Réformes sur la route : Les Jakartamen coincés entre acceptation et contestation


Les Jakartamen, ces conducteurs de motos-taxis qui sillonnent chaque jour les artères de nos villes, sont au cœur des réformes du nouveau régime, notamment en ce début d’année. Si certains saluent l’initiative et l’intention de mettre de l’ordre sur les routes, d’autres, particulièrement les conducteurs eux-mêmes, expriment déjà des réserves et des frustrations. L’année s’annonce donc difficile pour ces acteurs du transport urbain, qui sont pris entre le marteau des nouvelles régulations et l’enclume d’une réalité économique bien plus complexe.

 

Il est indéniable que les Jakartamen sont disposés à se conformer aux règles de bonne conduite : s’arrêter au feu rouge, respecter les passages piétons, éviter les sens interdits... Mais, la réforme semble pousser plus loin que ce qu'ils peuvent offrir. L'introduction de nouvelles exigences, comme l’obligation de présenter un permis de conduire et des papiers en règle, génère déjà des tensions. Beaucoup d’entre eux, dont les revenus sont précaires, se retrouvent dans une impasse. Acquérir un permis de conduire, dont le coût avoisine 120 000 à 150 000 FCFA, semble une montagne infranchissable pour des travailleurs qui gagnent en moyenne à peine de quoi subsister.

 

Malgré un délai de trois mois accordé pour se conformer aux nouvelles exigences, certains conducteurs dénoncent déjà une pression prématurée. « Les FDS commencent déjà à contrôler nos papiers. À Sandaga, j’ai dû donner 3.000 FCFA pour éviter une contravention », confie Sidi, un Jaakartaman désabusé. 

Un autre point de friction majeur réside dans l’attitude des Forces de Défense et de Sécurité (FDS), accusées de multiplier les rackets et intimidations. 

 

Dans le même temps, la décision du ministère des Transports de retirer les ASP (Agents de Sécurité de Proximité) des rues a été saluée par certains conducteurs, qui y voient un soulagement face à l’hostilité des contrôles. Cependant, beaucoup restent sceptiques, estimant que cette mesure ne résoudra pas la question des violences policières. « Ce n’est pas en retirant les ASP que les choses vont changer, tant que la mentalité des policiers ne se transforme pas », déclare l’un d’eux. 

 

Papa Jupiter Ndiaye, ancien soldat et dévier du quartier proche du rond-point Case Ba à Hamo 2, a également pris la parole lors d'une rencontre avec plusieurs Jakartamen. Il estime que la solution réside dans une discipline stricte, et plaide pour l'introduction d’un service militaire obligatoire. « Si l’armée était obligatoire pour tous, certains comportements de ces jeunes seraient corrigés », assure-t-il. Pour lui, la bonne conduite doit être la priorité, et il exhorte les autorités à encadrer les conducteurs de manière plus rigoureuse, en leur fournissant, si nécessaire, des motos avec des équipements de sécurité adéquats (casques, gilets, etc...)

 

Au-delà de l’aspect sécuritaire, les Jakartamen appellent le gouvernement à faire preuve de plus de compréhension envers leur réalité quotidienne. « Si le gouvernement ne tient pas compte de notre situation, ce sera encore un échec pour le régime, comme cela a été le cas pour l’ancien », avertit un autre conducteur. Le message est clair : ces travailleurs, qui constituent une part essentielle du transport urbain, se sentent oubliés par les réformes en cours et demandent davantage d’accompagnement. 

 

Les Jakartamen se retrouvent aujourd’hui à la croisée des chemins. D'un côté, ils comprennent la nécessité d’une régulation plus stricte pour améliorer la sécurité routière, mais de l’autre, ils dénoncent une réforme qui, selon eux, ignore la dureté de leur quotidien. Si les autorités ne prennent pas en compte ces réalités sociales, les bonnes intentions risquent de se heurter à un mur de contestation et de désespoir.

Dimanche 5 Janvier 2025
Karim Ndiaye



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