J'aurais tellement aimé ne pas avoir à me prononcer sur ce débat houleux du référendum, car pour rappel, je suis de ceux qui croient que le septennat offre à nos États sous développés un délai utile plus adapté que le quinquennat entre deux élections. Le changement proposé est à mon avis là un glissement sémantique de paradigme : l'on élirait par la suite en se fondant plus sur des présomptions suspicieuses, que sur la confiance. Le traumatisme issu d'une succession de régimes de déprédateurs deviendrait ainsi malheureusement pérenne dans notre société. Mais la question n'est plus là. Je me suis fais à l'idée du quinquennat parce que la majorité semble le vouloir.
L'on s'interroge aujourd'hui : 1. Sur la valeur de l'avis des cinq sages et le fait de savoir en quoi il lie le Président qui en a fait son argument, pour revenir sur sa promesse. 2. Sur la sincérité ou duplicité de la parole donnée et plusieurs fois répétées du Président. 3. Sur la suite à donner en réponse à son référendum, maintenu malgré le retrait de sa substance. Et parce que j'ai toujours eu une position invariable sur la date des prochaines élections, les lecteurs m'interpellent pour savoir pourquoi et je me fais un devoir de répondre.
L'avis des cinq sages
Bravo tout d'abord aux membres du Conseil constitutionnel pour nous avoir donné un avis très bien argumenté, que même un profane comme moi, peut aisément comprendre. Que dit le texte, d'utile, en sa rubrique 22 ("La durée du mandat du président de la République" ? : «la règle énoncée à l'alinéa 2 destinée à fixer une situation dont les effets sont limités dans le temps et par essence temporaire, va cesser une fois son objet atteint, de faire partie de l'ordonnancement juridique et qu'en tant que telle, elle est incompatible avec le caractère permanent attaché à l'article 27 que le pouvoir constituant entend rendre intangible en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision.
«- Considérant que pour la sauvegarde de la sécurité juridique et la préservation de la stabilité des institutions le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance,
«- Considérant qu'au moment où le mandat en cours était conféré, la constitution fixait la durée du mandat du président de la République à sept ans,
«- Considérant que le mandat en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la nouvelle loi.»
Je ne suis pas juriste encore moins expert en droit constitutionnel. Mais lorsque de tels arguments sont pris en considération dans un avis, dont le destinataire de surcroît est le premier magistrat, gardien de la constitution, ne sommes-nous pas dans le cas type d'un texte injonctif ?
Si oui comme je le pense, dès lors, à quoi bon épiloguer sur les principes à propos de la différence entre un avis et une décision, donnés par un conseil constitutionnel ?
Par ailleurs sous réserve d'autres choix dans la loi constitutionnelle plus appropriés au contexte, la demande d'avis en ce qu'elle nous a éclairée et aussi évitée éventuellement une forfaiture, est sans aucun doute pertinente. Le respect de cet avis par le Président l'est d'autant. Là dessus je n'ai pas de problème et c'est pourquoi je félicite les cinq sages. Il est bon d'avoir un esprit de discernement et ne pas jouer à jeter le bébé avec l'eau du bain. Et puisqu'il est beaucoup question de morale et d'éthique dans ce débat autour de la promesse, je rappellerai que l'acceptation est un attribut de l'humilité et donc une valeur fondamentale de l'éthique que l'on évoque tant. À l'opposé c'est l'orgueil qui nous fait chercher des justifications que pour rester dans nos positions au-delà du ridicule, quand on a absolument tout faux.
Sincérité ou duplicité de la promesse du Président
Pour ma part, je suis demeuré invariable, malgré le nombre et la force des réitérations, sur ma position comme quoi le Président n'en avait pas l'intention, du moins plus, peu après son installation au pouvoir et, qu'il ne tiendrait pas cette promesse. Il n'est pas homme à scier la branche sur laquelle il est assis. Les gens s'étaient juste focalisés sur une seule promesse, celle de la réduction du présent mandat et étaient restés dans une attente fiévreuse, alors qu'en fait plusieurs autres étaient déjà passées à la trappe avec lui, dans le silence.
Rappelons-nous qu'il disait : «je ne protégerai personne» ; ou encore «la patrie avant le parti» ; un gouvernement réduit à 25 ministres et, la plus intéressante d'entre toutes pour moi, compte tenu de notre problème d'incivisme, la politique de la «tolérance zéro». C'est pour cela que ma confiance était entamée, depuis longtemps.
