Il est un débat important qui se déroule actuellement au Sénégal dont la majeure partie des citoyens, avertis comme non avertis, ne se concentre que sur la réduction du mandat présidentiel qui, outre son intérêt pour les professionnels politiques et particulièrement les aspirants au pouvoir, ne concerne pas directement les sénégalais - même si le sénégalais, ce que je peux comprendre parfaitement, s'attache à la parole donnée.
Il est du devoir de chacun, surtout des hommes politiques ayant pour mission de participer au débat national et de contribuer à la construction et à l'évolution de la démocratie sénégalaise, de sonner l'alerte et de poser les vraies questions en vue de proposer de véritables solutions viables et durables.
Nous sommes d'emblée d'accord qu'une parole donnée par n'importe quelle personne doit être respectée d'autant plus que le promettant ne l'a pas fait sous contrainte ou menace et qu'aucune circonstance particulière ne vienne le disculper ou dispenser de la responsabilité et de l'obligation de la réaliser. A plus forte raison la parole, donnée par le Président de la République qui, non seulement, est sacrée mais aussi engage le Sénégal et les sénégalais. Aussi le Président Macky SALL doit-il respecter sa parole en ramenant le mandat de 7 à 5 ans - et ne sera point applaudit pour cela puisque nous considérons tous que le Président du Sénégal est un citoyen responsable.
Cependant, je suis sceptique face à tout ce cinéma fait pour une simple réforme constitutionnelle. J'ai tendance à pronostiquer que le Président de la République va peut être réduire le mandat à 5 ans mais, tels que les événements se déroulent actuellement, il est peu probable qu'il y ait élection en 2017 pour la seule et simple raison que le Sénégal ne peut pas organiser deux élections successives en une ou deux années.
Ce qui risque de se passer, c'est que le Président dira aux sénégalais que « ma parole est respectée mais le temps ne nous permet pas d'aller en élection; donc je demanderai aux parlementaires («ma majorité») de voter une loi de prorogation des mandats présidentiel et des députés » . Ainsi, d'une part, sur le plan juridique et face à l'opinion, le mandat est réduit (respect de la parle donnée)et, d'autre part, dans les faits, le résultat reste le même car il aura gouverné au mieux 6 ans ou au pire sept ans.
Hypothèse très habile. C'est là où j'estime que la réforme doit aller plus loin en fixant dans la Constitution la date des élections présidentielles après chaque quinquennat permettant ainsi une sécurité juridique et une stabilité institutionnelle qui permettront aux sénégalais de ne plus perdre de temps sur le contentieux électoral et de se concentrer sur le Sénégal et son avenir. Ce sera une «réforme consolidante» pour paraphraser le professeur Ismaïla Madir FALL qui réglera définitivement cette question.
L'argument de se conformer urbi et orbi à l'avis du Conseil constitutionnel brandi par le Président de la République n'est pas pertinent car l'article 51 de la Charte fondamentale dans son alinéa premier dispose: «le Président de la République peut, après avoir recueilli l'avis du Président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnel.» L'utilisation du verbe «pouvoir» par le constituant montre que c'est un avis consultatif car vouloir défendre le contraire reviendrait à affirmer que l'avis du Président l'Assemblée nationale devient conforme. Ce qui est aberrant au regard de la séparation des pouvoirs
Deuxième point, qui me semble important dans ce projet de réforme constitutionnelle proposé par le Président de la République, c'est la disposition relative au Conseil constitutionnel. Ce dernier est l'organe chargé de contrôler le Parlement, c'est à dire la conformité des lois par rapport à la loi fondamentale qui est la Constitution.
A cet égard, la réforme propose d'élargir ses membres de 5 à 7 en permettant ainsi au Président de l'Assemblée nationale de proposer deux des membres au Président qui les nomme tous.
Pour moi, le problème de cette institution capitale pour tout État de droit, ce n'est pas le nombre de ses membres mais plutôt le mode désignation de ses membres et la durée de leur mandat qui compromettent véritablement leur indépendance et leur impartialité. En effet, le Conseil constitutionnel est une institution dont tous ses membres sont nommés discrétionnairement par le Président de la République pour une durée de 6 ans renouvelable. Comment dans ces conditions, veut-on qu'ils soient impartiaux et indépendants afin de mener leur mission de juge avec rigueur ?
Cette réforme devait permettre, oui, au Président de l'Assemblée nationale de désigner au même titre que le Président de la République les membres du conseil et inscrire le mandat à vie du Président du Conseil constitutionnel- pour garantir son indépendance, son impartialité afin de bien mener sa mission, de défendre les libertés, les principes sur lesquels reposent la démocratie sénégalaise- et non d'être à la merci des hommes politiques épris de pouvoir qui n'hésiteront pas à brandir le chantage de la révocation pour avoir la légitimation d'un Conseil qui n'est en réalité qu'une chambre d’enregistrement.
