
« Ce qui est décrit dans ce livre correspond-il à la réalité ? »
Cet article part d’une petite anecdote que je vais brièvement vous raconter : le samedi 13 mai 2017, lorsque je quittai la cérémonie de dédicaces du livre de Ousmane Sonko intitulé « Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d’une spoliation », sur le chemin du retour, je pris la ligne 12 du réseau métro parisien. Comme je devais faire quarante minutes de trajet avant d’arriver à destination, le seul moyen de desserrer l’étreinte et d’oublier le temps dans cette station métro quasi-antre, fut de me pencher sur le livre en question que je venais nouvellement d’acquérir. Lorsque je commençai à lire l’ouvrage en question, un monsieur assis à côté de moi jetait son regard sur les pages, à mon insu. Ayant une lecture un peu rapide, je tournai les pages du livre en les parcourant du regard jusqu’à arriver sur les « onze compagnies pétrolières qui opèrent au Sénégal en exploration-production des hydrocarbures ». Avec tout ce qu’il avait pu « squatter » dans ce livre, le monsieur se montra d’une humeur abasourdie et ne put s’empêcher de me poser la question sur un ton mièvre et hésitant : « dites-moi, est-ce que réellement ce qui est décrit dans ce livre est une réalité ? ». Je lui réponds sans hésiter : « il me semble que c’est une réalité, ce n’est pas un roman fiction ». Et la discussion tourna sur le paradoxe entre la galère des immigrés en Europe et toutes ces richesses dont dispose le Sénégal. J’essayai de lui expliquer que ces découvertes sont un peu récentes et on ne sait pas trop à qui profitera ces ressources. Cette question interpellative me conduit à réfléchir sur la finalité de ces ressources énergétiques en trois points :
Il est aussi impossible de parler d’activité humaine, de travail sans penser à la puissance énergétique. L’énergie est elle-même, selon le dictionnaire Robert, dérivée du latin « energeia » qui signifie travail. Il est défini comme « le caractère d’un système matériel capable de produire du travail ». La notion d’énergie est ainsi souvent assimilée à la notion de travail. Rappelons qu’en physique le « travail » désigne l’effort nécessaire pour déplacer un poids, en d’autres termes, « le produit d’une force par le déplacement de son point d’application »[[3]]url:#_ftn3 . L’énergie c’est le mouvement, c’est la vie. La célèbre formule[[4]]url:#_ftn4 E=mc2 d’Albert Einstein (1905) ne fait que confirmer cette assertion. En effet pour lui sans énergie il n’y a pas de matière et sans matière on ne peut pas parler d’univers. L’énergie est ainsi « la grandeur qui représente la capacité d’un système à produire du mouvement. Dans la notion d’énergie, il y a donc non seulement le mouvement lui-même, mais également la capacité à en créer ».[[5]]url:#_ftn5 Un pays en manque d’énergie est forcément un pays en déficit de dynamisme, de mouvement économique. L’énergie est partout présente : le transport, l’industrie, l’agriculture, la pêche, bref, dans tous les secteurs. L’énergie et le développement économique sont naturellement les deux faces d’une même pièce de monnaie.
Dans ces dernières décennies, le manque d’exploitation de nos ressources en énergie conduit le gouvernement à se tourner vers l’importation du pétrole, représentant un véritable investissement financier. Selon un diagnostic fait par le ministère de l’énergie au Sénégal, les importations de produits pétroliers ont augmenté de près de 24 % en volume et de plus de 78 % en valeur financière entre 2000 (184 Milliards FCFA) et 2005 (327 Milliards FCFA)[[6]]url:#_ftn6 . Le ratio (Importation produits pétroliers/Total des exportations) est passé de 37,4 % en 2000 à 42,9 % en 2005. Ainsi, plus de 42 % des revenus d’exportation servent à couvrir l’approvisionnement du Sénégal en produits pétroliers.