Quand je vois que les autorités passent devant ces glissières escamotées de l'autoroute qui tuent, sans en voir le danger et opportunément réorganiser leurs priorités, pour une meilleure cohérence de leur politique, j'ai du mal à croire à leurs promesses mirobolantes dans la capitale. En tout état de cause il faut savoir une chose par ailleurs sur la responsabilité des autorités au pouvoir : dans le face-à-face "pouvoir/peuple", chacun dans son rôle, c'est le pouvoir qui est présumé savant et le peuple profane. Par conséquent nous retiendrons que le Président savait tout de l'issue de son engagement et suffisamment tôt, pour anticiper son agenda politique à sa convenance et le dérouler. Il est donc permis de douter de sa sincérité.
La suite à donner à son référendum:
Nous sommes mis en face d'une proposition d'un texte référendaire attendu depuis trop longtemps avec le plus grand intérêt, mais qui, en fin de compte, est malheureusement arrivé vidé de son ultime substance. Nous nous sentons abusés et craignons que ce ne soit dans le but d'exploiter notre motivation à aller à un référendum, à d'autres fins inavouées. Le pouvoir ne peut avoir abusé de notre confiance et prétendre dans le même élan, à ce qu'on lui signe un chèque en blanc, comme sanction de ce forfait. Non ! Ce serait stupide de notre part.
Nous voulons comprendre ce qu'il y a dans le nouveau texte, qui peut avoir motivé le Président à préméditer une manipulation du peuple, juste pour obtenir son référendum sur des propositions qui étaient occultées sous une insidieuse promesse. Également avons-nous à sanctionner de manière responsable le forfait commis à la grande désolation du peuple. L'on ne pourrait plus ainsi abuser les Sénégalais et croire qu'on va s'en tirer à si bon compte. Il s'agit donc de montrer à l'auteur de notre désillusion qu'il n'a plus notre confiance et par conséquent n'est plus habilité à nous faire des propositions relatives à notre loi fondamentale. Il s'est disqualifié et ne peut plus rien endosser en notre nom en ce qui concerne notre constitution.
S'abstenir de voter ne nous garantit pas l'échec du projet présidentiel et la préservation de notre loi fondamentale. Je dis bien «préserver», car tout ce qu'il y a d'avantageux dans ce projet, nous pourrons l'obtenir plus tard, sans cette précipitation onéreuse et suspicieuse. Par contre ce qu'il y a de caché nous pouvons ne pas le déceler et avoir à le regretter amèrement. Seule la victoire du «Non», est symboliquement salutaire pour le peuple. Alors sortons et votons «Non».
Par Ibe Niang Ardo
Éditorialiste de SenePlus.com
L'on s'interroge aujourd'hui : 1. Sur la valeur de l'avis des cinq sages et le fait de savoir en quoi il lie le Président qui en a fait son argument, pour revenir sur sa promesse. 2. Sur la sincérité ou duplicité de la parole donnée et plusieurs fois répétées du Président. 3. Sur la suite à donner en réponse à son référendum, maintenu malgré le retrait de sa substance. Et parce que j'ai toujours eu une position invariable sur la date des prochaines élections, les lecteurs m'interpellent pour savoir pourquoi et je me fais un devoir de répondre.
L'avis des cinq sages
Bravo tout d'abord aux membres du Conseil constitutionnel pour nous avoir donné un avis très bien argumenté, que même un profane comme moi, peut aisément comprendre. Que dit le texte, d'utile, en sa rubrique 22 ("La durée du mandat du président de la République" ? : «la règle énoncée à l'alinéa 2 destinée à fixer une situation dont les effets sont limités dans le temps et par essence temporaire, va cesser une fois son objet atteint, de faire partie de l'ordonnancement juridique et qu'en tant que telle, elle est incompatible avec le caractère permanent attaché à l'article 27 que le pouvoir constituant entend rendre intangible en le rangeant dans la catégorie des dispositions non susceptibles de révision.
«- Considérant que pour la sauvegarde de la sécurité juridique et la préservation de la stabilité des institutions le droit applicable à une situation doit être connu au moment où celle-ci prend naissance,
«- Considérant qu'au moment où le mandat en cours était conféré, la constitution fixait la durée du mandat du président de la République à sept ans,
«- Considérant que le mandat en cours au moment de l'entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la nouvelle loi.»
Je ne suis pas juriste encore moins expert en droit constitutionnel. Mais lorsque de tels arguments sont pris en considération dans un avis, dont le destinataire de surcroît est le premier magistrat, gardien de la constitution, ne sommes-nous pas dans le cas type d'un texte injonctif ?
Si oui comme je le pense, dès lors, à quoi bon épiloguer sur les principes à propos de la différence entre un avis et une décision, donnés par un conseil constitutionnel ?
