdoulaye Wade. Le premier de ces signes est sans nul doute le communiqué rendu public par le Quai d’Orsay au lendemain de la manifestation populaire du 23 juin. La France n’a pas fait dans la fioriture diplomatique et a clairement déclaré que la réforme constitutionnelle envisagée ne pouvait se faire sans une concertation de toute la classe politique. Le deuxième signe c’est la neutralité totale de Paris au lendemain des violentes manifestations des 23 et 27 juin. Très prompt à fournir du matériel de maintien de l’ordre aux « pays amis » confrontés à des troubles, Paris s’est abstenu de le proposer au régime de Wade. Le dernier signe est le plus parlant : Alain Juppé, le ministre des Affaires étrangères, a fait une sortie musclée contre le numéro un sénégalais.
Les raisons de cette prise de distance de Paris sont multiples. D’abord Nicolas Sarkozy, briefé par Jean-Christophe Rufin, l’ex-ambassadeur de France à Dakar, a toujours été hostile à l’idée que Karim Wade succède à son père. Quand Abdoulaye Wade lui en a touché un mot, il s’est limité à répondre que le fils Wade devait logiquement commencer par être élu à l’échelon local, s’accoutumer à la gestion des affaires publiques avant de prétendre diriger le pays. Et c’est cela qui explique l’OPA ratée sur la mairie de Dakar lors des élections locales de mars 2009. L’assaut sur la citadelle de la capitale a échoué et, pour ne rien arranger, Claude Guéant, que Robert Bourgi avait réussi à rallier à la cause de Karim Wade, a quitté son poste de secrétaire général de l’Elysée pour être nommé ministre de l’Intérieur.
Si Bernard-Henri Lévy a réussi à monter l’opération Benghazi, dans laquelle Wade a joué le rôle de l’Africain de service parti porter la parole des Occidentaux, les choses se sont gâtées avec le projet de réforme constitutionnelle. La France, dont la diplomatie était à terre après le revers qu’elle a subi à l’occasion de la chute de l’ex-dictateur tunisien Ben Ali, a décidé de se repositionner, depuis l’arrivée d’Alain Juppé au Quai d’Orsay, comme défenseur des droits de l’homme et de la démocratie dans le monde. On ne peut pas bombarder Kaddafi au nom de la lutte contre une dictature quarantenaire et cautionner à Dakar, comme le dit Juppé lui-même, un pouvoir qui s’éternise par des manipulations constitutionnelles. En prenant ses distances de façon si nette avec Wade, Paris a rejoint la ligne dure des Etats-Unis qui pensent depuis toujours que Wade doit terminer ce second mandat et partir du pouvoir avec son fils. Washington estime que le Sénégal est une « zone d’influence » sur l’Afrique qui doit être préservé contre toute régression démocratique et tout risque d’instabilité.
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