Nous vivons un Sénégal où l’espoir a tendance à s’effriter, un Sénégal où le sens du patriotisme est classé en bas de l’échelle de l’éthique et de la morale. Le sujet n’est plus le dépositaire des valeurs sociales. C’est pourquoi la plupart des jeunes assimilent leur pays à la misère, à une sorte de prison où ils sont appelés à subir une mort lente et discrète. Donc quitter le pays pour fuir cette mort est un crédo pour eux. Mourir de honte, mourir de manque de dignité, mourir de misère devant des gens qui ne prennent pas au sérieux leurs véritables souffrances. Pour ne pas mener une vie sordide, ils préfèrent se révolter pour manifester leur existence, contre la honte, contre tous ceux qui veulent les réduire à des jouets, à l’état de composante de leur propre désir, de leurs propres intérêts. Le véritable danger ce n’est pas l’immigration clandestine en tant que telle, mais ce sont les causes de ce phénomène. Car l’immigration clandestine est la conséquence d’un cumul d’échecs de plusieurs systèmes sociopolitiques qui gangrènent la population sénégalaise. La corruption, les conséquences liées à la précarité des conditions de vie, les injustices subies par les populations, la mal gouvernance et l’échec des politiques publiques d’emploi, associés au mal être des jeunes qui démystifient leurs gouvernants, le rapport de coopération Nord/Sud, sont autant de facteurs qui expliquent la montée en puissance de ce phénomène.
Si le livre de Ousmane Sonko décrit la réalité, il est du devoir de tout citoyen de conscientiser la masse populaire, en se positionnant comme sentinelle avisée de la justice pour la démocratisation du partage des biens nationaux et la bonne gestion de nos ressources énergétiques.
El Hadji Séga GUEYE
Docteur-chercheur en sociologie- Expert et formateur en ingénierie sociale et médico-sociale à l’IRTS et à l’IRFASE (France)
E-mail : sgueye9@gmail.com
Cet article part d’une petite anecdote que je vais brièvement vous raconter : le samedi 13 mai 2017, lorsque je quittai la cérémonie de dédicaces du livre de Ousmane Sonko intitulé « Pétrole et gaz au Sénégal. Chronique d’une spoliation », sur le chemin du retour, je pris la ligne 12 du réseau métro parisien. Comme je devais faire quarante minutes de trajet avant d’arriver à destination, le seul moyen de desserrer l’étreinte et d’oublier le temps dans cette station métro quasi-antre, fut de me pencher sur le livre en question que je venais nouvellement d’acquérir. Lorsque je commençai à lire l’ouvrage en question, un monsieur assis à côté de moi jetait son regard sur les pages, à mon insu. Ayant une lecture un peu rapide, je tournai les pages du livre en les parcourant du regard jusqu’à arriver sur les « onze compagnies pétrolières qui opèrent au Sénégal en exploration-production des hydrocarbures ». Avec tout ce qu’il avait pu « squatter » dans ce livre, le monsieur se montra d’une humeur abasourdie et ne put s’empêcher de me poser la question sur un ton mièvre et hésitant : « dites-moi, est-ce que réellement ce qui est décrit dans ce livre est une réalité ? ». Je lui réponds sans hésiter : « il me semble que c’est une réalité, ce n’est pas un roman fiction ». Et la discussion tourna sur le paradoxe entre la galère des immigrés en Europe et toutes ces richesses dont dispose le Sénégal. J’essayai de lui expliquer que ces découvertes sont un peu récentes et on ne sait pas trop à qui profitera ces ressources. Cette question interpellative me conduit à réfléchir sur la finalité de ces ressources énergétiques en trois points :
- L’énergie et le rapport au développement économique[[1]]url:#_ftn1
Il est aussi impossible de parler d’activité humaine, de travail sans penser à la puissance énergétique. L’énergie est elle-même, selon le dictionnaire Robert, dérivée du latin « energeia » qui signifie travail. Il est défini comme « le caractère d’un système matériel capable de produire du travail ». La notion d’énergie est ainsi souvent assimilée à la notion de travail. Rappelons qu’en physique le « travail » désigne l’effort nécessaire pour déplacer un poids, en d’autres termes, « le produit d’une force par le déplacement de son point d’application »[[3]]url:#_ftn3 . L’énergie c’est le mouvement, c’est la vie. La célèbre formule[[4]]url:#_ftn4 E=mc2 d’Albert Einstein (1905) ne fait que confirmer cette assertion. En effet pour lui sans énergie il n’y a pas de matière et sans matière on ne peut pas parler d’univers. L’énergie est ainsi « la grandeur qui représente la capacité d’un système à produire du mouvement. Dans la notion d’énergie, il y a donc non seulement le mouvement lui-même, mais également la capacité à en créer ».[[5]]url:#_ftn5 Un pays en manque d’énergie est forcément un pays en déficit de dynamisme, de mouvement économique. L’énergie est partout présente : le transport, l’industrie, l’agriculture, la pêche, bref, dans tous les secteurs. L’énergie et le développement économique sont naturellement les deux faces d’une même pièce de monnaie.
