PSE et SND, deux frères siamois ? Par Abdou Latif Coulibaly


Après le Plan Sénégal Emergent (PSE), place à la Stratégie Nationale de Développement (SND). Le document conceptuel qui le porte sera rendu public ce jeudi 26 septembre 2024. Il est identifié comme étant le projet gouvernemental de PASTEF. Il pointe, enfin, le bout du nez. On peut maintenant matériellement le saisir, au-delà de simples pétitions de principes, de professions de foi et de déclarations politiques, tous azimuts. Quelques grandes lignes de force de ce projet sont révélées par la presse. Je rédige ce texte à la lumière de ce qu’en a dit la presse nationale dans ses parutions du mercredi 25 septembre. 
 
Ce projet se présente dans un cadrage précis et chiffré. Il est surtout articulé autour d’une vision et d’axes d’intervention clairement identifiés. On peut maintenant passer à une autre étape : la présentation d’une Déclaration de Politique Générale (DPG) et le vote d’une loi de finances initiale, pour commencer la mise en œuvre du Premier Plan des Actions prioritaires (PAP), proposé par l’Etat, pour un financement de 18496 milliards FCFA. Seulement, il va falloir attendre l’installation de la prochaine législature le 17 novembre prochain, pour réaliser le travail préalable qui conditionne la mise en œuvre de cette Stratégie Nationale de Développement (SND). Nous ne ferons pas l’insulte aux nouvelles autorités, en prétendant que le nouveau référentiel des politiques publiques est une pâle copie du contenu du Plan Sénégal Emergent. Ce ne serait pas juste, encore moins honnête de dire cela. On peut cependant admettre que la conception de ce nouveau référentiel ne dépare pas trop la vision et l’orientation globale des deux premiers plans d’actions prioritaires du PSE. 
 
Visitons les fondations de ce nouveau référentiel, pour en saisir la vision qui définit son orientation et détermine ses modalités de mise en œuvre. La vision , « D'un Sénégal souverain, juste et Prospère ». Le diagnostic fait avant d’en arriver à élaborer la stratégie part d’un certain nombre de défis majeurs caractérisant l’économie sénégalaise : une économie fragile, des inégalités sociales criardes, un capital humain insuffisant, et enfin, une gouvernance à améliorer.  C’est à partir de de ces constats que les concepteurs du projet ont construit les quatre axes principaux qui organisent la démarche opérationnelle du premier plan d’actions prioritaires, pour la période 2025-2029. Les quatre axes en question sont ainsi déclinés : construire une économie compétitive ; renforcer le capital humain et favoriser l’équité sociale ; promouvoir une meilleure gouvernance ; et enfin, aménager durablement le territoire national. 

A l’arrivée, on notera, en comparaison avec les trois axes du PSE, que les quatre axes de la SND ressemblent comme deux gouttes d’eau aux trois définis dans PSE. Vous pouvez en juger vous-mêmes quand on rappellera que le PSE promettait: d’assurer une transformation structurelle de l’économie et d’assurer une croissance durable et inclusive ; de développer le capital humain, d’assurer une protection sociale dans un développement durable ; de favoriser une meilleure Gouvernance, de développer des institutions efficaces, de construire la paix et de veiller sur la sécurité. Une analyse de contenu très serrée sur les axes du PSE et de la SND, fait apparaître des similitudes, pour ne pas dire une consanguinité si marquante et frappante que l’on pourrait parler de deux frères siamois entre les deux référentiels qui se succèdent. Au-delà de la sémantique, les trois axes du PSE recoupent l’intégralité de tout ce qui est signifié à travers les quatre axes majeurs de la SND. La vérité que l’idée d’une croissance durable et inclusive (premier axe du PSE) renvoie à l’équité sociale, comme l’exprime aussi l’idée de protection sociale (deuxième axe PSE). Par ailleurs, la problématique du renforcement du capital humain s’interchange avec  les axes  de la SND.  Pour éviter de dire que la SND du Pastef est identique au PSE, on pourrait tout de même soutenir qu’elle en est une continuité assumée dans sa conceptualisation, même si je sais que pour des raisons politiques, on tentera de le réfuter, une telle hypothèse qui pourrait être jugée comme une provocation.

Pour moi, dire cela n’est nullement, tant s’en faut, une manière de railler le projet du Pastef. Au contraire, c’est plutôt rendre hommage aux concepteurs de ce nouveau Référentiel des politiques publiques au Sénégal, en ce qu’ils  ont fait preuve d’un réalisme froid qui, à mon avis, rend compte de la démarche scientifique ayant rigoureusement inspiré les travaux dans la conceptualisation du nouveau projet. 

