Loi d’amnistie : Entre abrogation et interprétation, la CNDH plaide pour un dialogue national inclusif


Alors que l’Assemblée nationale s’apprête à examiner, ce 2 avril 2025, une proposition de loi interprétative de la loi d’amnistie n°2024-09 du 13 mars 2024, la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH), en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), Amnesty International, la société civile et des parlementaires, a organisé un panel de haut niveau pour évaluer les enjeux juridiques et sociaux de ce texte controversé. Cette initiative intervient dans un contexte où la loi d’amnistie, adoptée pour apaiser les tensions post-électorales, est aujourd’hui accusée d’instaurer l’impunité et de priver les victimes de justice.  

Un flou juridique source de tensions

La proposition de loi, déposée par les députés de la mouvance présidentielle, vise à clarifier le champ d’application de l’amnistie en la limitant aux actes "exclusivement motivés par des raisons politiques". Cependant, cette précision suscite des inquiétudes : son flou juridique et son potentiel discriminatoire pourraient exclure certaines victimes ou protéger des acteurs spécifiques. Face à ces divisions, la CNDH, dirigée par la professeure Amsatou Sow Sidibé, appelle à un report du vote et prône une concertation nationale incluant autorités religieuses, coutumières et société civile.  

Responsabilités et redevabilité au cœur des débats

Lors de l’atelier, Amsatou Sow Sidibé a insisté sur la nécessité de "situer les responsabilités" et d’assurer une "redevabilité" pour les violations commises durant les violences politiques (65 morts, 2 000 arrestations). Elle a déploré l’absence de rapports d’enquête publics, un obstacle souligné également par le représentant du HCDH, Robert Kotchani, qui y voit un frein à la vérité et à la réconciliation.  

"Abroger la loi n’aurait d’effet que pour l’avenir, sauf si une réforme expresse ou une loi interprétative en corrige l’application rétroactive", a-t-elle expliqué, tout en soulignant l’absence de consensus sur la voie à suivre. Pour éviter une "dislocation sociale", elle recommande une saisine du Conseil constitutionnel et un dialogue élargi, rappelant que "la paix et la cohésion sociale doivent guider toute décision".  

Un revirement politique critiqué

Alors que le Premier ministre Ousmane Sonko avait initialement évoqué une abrogation, le projet actuel, perçu comme un revirement, cristallise les tensions. La société civile, mobilisée autour d’organisations comme le Mouvement Y’en a Marre et la Ligue sénégalaise des droits humains, exige transparence et garanties pour les victimes.  

À quelques jours de la plénière du 2 avril 2025, l’enjeu dépasse le cadre juridique : il s’agit de concilier justice transitionnelle et stabilité nationale, dans un pays où, comme le rappelle Amsatou Sow Sidibé, "tout est priorité", de l’éducation au développement.  

Alain Bonang
Jeudi 27 Mars 2025
Dakaractu



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