L’annonce de la mort du président tchadien, le maréchal Idriss Deby Itno, ce mardi 20 avril a pris tout le monde de court. La nouvelle est tombée au lendemain de la proclamation des résultats attribuant 79% des suffrages lors de la dernière présidentielle. Comment un homme qui vient d’être réélu démocratiquement peut-il trouver la mort au front comme annoncé par les militaires qui ont pris le pouvoir ce mardi 20 avril ? «Le président de la République, chef de l'État, chef suprême des armées, Idriss Déby Itno, vient de connaître son dernier souffle en défendant l'intégrité territoriale sur le champ de bataille. C'est avec une profonde amertume que nous annonçons au peuple tchadien le décès ce mardi 20 avril 2021 du maréchal du Tchad», a annoncé le porte-parole de l'armée, le général Azem Bermandoa Agouna, dans un communiqué lu à l'antenne de TV Tchad. Depuis le 11 avril, des rebelles appartenant au Front pour l'Alternance et la Concorde au Tchad (FACT) ont lancé une offensive depuis le nord pour mettre fin aux 30 ans de règne sans partage du président Deby.
Dans un entretien avec Dakaractu, Alioune Tine parle d’un «vrai paradoxe des démocraties d’imposture prises dans leur propre piège». «L’élection n’est qu’un rituel pour conférer une légitimité tout à fait formelle. La réalité, c'est des régimes militaires qui ont pris le pouvoir par la force et qui s’y maintiennent par la force. Sinon le paradoxe est là, déclaré vainqueur de l’élection présidentielle la veille, il meurt le lendemain au front après 6 mandats à la tête du Tchad», constate froidement le directeur du think thank Afrikajom Center. Un système de gouvernance qui n’est pas prêt de changer. À peine décédé, le maréchal Idriss Deby a été remplacé par un conseil militaire de transition dont le chef n’est personne d’autre que son fils Idriss Mahamat Deby Itno. Installé dans ses nouvelles fonctions de chef d’Etat, il revient au tout puissant commandant de la garde présidentielle de gouverner le Tchad pendant au moins 18 mois selon les premières décisions rendues publiques ce mardi 20 avril. «On a court-circuité tous les moyens constitutionnels d’assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir. C’est un coup d’Etat qui intervient en pleine élection présidentielle et en pleine guerre civile», dénonce vigoureusement l’ancien patron de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme.
En son article 81, la Constitution tchadienne de 2018 dit qu’ «en cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d'empêchement définitif constaté par la Cour Suprême saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du Président de la République, à l'exception des pouvoirs prévus aux articles 85, 88, 95 et 96 sont provisoirement exercées par le Président de l'Assemblée Nationale et, en cas d'empêchement de ce dernier, par le 1er Vice-président». La même disposition ajoute que «Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections présidentielles quarante cinq (45) jours au moins et quatre vingt dix (90) jours au plus, après l'ouverture des vacances». L'article 82 organise les prérogatives du président intérimaire. Il est retenu qu’il assure les fonctions de président de la République, mais il ne peut ni démettre le gouvernement, ni procéder à la révision de la Constitution, ni dissoudre l’Assemblée nationale. Des décisions que le Conseil militaire de transition n’a pas tardé à prendre au nom de la sécurité nationale. Sauf que ce procédé consistant à contourner la Constitution pour installer des régimes militaires fait planer sur le continent le retour des coups d’Etat militaires comme dans les années 60.
Pour expliquer la prise du pouvoir par les militaires suite à la mort d’Idriss Deby, le Conseil militaire de transition convoque la nécessité «d’assurer la défense de notre cher pays dans cette situation de guerre contre le terrorisme et les forces du mal afin d’assurer la continuité de l’Etat».
La junte nouvellement installée s’appuie aussi sur l’obligation du Tchad de respecter ses engagements «au service du panafricanisme et de la Paix» pour légitimer son coup. Mais sera-t-elle en mesure de maintenir le cap, surtout dans la lutte contre le terrorisme au Sahel? Alioune Tine est sceptique.
