L’immobilier à Dakar est l’un des secteurs économiques les plus dynamiques au Sénégal, et connaît une très forte croissance. Selon l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD), le prix du mètre carré a, en moyenne, été multiplié par 2,5 entre 1994 et 2000, puis par plus de 2 entre 2000 et 2009. Au même moment, les coûts de construction ont évolué dans cette même direction. A titre d’exemple, le coût moyen de construction d’une maison basse est passé de 9,9 millions de F CFA dans les années 90 à 14,3 millions F CFA entre 2000 et 2010, soit une augmentation de 44,4 %. L’augmentation du niveau des prix des logements est telle que beaucoup d’experts parlent d’une potentielle bulle immobilière à Dakar depuis 2005. Quinze ans après, les prix continuent à grimper sans aucun signe de ralentissement.
Après analyse, nous sommes convaincus qu’il n’y a pas de bulle immobilière à Dakar. Mais avant de vous présenter les arguments corroborant la non-existence de cette bulle, il est important de bien la définir.
Une bulle financière, est une hausse excessive et artificielle des prix d’un actif ou d’un groupe d’actifs ayant une faible corrélation avec la croissance de l’économie et du pouvoir d’achat des habitants.
On parle de bulle immobilière, lorsque la hausse se nourrit d’elle-même et que la hausse initiale des actifs immobiliers attire de nouveaux investisseurs/spéculateurs qui anticipent des hausses futures et investissent dans le but de réaliser une opération financière. En conséquence, le niveau des prix d’échange est largement supérieur à la valeur financière fondamentale des biens échangés.
En lisant la définition, de prime abord, il est facile d’associer les caractéristiques d’une bulle immobilière aux attributs du marché immobilier dakarois. En effet, la croissance du pouvoir d’achat des Dakarois n’est pas aussi rapide que celle des prix des biens immobiliers. Cependant, qu’en est t-il de la valeur financière fondamentale de ces biens immobiliers ? Est-il possible que la hausse des prix, malgré le fait qu’elle ne soit pas corrélée au pouvoir d’achat des habitants, ne soit pas artificielle ?
Il serait difficile d’expliciter de manière concise un diagnostic de l’immobilier dakarois en général, sachant que ses différents sous-secteurs peuvent être à différentes étapes de leur cycle de vie. Conséquemment, nous limiterons notre analyse à l’immobilier résidentiel dakarois.
Quels sont les éléments qui déterminent la valeur fondamentale d’un terrain ?
La valeur financière d’un terrain se calcule sur la base de 6 critères fondamentaux :
Explorons l’évolution de ces facteurs à Dakar et leurs impacts sur le foncier à Dakar.
UNE DEMANDE LARGEMENT SUPERIEURE A L’OFFRE
L’immobilier n’échappe pas à cette notion fondamentale de la macroéconomie. Selon le Ministère de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène Publique (MULHP), il y aurait présentement un déficit de plus de 300 000 logements qui accroîtrait d’environ 10 % chaque année. Ce constat, conjugué au fait que les secteurs publics et privés réunis n’ont pu mettre sur le marché qu’environ 4 000 logements par an au cours des dernières années, démontre l’importance d’explorer les éléments qui contribuent à creuser le fossé entre l’offre et la demande. Ces éléments sont exposés ci-dessous.
Qu’est-ce qui explique cette sur-demande pour l’immobilier à Dakar ?
La pression démographique
L’habitat étant un besoin primaire convoité par tous, les changements démographiques sont positivement corrélés à la demande en terrains. Dakar accueille 24 % de la population du Sénégal sur une superficie représentant 0,3 % de celle du pays. Selon l’ANSD, cette population avoisinerait les 4 500 000 en 2025. Cette forte croissance démographique est causée par une forte exode rurale et une immigration des ressortissants de la sous-région.
Dakar, le seul véritable centre urbain du Sénégal, capte la majorité des activités économiques
Selon la Banque Mondiale, Dakar est à l’origine de 55 % du PIB national et concentre plus de 52 % des emplois créés dans le pays. À elle seule, la capitale renferme 80 % des activités économiques du pays ce qui exacerbe l’exode rurale. Elle fait donc face à une demande immobilière exponentielle de bâtiments à usage d’habitation, de commerce ou d’industrie. Comme susmentionné, la proximité d’activités économiques est un des facteurs déterminants du prix de l’immobilier. C’est en ce sens que l’’échec des politiques de décentralisation de nos gouvernements renchérit les prix des terrains à Dakar.
Une urbanisation non maîtrisée rend Dakar intra-muros plus attractif
À cela s’ajoute une capacité limitée de planification de l’aménagement urbain. D’après la Banque Mondiale, moins de 20 % des villes et des municipalités du Sénégal possèdent un plan d’urbanisme, auquel cas, une majorité de ces plans sont obsolètes ou ne sont pas appliqués faute de moyens suffisants dans les collectivités locales. Toujours selon la Banque Mondiale, en 2004, 35 % de l’espace occupé à Dakar était constitué par de quartiers irréguliers et non lotis. Cela explique pourquoi il y a une demande exponentielle dans les quartiers créés au début des indépendances. Ne nous étonnons pas donc, que d’ici quelques années, le prix du m2 dans quartiers bien lotis et assainis tels que la SICAP effleure les 800 000 F CFA voire 1 000 000 F CFA
La stabilité politique attire les investisseurs de la sous-région
Le Sénégal est réputé pour sa stabilité politique et est considéré comme un exemple dans la sous-région. C’est une destination naturelle pour les investisseurs de la zone souhaitant sécuriser davantage leurs actifs. Cette demande exogène n’est pas reflétée dans les statistiques démographiques sénégalaises et risque d’augmenter au vu des perspectives ouvertes au Sénégal en sa qualité de futur pays pétrolier.