Quand je parle de continuité assumée, j’appuie mon raisonnement sur le sens des points clairement déclinés dans le premier PAP de la SND. C’est le cas, quand les concepteurs de la SND expliquent que les secteurs prioritaires qui font l’objet de projets importants seront déclinés dans les secteurs ci-après : « Le Train express régional (Ter), Bus rapide Transit (BRT), les énergies (production de Gaz et de pétrole, accès à l’électricité), Développement de l’Education, de la Santé, la création d’industries agro-alimentaires, extractives, etc. Les actions prioritaires concernent, par ailleurs, un développement industriel cohérent qui mettent l’accent sur la mise en place de pôles industriels compétitifs répartis entre les régions de Thiès, de Kaolack, Diourbel Ziguinchor pour réduire les déséquilibres entre la capitale et le reste du pays». 

Quels modes de financements pour mettre en œuvre la SND ? A ce sujet, ses concepteurs préconisent deux modes : un financement mobilisé à l’intérieur du pays, pour assurer en partie la transformation structurelle pour un montant de l’ordre de 18.496 milliards, attendus sur la base de recettes provenant en partie, pour un montant de 12.821 milliards, de l’exploitation des ressources naturelles du pays. Celles-ci devront assurer un financement conséquent de l’économie nationale qui devrait alors enregistrer un taux de croissance annuel de l’ordre de 6,5%, dans la période allant de 2025 à 2029. Le deuxième mode de financement prévu devrait reposer sur des partenariats mettant en collaboration le public et le privé, pour un montant de l’ordre de 5.675 milliards. 

Je reviens sur l’idée que le PSE et la SND sont des frères siamois. C’est une bonne occurrence pour conduire une nouvelle politique qui devrait permettre d'éviter des chamboulements et des remises en cause d’une profondeur telle qu’elle pourrait constituer un frein majeur. Un frein qui pourrait s’avérer très préjudiciable à la marche du pays. Compte tenu des constats ci-haut décrits, ainsi que de l’appréciation positive que portent les concepteurs du projet SND sur le PSE, les nouvelles autorités auront du mal à convaincre les Sénégalais en tentant de leur faire croire qu’elles ont hérité d’un pays en ruine.  Nous insistons également sur la rigueur de la démarche des concepteurs de la SND qui semblent dire le contraire de ce que prétend l’Etat.

Ces concepteurs indiquent dans la note synthétique faite sur l’état de l’économie nationale à compter de l’année d’accession à notre indépendance, 1960. La note dit : « les pouvoirs publics se sont attelés à l’amélioration durable du bien-être des populations à travers plusieurs référentiel des politiques publiques, notamment sur les plans économique, social, afin d’améliorer le niveau de vie des citoyens ». Ces mêmes concepteurs ajoutent : « Les taux de croissance de l’économie ont oscillé entre 2,8% et 3,1%. C’est à partir de 2014, date de mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent (PSE), jusqu’en 2023, que cette croissance a été portée à 5,3 % “. J’ajoute, de façon constante. 
 
Cette période aura également consacré un développement important des infrastructures de transports, indique la note synthétique. Celle-ci relève que ce développement a conduit à la mise en place du Bus Rapide de Transport (BRT), ainsi que l’avènement du Train Express Régional (TER). La note relève pour le compte du PSE, la réalisation de 3 328 km de routes asphaltées. Les rédacteurs de la note ne s’en arrêtent pas là. Ils ont également relevé les réalisations concernant les ponts et autres autoponts construits et ont aussi coché, en matière d’énergie, le doublement de la puissance électrique qui passe de 750 mégas, en 2O12 (1960-2012) à 1500 mégas en 2024. Sans compter la hausse de 24% de l’accès à l’électricité. Les rédacteurs oublient, toutefois, de dire un mot sur l’électrification rurale qui fait un bon spectaculaire entre 2014 et 2023. 

C’est dans un tel contexte économique que le Premier ministre a été commis, par le Chef de l’Etat, pour renseigner les populations sénégalaises sur l’état de ruine de notre pays. La tâche risque de ne pas être facile, sauf si cet exercice ne se résume pas à la lecture d’un document pamphlétaire, modèle achevé d’un réquisitoire politique, prélude de la tonalité que l’on compte imprimer à la prochaine campagne électorale. 

Je me pose la question de savoir quelle sera l’utilité d’un tel exercice ? Les citoyens auxquels cet exercice s’adresse savent, aujourd’hui, à quoi s'en tenir. Conçu à des fins de propagande politique, dans un contexte électoral, cela peut rassurer certains esprits des fidèles du pouvoir. Tant mieux pour eux, alors ! Sauf que la réalité économique vécue laisse voir de réelles difficultés quelque peu affligeantes dans le quotidien des Sénégalais. 
Jeudi 26 Septembre 2024
Dakaractu



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