«La menace sur le pouvoir actuel n’est pas une fiction. La première des choses qu’on observe, c’est le coup d'État militaire du clan Deby, qui installe le fils Mahamat Idriss Deby à la tête du pouvoir, la dissolution du Gouvernement et du Parlement. Dans ce contexte, l'intérêt lié à la sécurisation du pouvoir pourrait conduire au retrait des troupes du Mali, du Niger et peut-être du Bassin du Lac Tchad. D’ailleurs, hier on a annoncé le retrait des troupes du Sahel», observe le Directeur d’Afrikajom center.
L’engagement du Tchad pour la stabilisation du Sahel est réel. Souligné par le président du Sénégal dans les condoléances qu’il a présentées au peuple tchadien, ledit engagement est prouvé en février par l’envoi de 1200 soldats tchadiens à la zone des trois frontières où les armées malienne, nigérienne et burkinabè ont subi des pertes importantes en 2019. Ce déploiement qui répond à un impératif de maintenir la pression sur la branche sahélienne de l’Etat islamique, aux côtés des troupes régionales et de l’opération Barkhane. La France se souvient d’un «grand soldat» et d’un «président qui a œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et de la stabilité de la région».
Ce n’est pas seulement dans la zone des trois frontières que les contrecoups de la nouvelle donne risquent d’être ressentis. Chercheur au CNRS et spécialiste de l’insurrection jihadiste dans le nord du Nigeria, Vincent Foucher redoute des répercussions dans cette partie du continent africain. « Le Nigeria attendait depuis quelque temps le retour des troupes tchadiennes au Borno, pour l’aider contre les factions de Boko Haram, notamment contre l’Iswap (Province de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest), très active en ce moment. Avec la mort de Déby, l’incertitude liée à sa succession et la rébellion du FACT (Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad) qui gagne en crédibilité, il est probable que les forces de défense tchadiennes vont se recentrer sur les questions internes, peut-être même alléger leur déploiement dans la province du Lac Tchad » analyse le chercheur qui n’exclut pas « l’utilisation de cette brèche par l’une ou l’autre faction de Boko Haram pour tenter des coups côté tchadien». En mars 2020, l’armée tchadienne avait subi de lourdes pertes à Bohoma, dans une attaque revendiquée par Boko Haram au nom de sa branche lacustre dirigée par Ibrahim Bakura. Près de 100 soldats avaient perdu la vie dans cette action.
L’autre inquiétude de Vincent Foucher est de voir des « Tchadiens démobilisés de Boko Haram rejoindre un des camps dans le nouveau conflit tchadien ». Les nouvelles autorités tchadiennes ont du pain sur la planche. Elles peuvent déjà compter sur ce qui ressemble fort à un blanc-seing de Paris qui «prend acte de la mise en place d’un Conseil militaire de transition» et ne demande pas plus qu’une transition pacifique. Pour le moment...
Dans un entretien avec Dakaractu, Alioune Tine parle d’un «vrai paradoxe des démocraties d’imposture prises dans leur propre piège». «L’élection n’est qu’un rituel pour conférer une légitimité tout à fait formelle. La réalité, c'est des régimes militaires qui ont pris le pouvoir par la force et qui s’y maintiennent par la force. Sinon le paradoxe est là, déclaré vainqueur de l’élection présidentielle la veille, il meurt le lendemain au front après 6 mandats à la tête du Tchad», constate froidement le directeur du think thank Afrikajom Center. Un système de gouvernance qui n’est pas prêt de changer. À peine décédé, le maréchal Idriss Deby a été remplacé par un conseil militaire de transition dont le chef n’est personne d’autre que son fils Idriss Mahamat Deby Itno. Installé dans ses nouvelles fonctions de chef d’Etat, il revient au tout puissant commandant de la garde présidentielle de gouverner le Tchad pendant au moins 18 mois selon les premières décisions rendues publiques ce mardi 20 avril. «On a court-circuité tous les moyens constitutionnels d’assurer l’intérim en cas de vacance du pouvoir. C’est un coup d’Etat qui intervient en pleine élection présidentielle et en pleine guerre civile», dénonce vigoureusement l’ancien patron de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme.