Par ailleurs, la Commission Nationale des Réformes des Institutions (CNRI), en charge des réformes institutionnelles, avançait -pour défendre l'utilité et la nécessité de la réforme- qu' «une seule conviction unanimement partagée au Sénégal comme ailleurs : la maturité démocratique du Sénégal est réelle et ne fait aucun doute. En sont une éloquente illustration, l’ancrage de notre tradition électorale pluraliste, gage de stabilité du régime politique sénégalais, le respect et la garantie des droits humains, la permanence de l’harmonie ethnique et confessionnelle, les successions pacifiques à la tête de l’État, qui sont aujourd’hui le secret de la socialisation de nos valeurs démocratiques.»
C'est en cela que je m'inscris en faux totalement avec ces allégations. «La maturité démocratique» n'a pas et ne saurait avoir comme curseur l'énumération, purement verbale, de certaines apparences sociales ou politiques qui reste à démontrer comme preuves intangibles. Cette pétition de principe n'honore pas ses auteurs.
En effet, la maturité démocratique se mesure dans les faits- que constitue le vécu quotidien des sénégalais-et non dans les mots.
«Le respect et la garantie des droits humains» ,par exemple, ne doit pas être une vaine expression mais mesurée à l'aune des faits. Au Sénégal, nous savons que beaucoup de citoyens croupissent actuellement en prison sans jugement depuis des années. Il y a actuellement des détentions arbitraires et parfois ce que les sénégalais qualifient de justice à trois vitesses: pour les pauvres, les politiques (le cas de Barthélémy DIAZ) et les privilégiés (riches et personnalités publiques). Cette quotidienneté des sénégalais ne reflète guère de la situation que décrit le représentant de la CNRI.
Je souhaite qu'il y ait des garanties institutionnelles permettant la mise en œuvre et l'application des principes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme: le droit au juge, le droit à une justice de qualité, droit à l'égalité des armes, le droit à un jugement dans un délai raisonnable, la protection des droits de la défense, le droit à la présomption d'innocence et j'en passe.
Il y a des sénégalais détenus et libérés sur le fond de liberté provisoire qui devient définitive sans jugement ni aucune forme de procès. De même, il y a des citoyens détenus provisoirement de manière trop longue et leur présentation devant le juge aboutit à une relaxe pure et simple.
Voilà la situation qui pourrait servir à mesurer le respect du Sénégal aux droits humains et les libertés fondamentales et individuelles.
Je voudrais, tout au plus, rappeler au Président, que la Constitution est sacrée. Elle est sacrée parce qu'elle intangible, inviolable et doit inspirer crainte et respect. Aussi, la Constitution n'appartient à aucune instance de la République. Elle doit être établie exclusivement dans l'intérêt supérieur de la nation sénégalaise.
J'espère que cette contribution, comme d'autres, participera à élever le débat et dynamiser la construction de la démocratie sénégalaise.
Cheikh DRAME alias Cheikh Nioro
membre de REWMI France
(cheikh.drame0@gmail.com)
Il est du devoir de chacun, surtout des hommes politiques ayant pour mission de participer au débat national et de contribuer à la construction et à l'évolution de la démocratie sénégalaise, de sonner l'alerte et de poser les vraies questions en vue de proposer de véritables solutions viables et durables.
Nous sommes d'emblée d'accord qu'une parole donnée par n'importe quelle personne doit être respectée d'autant plus que le promettant ne l'a pas fait sous contrainte ou menace et qu'aucune circonstance particulière ne vienne le disculper ou dispenser de la responsabilité et de l'obligation de la réaliser. A plus forte raison la parole, donnée par le Président de la République qui, non seulement, est sacrée mais aussi engage le Sénégal et les sénégalais. Aussi le Président Macky SALL doit-il respecter sa parole en ramenant le mandat de 7 à 5 ans - et ne sera point applaudit pour cela puisque nous considérons tous que le Président du Sénégal est un citoyen responsable.
Cependant, je suis sceptique face à tout ce cinéma fait pour une simple réforme constitutionnelle. J'ai tendance à pronostiquer que le Président de la République va peut être réduire le mandat à 5 ans mais, tels que les événements se déroulent actuellement, il est peu probable qu'il y ait élection en 2017 pour la seule et simple raison que le Sénégal ne peut pas organiser deux élections successives en une ou deux années.
Ce qui risque de se passer, c'est que le Président dira aux sénégalais que « ma parole est respectée mais le temps ne nous permet pas d'aller en élection; donc je demanderai aux parlementaires («ma majorité») de voter une loi de prorogation des mandats présidentiel et des députés » . Ainsi, d'une part, sur le plan juridique et face à l'opinion, le mandat est réduit (respect de la parle donnée)et, d'autre part, dans les faits, le résultat reste le même car il aura gouverné au mieux 6 ans ou au pire sept ans.
Hypothèse très habile. C'est là où j'estime que la réforme doit aller plus loin en fixant dans la Constitution la date des élections présidentielles après chaque quinquennat permettant ainsi une sécurité juridique et une stabilité institutionnelle qui permettront aux sénégalais de ne plus perdre de temps sur le contentieux électoral et de se concentrer sur le Sénégal et son avenir. Ce sera une «réforme consolidante» pour paraphraser le professeur Ismaïla Madir FALL qui réglera définitivement cette question.