Par ailleurs sous réserve d'autres choix dans la loi constitutionnelle plus appropriés au contexte, la demande d'avis en ce qu'elle nous a éclairée et aussi évitée éventuellement une forfaiture, est sans aucun doute pertinente. Le respect de cet avis par le Président l'est d'autant. Là dessus je n'ai pas de problème et c'est pourquoi je félicite les cinq sages. Il est bon d'avoir un esprit de discernement et ne pas jouer à jeter le bébé avec l'eau du bain. Et puisqu'il est beaucoup question de morale et d'éthique dans ce débat autour de la promesse, je rappellerai que l'acceptation est un attribut de l'humilité et donc une valeur fondamentale de l'éthique que l'on évoque tant. À l'opposé c'est l'orgueil qui nous fait chercher des justifications que pour rester dans nos positions au-delà du ridicule, quand on a absolument tout faux.
Sincérité ou duplicité de la promesse du Président
Pour ma part, je suis demeuré invariable, malgré le nombre et la force des réitérations, sur ma position comme quoi le Président n'en avait pas l'intention, du moins plus, peu après son installation au pouvoir et, qu'il ne tiendrait pas cette promesse. Il n'est pas homme à scier la branche sur laquelle il est assis. Les gens s'étaient juste focalisés sur une seule promesse, celle de la réduction du présent mandat et étaient restés dans une attente fiévreuse, alors qu'en fait plusieurs autres étaient déjà passées à la trappe avec lui, dans le silence.
Rappelons-nous qu'il disait : «je ne protégerai personne» ; ou encore «la patrie avant le parti» ; un gouvernement réduit à 25 ministres et, la plus intéressante d'entre toutes pour moi, compte tenu de notre problème d'incivisme, la politique de la «tolérance zéro». C'est pour cela que ma confiance était entamée, depuis longtemps.
Quand je vois que les autorités passent devant ces glissières escamotées de l'autoroute qui tuent, sans en voir le danger et opportunément réorganiser leurs priorités, pour une meilleure cohérence de leur politique, j'ai du mal à croire à leurs promesses mirobolantes dans la capitale. En tout état de cause il faut savoir une chose par ailleurs sur la responsabilité des autorités au pouvoir : dans le face-à-face "pouvoir/peuple", chacun dans son rôle, c'est le pouvoir qui est présumé savant et le peuple profane. Par conséquent nous retiendrons que le Président savait tout de l'issue de son engagement et suffisamment tôt, pour anticiper son agenda politique à sa convenance et le dérouler. Il est donc permis de douter de sa sincérité.
La suite à donner à son référendum:
Nous sommes mis en face d'une proposition d'un texte référendaire attendu depuis trop longtemps avec le plus grand intérêt, mais qui, en fin de compte, est malheureusement arrivé vidé de son ultime substance. Nous nous sentons abusés et craignons que ce ne soit dans le but d'exploiter notre motivation à aller à un référendum, à d'autres fins inavouées. Le pouvoir ne peut avoir abusé de notre confiance et prétendre dans le même élan, à ce qu'on lui signe un chèque en blanc, comme sanction de ce forfait. Non ! Ce serait stupide de notre part.
Nous voulons comprendre ce qu'il y a dans le nouveau texte, qui peut avoir motivé le Président à préméditer une manipulation du peuple, juste pour obtenir son référendum sur des propositions qui étaient occultées sous une insidieuse promesse. Également avons-nous à sanctionner de manière responsable le forfait commis à la grande désolation du peuple. L'on ne pourrait plus ainsi abuser les Sénégalais et croire qu'on va s'en tirer à si bon compte. Il s'agit donc de montrer à l'auteur de notre désillusion qu'il n'a plus notre confiance et par conséquent n'est plus habilité à nous faire des propositions relatives à notre loi fondamentale. Il s'est disqualifié et ne peut plus rien endosser en notre nom en ce qui concerne notre constitution.
S'abstenir de voter ne nous garantit pas l'échec du projet présidentiel et la préservation de notre loi fondamentale. Je dis bien «préserver», car tout ce qu'il y a d'avantageux dans ce projet, nous pourrons l'obtenir plus tard, sans cette précipitation onéreuse et suspicieuse. Par contre ce qu'il y a de caché nous pouvons ne pas le déceler et avoir à le regretter amèrement. Seule la victoire du «Non», est symboliquement salutaire pour le peuple. Alors sortons et votons «Non».
Par Ibe Niang Ardo
Éditorialiste de SenePlus.com