En son article 81, la Constitution tchadienne de 2018 dit qu’ «en cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d'empêchement définitif constaté par la Cour Suprême saisie par le Gouvernement et statuant à la majorité absolue de ses membres, les attributions du Président de la République, à l'exception des pouvoirs prévus aux articles 85, 88, 95 et 96 sont provisoirement exercées par le Président de l'Assemblée Nationale et, en cas d'empêchement de ce dernier, par le 1er Vice-président». La même disposition ajoute que «Dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections présidentielles quarante cinq (45) jours au moins et quatre vingt dix (90) jours au plus, après l'ouverture des vacances». L'article 82 organise les prérogatives du président intérimaire. Il est retenu qu’il assure les fonctions de président de la République, mais il ne peut ni démettre le gouvernement, ni procéder à la révision de la Constitution, ni dissoudre l’Assemblée nationale. Des décisions que le Conseil militaire de transition n’a pas tardé à prendre au nom de la sécurité nationale. Sauf que ce procédé consistant à contourner la Constitution pour installer des régimes militaires fait planer sur le continent le retour des coups d’Etat militaires comme dans les années 60.
Pour expliquer la prise du pouvoir par les militaires suite à la mort d’Idriss Deby, le Conseil militaire de transition convoque la nécessité «d’assurer la défense de notre cher pays dans cette situation de guerre contre le terrorisme et les forces du mal afin d’assurer la continuité de l’Etat».
La junte nouvellement installée s’appuie aussi sur l’obligation du Tchad de respecter ses engagements «au service du panafricanisme et de la Paix» pour légitimer son coup. Mais sera-t-elle en mesure de maintenir le cap, surtout dans la lutte contre le terrorisme au Sahel? Alioune Tine est sceptique.
«La menace sur le pouvoir actuel n’est pas une fiction. La première des choses qu’on observe, c’est le coup d'État militaire du clan Deby, qui installe le fils Mahamat Idriss Deby à la tête du pouvoir, la dissolution du Gouvernement et du Parlement. Dans ce contexte, l'intérêt lié à la sécurisation du pouvoir pourrait conduire au retrait des troupes du Mali, du Niger et peut-être du Bassin du Lac Tchad. D’ailleurs, hier on a annoncé le retrait des troupes du Sahel», observe le Directeur d’Afrikajom center.
L’engagement du Tchad pour la stabilisation du Sahel est réel. Souligné par le président du Sénégal dans les condoléances qu’il a présentées au peuple tchadien, ledit engagement est prouvé en février par l’envoi de 1200 soldats tchadiens à la zone des trois frontières où les armées malienne, nigérienne et burkinabè ont subi des pertes importantes en 2019. Ce déploiement qui répond à un impératif de maintenir la pression sur la branche sahélienne de l’Etat islamique, aux côtés des troupes régionales et de l’opération Barkhane. La France se souvient d’un «grand soldat» et d’un «président qui a œuvré sans relâche pour la sécurité du pays et de la stabilité de la région».
Ce n’est pas seulement dans la zone des trois frontières que les contrecoups de la nouvelle donne risquent d’être ressentis. Chercheur au CNRS et spécialiste de l’insurrection jihadiste dans le nord du Nigeria, Vincent Foucher redoute des répercussions dans cette partie du continent africain. « Le Nigeria attendait depuis quelque temps le retour des troupes tchadiennes au Borno, pour l’aider contre les factions de Boko Haram, notamment contre l’Iswap (Province de l’Etat islamique en Afrique de l’Ouest), très active en ce moment. Avec la mort de Déby, l’incertitude liée à sa succession et la rébellion du FACT (Front pour l’Alternance et la Concorde au Tchad) qui gagne en crédibilité, il est probable que les forces de défense tchadiennes vont se recentrer sur les questions internes, peut-être même alléger leur déploiement dans la province du Lac Tchad » analyse le chercheur qui n’exclut pas « l’utilisation de cette brèche par l’une ou l’autre faction de Boko Haram pour tenter des coups côté tchadien». En mars 2020, l’armée tchadienne avait subi de lourdes pertes à Bohoma, dans une attaque revendiquée par Boko Haram au nom de sa branche lacustre dirigée par Ibrahim Bakura. Près de 100 soldats avaient perdu la vie dans cette action.
L’autre inquiétude de Vincent Foucher est de voir des « Tchadiens démobilisés de Boko Haram rejoindre un des camps dans le nouveau conflit tchadien ». Les nouvelles autorités tchadiennes ont du pain sur la planche. Elles peuvent déjà compter sur ce qui ressemble fort à un blanc-seing de Paris qui «prend acte de la mise en place d’un Conseil militaire de transition» et ne demande pas plus qu’une transition pacifique. Pour le moment...
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