[ GRAND REPORTAGE ] Au cœur de l'émigration Irrégulière : Une génération déboussolée en quête d'espoir en Europe


Lors d'une récente tournée en Espagne, notamment aux Îles Canaries de Las Palmas, avec des membres du Ministère de la Santé du Sénégal, Dakaractu a eu l'occasion d'aborder un sujet brûlant : à savoir l'émigration clandestine. Ce phénomène, qui continue de marquer profondément l'actualité mondiale, est particulièrement très poignant au Sénégal. Ces dernières années, de nombreux jeunes ont pris des risques considérables pour tenter leur chance en Europe, notamment en Espagne.
Des chiffres alarmants et des histoires de vie bouleversantes

En 2023, le nombre de migrants clandestins arrivés en Espagne a augmenté de manière spectaculaire, atteignant près de 57 000 personnes, soit une augmentation de 82% par rapport à l'année précédente. Cette hausse significative est en grande partie due à l'afflux sans précédent de migrants vers l'archipel des Canaries, comme l'ont rapporté les autorités espagnoles.
 
Au cours de notre visite, nous avons eu l'occasion de rencontrer trois jeunes sénégalais : Abdoulaye Thioune, Alassane Sembene et Boubacar Ndao. Ces jeunes, tous mineurs, sont  confrontés aux défis de l'émigration clandestine. Ils  ont partagé des récits émouvants de leur voyage périlleux à travers l'océan.
 
Boubacar Ndao, le "fils prodigue..." 

Natif  de Teunguedj (Rufisque), âgé seulement de 15 ans lors de son voyage, a bravé l'océan sur une pirogue avec plus de 260 personnes à bord, un périple de cinq jours jusqu'aux côtes espagnoles. Malgré les dangers inhérents à une telle traversée. 
 
Alassane Sembene, l'élève brillant devenu "clandestin" à Gran Canaria  

Résidant à Mbour Tefess, cet élève en classe de 3eme, Alassane a entrepris son voyage depuis Bargny. À bord d'une pirogue comptant 122 personnes, il  a navigué à travers l'océan Atlantique pendant sept (7) jours avant d'atteindre les Îles Canaries de Las Palmas. Malgré les difficultés et les dangers de la traversée vu son âge. 
 
Abdoulaye Thioune, l'apprenti-pêcheur 

Originaire de Thiaroye, Abdoulaye a également pris la mer sur une pirogue avec 86 personnes à bord, incluant trois filles. Bien que sa famille soit constituée de pêcheurs et que le voyage soit financé par eux, Abdoulaye a partagé les mêmes défis et espoirs que ses compagnons d'aventure. La traversée difficile a duré plusieurs jours avant qu'ils n'atteignent enfin les côtes espagnoles.
 
Ainsi, dans chacune des trois embarcations  prises  par ses jeunes, aucun décès n'a été signalé. Un résultat peu probant pour beaucoup d'autres candidats à l'émigration irrégulière.
 
"Espoir et Désespoir"...les motivations derrière ses départs vers l'inconnu

Pour ces jeunes, ainsi que pour de nombreux autres, la décision de quitter le Sénégal est motivée par un mélange d'espoir pour un avenir meilleur et de désespoir face aux difficultés économiques persistantes dans leur pays d'origine. Ils ont fait face à des défis considérables et ont dû surmonter des obstacles insurmontables pour arriver en Espagne, où ils espèrent maintenant obtenir  une vie meilleure.
 
L'impact social  des familles et de la communauté

Les familles de ces jeunes ont été profondément affectées par leur départ. Malgré les dangers évidents de l'émigration clandestine, beaucoup de parents ont soutenu et même financé le voyage de leurs enfants, malgré les risques encourus. Cette réalité souligne les défis économiques et sociaux auxquels sont confrontés la jeunesse sénégalaise. Des défis qui poussent bon nombre de jeunes à chercher des perspectives d'avenir à l'étranger. Dans son voyage Boubacar le plus jeunes a bénéficié de la somme de 250 000 Fcfa venant directement de sa poche de ses parents ( sa maman) pour partir à l’aventure, même si Alassane lui a pu rassembler la même sommes grâce à ses activités commerciales locales, là où Thioune lui n’a rien payés puisque la pirogue, où il était embarqué, appartient à des membres à sa famille. Tous, avant de partir, ont obtenu l’accord, le soutien et la bénédiction de leurs parents. Mieux, ils étaient conscients des risques encourus mais confiants dans les motivations de leur fils à chercher une vie meilleure en Europe.
 
A notre retour à Dakar, on avait quand même cherché à discuter avec les parents, sur leur motivation à laisser des mineurs voyager de manière illégale dans des embarcations de fortune, mais personne n’a voulu s’exprimer sur ce sujet.
 
L'accueil et l'intégration en Espagne

Après avoir passé plus de dix mois aux Îles Canaries, ces jeunes, ainsi que d'autres migrants venus de différents pays d'Afrique de l'Ouest ou du Maroc, sont accueillis dans des centres où ils attendent la régularisation de leur statut. Pour beaucoup, c'est un nouveau départ, malgré les incertitudes et les obstacles administratifs auxquels ils sont confrontés. Car, depuis le mois d'août, le protocole d'accueil des migrants mineurs non accompagnés a changé dans l'archipel. Même si, la décision contestée par des défenseurs de droits de l'homme, a été suspendue par le Conseil Supérieur du Gouvernement Autonome des Iles Canaries. 
 
Un avenir incertain...

Le récit de ces jeunes sénégalais révèle la complexité du fléau  de l'émigration clandestine et met en lumière les aspirations universelles à une vie meilleure. Malgré les risques et les défis, leur détermination à surmonter l'adversité pour réaliser leurs rêves continuent d'inspirer et de questionner les politiques nationales et internationales sur la migration et le développement.
 
Il est essentiel de reconnaître les facteurs sous-jacents à cette migration irrégulière et de travailler collectivement afin de créer des opportunités économiques et sociales durables au Sénégal et au-delà, d' offrir ainsi à la jeunesse africaine des perspectives d'avenir dignes et prometteuses dans leur pays d'origine.




Mercredi 25 Septembre 2024
Karim Ndiaye



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