Sénégal - Un an de pouvoir de Diomaye : « Une économie à l’arrêt, une soif de vengeance, une diplomatie et des libertés en souffrance » (Erwan Davoux)


Après un an à la tête du Sénégal, avec une forte majorité à l'Assemblée nationale, le président Bassirou Diomaye Faye dresse un bilan contrasté. Selon Erwan Davoux, directeur de Geopolitics.fr, dont les propos sont relayés par le média français Marianne. « le débat politique semble monopolisé par un désir de vengeance à l'égard de l'ancien pouvoir, autoritaire et liberticide. Un parti-État qui promeut un panafricanisme régional, mais qui invisibilise le Sénégal sur la scène internationale. »

L’ancien chargé de mission à la présidence de la République souligne que le Premier ministre Ousmane Sonko, leader du Pastef, semble vouloir exercer une vengeance interminable contre le pouvoir précédent, tout en s’attaquant aux quelques contre-pouvoirs encore existants, alors que « les questions économiques sont reléguées au second plan. »

La question centrale aujourd’hui concerne l’abrogation ou non de la loi d’amnistie. Cette loi, votée sous Macky Sall, couvre « tous les faits susceptibles de revêtir la qualification d’infraction criminelle ou correctionnelle, commis entre le 1er février 2021 et le 25 février 2024, tant au Sénégal qu’à l’étranger, se rapportant à des manifestations ou ayant des motivations politiques, y compris celles faites par tous supports de communication, que leurs auteurs aient été jugés ou non. »

Le Pastef avait initialement annoncé son intention d’abroger cette loi pour poursuivre les dirigeants précédents, mais « fait désormais machine arrière », selon Erwan Davoux. Il ajoute que l’abrogation de cette loi pourrait, d’une part, « mettre dans une fâcheuse posture Bassirou Diomaye Faye et Ousmane Sonko, qui en ont bénéficié. D’autre part, ils entendaient contourner l’institution judiciaire, pourtant seule habilitée à faire passer une personne de la qualité de prévenu à celle de victime. » Davoux craint que « le pire soit à craindre, tant l’exécutif dicte sa loi au législatif et au judiciaire. »

Le régime de Diomaye, durant ces 12 mois, se caractérise également par « un acharnement » contre les journalistes qui tentent d’exercer leur métier avec indépendance. « Après avoir placé un proche à la tête de la télévision publique, le pouvoir s’attaque sans ménagement à ceux qui font preuve d’une certaine indépendance. Même les opposants, comme le maire de Dakar, Barthélémy Dias, ancien compagnon de route d’Ousmane Sonko, ou encore Farba Ngom, un proche de l’ancien président, et Moustapha Diakhaté, sont inquiétés », rappelle Davoux.

Une économie à l’arrêt

Dans sa tribune, Erwan Davoux affirme qu’il y a « une volonté de revanche qui anime le nouveau pouvoir sénégalais ». En effet, ce dernier a lancé un audit (bien tardif) des finances publiques, qui, sans surprise, est extrêmement sévère à l’encontre de l’ancien pouvoir. Davoux s’interroge sur l’objectivité du rapport de la Cour des comptes : « C’est une version non signée par tous les présidents de Chambres qui a été présentée au public en février 2025, tandis que le rapport officiel, remis en décembre, est resté confidentiel. Pour quelles raisons ? Rappelons que c’est la même chambre, sous l’autorité du même président, avec le visa de tous les présidents de Chambres, qui avait certifié chaque année les comptes de l’État. » Il soutient que « ce rapport, aux fins politiciennes, a freiné les investisseurs, renforcé les difficultés à trouver un accord avec le Fonds monétaire international (FMI) et dégradé la note du Sénégal par les agences de notation Moody’s et Standard & Poor’s, rendant le recours à l’emprunt encore plus difficile et plus coûteux. Même le secteur du BTP n’a pas échappé à cette crise, animée par le désir de vengeance », estime le directeur de Geopolitics.fr.

La voix du Sénégal ne se fait plus entendre

Sur le plan international, la voix du Sénégal, traditionnellement l’une des plus influentes sur le continent africain grâce à l’excellence de sa diplomatie et à ses chefs d’État emblématiques, est désormais quasiment inaudible. On se souvient, par exemple, que c’est le président Macky Sall qui a obtenu que l’Afrique soit représentée au G20, ou encore son rôle actif dans le dénouement de crises intra-africaines. Tout cela semble appartenir au passé, regrette Erwan Davoux, qui souligne que « l’actuel président de la République et son Premier ministre ont recours, sans ménagement, à un discours populiste pour promouvoir un panafricanisme régional ambiant et prôner une volonté légitime de passer d’une indépendance formelle à une réelle. »

Lire l'intégralité de la Tribune : Erwan Davoux : "Au Sénégal, la tentation autoritaire du parti-État"
Vendredi 21 Mars 2025
Dakaractu



Nouveau commentaire :
Twitter



Dans la même rubrique :