Contribution - Non, ne ressuscitez pas le Sénat ! Laissez-le dans sa mort éternelle !


Contribution - Non, ne ressuscitez pas le Sénat ! Laissez-le dans sa mort éternelle !
En parcourant la presse sénégalaise, je constate qu’il se murmure que le Président de la République voudrait (c’est bien au conditionnel) ressusciter le défunt Sénat. Pourtant, son Directeur de cabinet politique dément catégoriquement une telle intention. Personnellement, je n’ai pas encore entendu le Président lui-même tenir de tels propos. Quoi qu’il en soit, son ancien Premier Ministre, Aminata Touré, est catégorique : « je pense que le pays n’a pas nécessairement besoin d’une institution supplémentaire. Il faut plutôt donner de la force à celles qui existent. Il ne faut surtout pas faire revenir le Sénat ». Le Président du Groupe parlementaire Benno Bokk Yaakar (BBY), Moustapha Diakhaté, est aussi du même avis qu’elle : « le Sénat est une malédiction pour tous les pouvoirs qui l’ont créé au Sénégal et il n’apporte aucune valeur ajoutée (c’est moi qui souligne) au fonctionnement des institutions de la République ». Je me garde de commenter les propos superstitieux bien qu’ils désignent un fait avéré. Par contre, j’analyse volontiers ceux qui me paraissent dotés de rationalités politiques (politiciennes et électoralistes ?) ayant un impact sur la démocratie sénégalaise.
D’abord, il faut savoir qu’après l’indépendance du Sénégal en 1960, le pouvoir n’a pas copié aveuglément le modèle de régime bicaméral du système français. Senghor a opté pour le régime monocaméral. Ce n’est qu’en janvier 1999 que le Président Diouf a créé le Sénat. Bien que dans le monde, à l’époque, le modèle bicaméral commence à avoir du succès, les Sénégalais ont jugé le Sénat budgétivore. Ils l’ont, en outre, qualifié de simple « chambre d’enregistrement ». Cependant, la principale critique à l’encontre du Sénat consiste à dire que le Parti au Pouvoir cherche à caser une clientèle politique, donc uniquement pour des raisons politiciennes et électoralistes. Ce sont ces mêmes raisons qui ont poussé le Président Wade à supprimer cette Chambre Haute en janvier 2001. Mais, les motivations politiciennes et électoralistes ont repris dessus avec la restauration du Sénat en février 2007.
Ensuite, sur le plan démocratique, le mode de désignation des membres du Sénat est sujet à caution. Sous Diouf, les 48 Sénateurs/60 au total sont élus (dont 3 par les Sénégalais de l’Etranger) et les 12 restants sont nommés par le Président de la République. Faisant passer le nombre de Sénateurs à 100 dont 65 nommés par le Président et 35 élus, le Gouvernement Wade a perpétué ce mode de désignation non démocratique des Sénateurs qui fait que son Parti (le Parti Démocratique Sénégalais-PDS) se retrouve avec 99 Sénateurs/100 ! Le Gouvernement Sall n’a pas dérogé à la règle en nommant les 55 Sénateurs/100 (donc, avec moins d’ampleur anti-démocratique) avant qu’il supprime le Sénat en septembre 2012.
En effet, le Président Sall s’est appuyé sur les circonstances du moment pour justifier la suppression du Sénat. Pour rappel, le Sénégal vivait à l’époque une catastrophe nationale suite aux inondations qui ont touché 40 000 familles et concerné 400 000 personnes dont 21 ont perdu la vie. Les dégâts sont évalués, selon le Ministère de l’Intérieur, à plus de 4 milliards de francs CFA, soit environ 6 millions d’euros. Un élan de solidarité national et international s’est déployé pour venir au secours du Sénégal. Le Gouvernement Sall a introduit en urgence un projet de loi portant suppression du Sénat afin de réallouer le budget estimé à 8 milliards de francs, soit environ plus de 12 millions d’euros à la gestion des inondations. Un Plan Décennal de Lutte Contre les Inondations (PDLCI), de 2012 à 2022, évalué à plus de 766 milliards de francs CFA a été élaboré.
Ayant connaissance de tout ce qui précède et du contexte d’élection de Macky Sall à la Présidence de la République, faut-il ressusciter le Sénat ? Je réponds, sans ambages, NON ! Restaurer le Sénat, c’est faire du Wade sans Wade ! Restaurer le Sénat, c’est donner la primauté à la politique politicienne et électoraliste ! Restaurer le Sénat, c’est se détourner des véritables préoccupations des Sénégalais ! Car, ce pourquoi il a été supprimé (soulager d’abord les souffrances du peuple et trouver ensuite des solutions à leurs problèmes) est toujours d’actualité. Restaurer le Sénat, c’est une entorse à l’efficacité et l’efficience des institutions de la République. Car, je ne vois pas vraiment la plus-value que le Sénat pourrait apporter à la bonne marche du pays. Or, c’est le principal critère qui vaille, à mon sens.

Le Sénat, bien aimé de la classe politique sénégalaise ; mal aimé du Peuple sénégalais, reposes en paix. Amine.

Sidy TOUNKARA
Militant de l’APR à Toulouse (France)

Jeudi 25 Septembre 2014




1.Posté par Babacar Diop le 25/09/2014 14:37
Merci pour cet article j'espère que vos camarades de parti en tireront toutes les leçons; bien que pour le moment la balle a été retournée dans le cas des alliés qui selon certains responsables et proches collaborateurs du président: c'est une idée venant des alliés et pas une affirmation du président....



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