Voilà autant de facteurs qui renforcent la demande et appliquent une pression sur les prix de l’immobilier. Ainsi, avant qu’une bulle ne puisse se former pour ensuite éclater, il faudrait d’abord que cette demande s’effondre soudainement (à travers une crise politique ou une crise économique par exemple) ou qu’une offre particulièrement conséquente inonde le marché. Ceci invite la question suivante :
Pourquoi l’offre ne suit-elle pas pour ramener le marché à un équilibre ?
Un marché financier embryonnaire
Le marché financier sénégalais est à un état embryonnaire et ne permet pas le développement d’un secteur immobilier viable. Les banques sont quasiment la seule source de financement pour les promoteurs immobiliers et d’après le « Center for Affordable Housing Finance in Africa », 80 % des demandes de prêts bancaires par les TPE et PME sont refusées faute de collatéral. De plus, le Sénégal se classe parmi les derniers pays africains en termes de montants de prêts immobiliers par unité de PIB – 0.07 % du PIB en 2013 – loin derrière le Kenya (3.45 %), l’Ouganda (0.90 %), le Nigeria (0.58 %) ou encore le Ghana (0.45 %) (CAHF 2014).
Un foncier sécurisant rare
La rareté du foncier n’est pas seulement due au fait que Dakar soit une presqu’île. La nature juridique du foncier disponible joue un rôle tout aussi important. Selon la Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF), 95 % des terres appartiennent au domaine national, les 5 % qui restent sont partagées entre l’Etat et des tiers privés et seuls 152 000 titres fonciers sont délivrés pour les 15 millions de sénégalais. La rareté de titres sécurisants limite le foncier sur lequel des opérations immobilières peuvent être réalisées, étant donné que seuls les titres fonciers et les baux sont acceptés par les banques à titre de gage.
Une fiscalité non-incitative
La fiscalité foncière constitue un autre frein à l’augmentation de l’offre issue des promoteurs immobiliers. Le coût des matériaux de construction importés qui est enchéri en raison des taxes et droits de douane impacte directement les prix des biens immobiliers proposés. Une fois le bien construit, s’y ajoute les droits d’enregistrement qui peuvent s’élever à près de 11 % du montant de la transaction et qui représentent un frein non-négligeable à l’accès au logement par voie d’acquisition. Ces implications fiscales laissent donc la porte ouverte à l’auto-construction, qui selon la Banque Mondiale, représente plus de 80 % de la production de logements urbains au Sénégal.
L’ADOPTION DE LA COPROPRIÉTÉ, CATALYSEUR DE LA FLAMBÉE DES PRIX
L’offre et la demande n’est pas la seule raison de la hausse rapide des prix de l’immobilier à Dakar. Comme susmentionné, la valeur d’un terrain dépend également des possibilités de développement qu’offre celui-ci. Un terrain sur lequel peut être érigé un immeuble de 10 étages aura plus de valeur qu’un terrain sur lequel pèse une contrainte d’urbanisme qui limite sa hauteur à 2 étages.
Un facteur socio-économique très important a été très souvent négligé par les experts portant la thèse d’une bulle immobilière à Dakar. Jusqu’à très récemment, l’acquisition d’un bien en copropriété, d’un appartement plus spécifiquement, n’était pas chose courante à Dakar. Dès lors que les Dakarois sont à l’aise avec la perspective d’habiter en appartement, la possibilité d’élévation verticale augmente le potentiel de rendement d’un terrain et de ce fait, tout naturellement, accroît le prix de ce terrain. La construction en hauteur et l’adoption de la copropriété au Sénégal ont libéré le potentiel de développement du foncier à Dakar.
Le promoteur immobilier qui prévoit de rentabiliser en construisant un immeuble est disposé à payer plus pour un terrain comparé à celui qui veut y construire une maison. La surenchère devient de mise. De surcroît, les propriétaires terriens dans la zone alignent leur prix à la dernière vente contraignant indirectement le prochain acheteur à construire en hauteur pour pouvoir amortir le coût du foncier. Un cercle vicieux ou vertueux est ainsi créé, selon l’angle d’analyse.
Comme dans toutes les grandes villes du monde, il sera bientôt inconcevable d’acheter un terrain dans Dakar intra-muros pour ensuite y ériger une maison. La seule option qui s’offrira à la nouvelle génération sera d’acheter un appartement. Dakar est en passe de franchir une étape importante dans son processus d’affirmation en tant que métropole urbaine et il est important de le reconnaître.
En conclusion
Il est avéré que les prix des biens immobiliers connaissent une croissance vertigineuse et que la spéculation de la part de certains accentue cette hausse. Néanmoins, les Dakarois, dans la majorité des cas, achètent soit pour se loger, soit pour investir avec une perspective à long-terme, sans s’inscrire réellement dans une logique d’opération financière. De plus, le fossé grandissant entre l’offre et la demande est bien trop considérable à Dakar pour qu’une bulle immobilière puisse s’établir. Il n’y a aucun signe nous permettant d’envisager une résorption rapide de cet écart. A cela s’ajoute le fait que le potentiel de développement du foncier à Dakar a été multiplié par l’adoption de la copropriété par les Dakarois, ce qui va continuer à soutenir le prix du foncier dans la région. Tous ces éléments sont autant d’arguments qui discréditent la thèse d’une bulle immobilière à Dakar. En d’autre termes, si vous désirez investir dans l’immobilier à Dakar, c’est maintenant et non dans un futur hypothétique où l’éclatement d’une bulle immobilière ramènerait les prix à des niveaux plus sensibles à vos goûts.
Par Pape Makhtar DIOP - Fondateur de Jiwall
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