L'argument de se conformer urbi et orbi à l'avis du Conseil constitutionnel brandi par le Président de la République n'est pas pertinent car l'article 51 de la Charte fondamentale dans son alinéa premier dispose: «le Président de la République peut, après avoir recueilli l'avis du Président de l'Assemblée nationale et du Conseil constitutionnel, soumettre tout projet de loi constitutionnel.» L'utilisation du verbe «pouvoir» par le constituant montre que c'est un avis consultatif car vouloir défendre le contraire reviendrait à affirmer que l'avis du Président l'Assemblée nationale devient conforme. Ce qui est aberrant au regard de la séparation des pouvoirs
Deuxième point, qui me semble important dans ce projet de réforme constitutionnelle proposé par le Président de la République, c'est la disposition relative au Conseil constitutionnel. Ce dernier est l'organe chargé de contrôler le Parlement, c'est à dire la conformité des lois par rapport à la loi fondamentale qui est la Constitution.
A cet égard, la réforme propose d'élargir ses membres de 5 à 7 en permettant ainsi au Président de l'Assemblée nationale de proposer deux des membres au Président qui les nomme tous.
Pour moi, le problème de cette institution capitale pour tout État de droit, ce n'est pas le nombre de ses membres mais plutôt le mode désignation de ses membres et la durée de leur mandat qui compromettent véritablement leur indépendance et leur impartialité. En effet, le Conseil constitutionnel est une institution dont tous ses membres sont nommés discrétionnairement par le Président de la République pour une durée de 6 ans renouvelable. Comment dans ces conditions, veut-on qu'ils soient impartiaux et indépendants afin de mener leur mission de juge avec rigueur ?
Cette réforme devait permettre, oui, au Président de l'Assemblée nationale de désigner au même titre que le Président de la République les membres du conseil et inscrire le mandat à vie du Président du Conseil constitutionnel- pour garantir son indépendance, son impartialité afin de bien mener sa mission, de défendre les libertés, les principes sur lesquels reposent la démocratie sénégalaise- et non d'être à la merci des hommes politiques épris de pouvoir qui n'hésiteront pas à brandir le chantage de la révocation pour avoir la légitimation d'un Conseil qui n'est en réalité qu'une chambre d’enregistrement.
Par ailleurs, la Commission Nationale des Réformes des Institutions (CNRI), en charge des réformes institutionnelles, avançait -pour défendre l'utilité et la nécessité de la réforme- qu' «une seule conviction unanimement partagée au Sénégal comme ailleurs : la maturité démocratique du Sénégal est réelle et ne fait aucun doute. En sont une éloquente illustration, l’ancrage de notre tradition électorale pluraliste, gage de stabilité du régime politique sénégalais, le respect et la garantie des droits humains, la permanence de l’harmonie ethnique et confessionnelle, les successions pacifiques à la tête de l’État, qui sont aujourd’hui le secret de la socialisation de nos valeurs démocratiques.»
C'est en cela que je m'inscris en faux totalement avec ces allégations. «La maturité démocratique» n'a pas et ne saurait avoir comme curseur l'énumération, purement verbale, de certaines apparences sociales ou politiques qui reste à démontrer comme preuves intangibles. Cette pétition de principe n'honore pas ses auteurs.
En effet, la maturité démocratique se mesure dans les faits- que constitue le vécu quotidien des sénégalais-et non dans les mots.
«Le respect et la garantie des droits humains» ,par exemple, ne doit pas être une vaine expression mais mesurée à l'aune des faits. Au Sénégal, nous savons que beaucoup de citoyens croupissent actuellement en prison sans jugement depuis des années. Il y a actuellement des détentions arbitraires et parfois ce que les sénégalais qualifient de justice à trois vitesses: pour les pauvres, les politiques (le cas de Barthélémy DIAZ) et les privilégiés (riches et personnalités publiques). Cette quotidienneté des sénégalais ne reflète guère de la situation que décrit le représentant de la CNRI.
Je souhaite qu'il y ait des garanties institutionnelles permettant la mise en œuvre et l'application des principes de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme: le droit au juge, le droit à une justice de qualité, droit à l'égalité des armes, le droit à un jugement dans un délai raisonnable, la protection des droits de la défense, le droit à la présomption d'innocence et j'en passe.
Il y a des sénégalais détenus et libérés sur le fond de liberté provisoire qui devient définitive sans jugement ni aucune forme de procès. De même, il y a des citoyens détenus provisoirement de manière trop longue et leur présentation devant le juge aboutit à une relaxe pure et simple.
Voilà la situation qui pourrait servir à mesurer le respect du Sénégal aux droits humains et les libertés fondamentales et individuelles.
Je voudrais, tout au plus, rappeler au Président, que la Constitution est sacrée. Elle est sacrée parce qu'elle intangible, inviolable et doit inspirer crainte et respect. Aussi, la Constitution n'appartient à aucune instance de la République. Elle doit être établie exclusivement dans l'intérêt supérieur de la nation sénégalaise.
J'espère que cette contribution, comme d'autres, participera à élever le débat et dynamiser la construction de la démocratie sénégalaise.
Cheikh DRAME alias Cheikh Nioro
membre de REWMI France
(cheikh.drame0@gmail.com)
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