Dans ces dernières décennies, le manque d’exploitation de nos ressources en énergie conduit le gouvernement à se tourner vers l’importation du pétrole, représentant un véritable investissement financier. Selon un diagnostic fait par le ministère de l’énergie au Sénégal, les importations de produits pétroliers ont augmenté de près de 24 % en volume et de plus de 78 % en valeur financière entre 2000 (184 Milliards FCFA) et 2005 (327 Milliards FCFA)[[6]]url:#_ftn6 . Le ratio (Importation produits pétroliers/Total des exportations) est passé de 37,4 % en 2000 à 42,9 % en 2005. Ainsi, plus de 42 % des revenus d’exportation servent à couvrir l’approvisionnement du Sénégal en produits pétroliers.
- Une prise de conscience collective et citoyenne pour protéger nos ressources et nos populations
- Le paradoxe de l’immigration
Nous vivons un Sénégal où l’espoir a tendance à s’effriter, un Sénégal où le sens du patriotisme est classé en bas de l’échelle de l’éthique et de la morale. Le sujet n’est plus le dépositaire des valeurs sociales. C’est pourquoi la plupart des jeunes assimilent leur pays à la misère, à une sorte de prison où ils sont appelés à subir une mort lente et discrète. Donc quitter le pays pour fuir cette mort est un crédo pour eux. Mourir de honte, mourir de manque de dignité, mourir de misère devant des gens qui ne prennent pas au sérieux leurs véritables souffrances. Pour ne pas mener une vie sordide, ils préfèrent se révolter pour manifester leur existence, contre la honte, contre tous ceux qui veulent les réduire à des jouets, à l’état de composante de leur propre désir, de leurs propres intérêts. Le véritable danger ce n’est pas l’immigration clandestine en tant que telle, mais ce sont les causes de ce phénomène. Car l’immigration clandestine est la conséquence d’un cumul d’échecs de plusieurs systèmes sociopolitiques qui gangrènent la population sénégalaise. La corruption, les conséquences liées à la précarité des conditions de vie, les injustices subies par les populations, la mal gouvernance et l’échec des politiques publiques d’emploi, associés au mal être des jeunes qui démystifient leurs gouvernants, le rapport de coopération Nord/Sud, sont autant de facteurs qui expliquent la montée en puissance de ce phénomène.
Si le livre de Ousmane Sonko décrit la réalité, il est du devoir de tout citoyen de conscientiser la masse populaire, en se positionnant comme sentinelle avisée de la justice pour la démocratisation du partage des biens nationaux et la bonne gestion de nos ressources énergétiques.
El Hadji Séga GUEYE
Docteur-chercheur en sociologie- Expert et formateur en ingénierie sociale et médico-sociale à l’IRTS et à l’IRFASE (France)
E-mail : sgueye9@gmail.com
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