A l’écoute des réactions enregistrées par-ci et par-là sur le débat en cours pour le contrôle du groupe parlementaire des « libéraux et démocrates », on s’aperçoit que dans les arguments développés, il y a une confusion entretenue et les gens sont parfois trop passionnés.
Mais pour comprendre la problématique, on devrait alors remonter l’histoire de groupe parlementaire dont le Parlement français constitue une source d’inspiration pour notre pays. A ce propos, il y a un ouvrage important du droit parlementaire intitulé « Le travail parlementaire sous la cinquième République ». Il est ainsi publié par Jean pierre camby et Pierre servent qui sont respectivement professeur à la Sorbonne et ancien journaliste à la croix.
Cet ouvrage nous renseigne que le Parlement français est né sous l’emprise de vielles traditions et, à l’époque de la révolution française, les élus de la nation se regroupaient par appartenance géographique et ils se retrouvaient pour défendre les intérêts de leurs zones. C’est pourquoi dans l’hémicycle, il y avait les Girondins qui siégeaient à droite, les Modérés au centre et la Montagne à gauche.
Mais c’est bien après, à la 3éme République, il a été consacré véritablement l’existence des groupes parlementaires, cristallisant ce qui existait déjà dans les assemblées précédentes de façon plus ou moins informelle. Le 1er juillet 1910, le règlement de la chambre des députés (ex-Assemblée nationale française), reconnaissait à son sein les groupes fondés sur la base d’une appartenance « politique », il a été suivi par le Sénat français en 1921.
La Constitution de la 4éme République ira plus loin en précisant, avant la révision de décembre de 1954, la façon dont chacune des deux chambres du Parlement doit élire son bureau, en tenant compte de la représentation proportionnelle des groupes.
Bref, iI faut reconnaitre que l’Assemblée nationale du Sénégal a repris les mêmes textes du Parlement français. Il y a des similarités sur son règlement intérieur et sur les dispositions de notre constitution concernant l’institution parlementaire. Mais la différence est que le processus de révision ou de réforme des textes en France est très dynamique contrairement à notre pays.
Par exemple, le président du groupe au Parlement français est maintenant élu par ses pairs au bulletin secret, avant c’était une désignation faite comme c’est le cas actuellement pour notre Assemblée nationale (voir l’art.20 alinéa 2 du règlement intérieur). En 1988, Philippe Séguin fut battu à la présidence pour l’élection du groupe parlementaire du RPR en manquant d’une seule voix face à Bernard Pons. Aussi, dans cette même législature, Jean Auroux a été élu président du groupe parlementaire socialiste, alors qu’il n’était pas le candidat le plus attendu.
Même, pour la déclaration politique que le groupe doit faire lors de sa création, il y a des avancés significatives dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale française (art. 19). La nouveauté depuis 2008 est que la déclaration a maintenant plus de portée pratique, elle détermine des droits spécifiques dans l’établissement de l’ordre du jour.
Paradoxalement, notre Assemblée nationale traîne encore les pieds et on note dans le fonctionnement interne des groupes parlementaires l’absence des règles de procédure. C’est toujours à l’étape de la gestion informelle et il faudrait s’attendre encore à d’autres problèmes internes. Imaginez, sur le renouvellement du groupe parlementaire et de la désignation de son président à l’ouverture de chaque session. Ces questions devraient au moins être réglées par des textes prévus à cet effet, précisément des statuts ou une charte.
Mais malheureusement, ce n’est le cas ! Comment peut-on faire du tintamarre sur le renouvellement du groupe, alors qu’il n’est prévu dans aucune disposition des textes en vigueur ?
Personne n’est en mesure de présenter un seul texte où il est écrit clairement que le groupe parlementaire doit être renouvelé à chaque ouverture de la session à l’Assemblée nationale !
Dans les 123 articles que compte le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, iI n’y a que les articles 20, 21 et 22 qui concernent le groupe parlementaire et l’article 23 parle des non inscrits.
C’est donc une tradition parlementaire de voir au renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale, le dépôt par le groupe de la liste de ses membres avant le début de la séance et, de la déclaration politique si c’est une législature qui démarre.
Peut-être, dans l’interprétation des articles 14 et 15 du règlement intérieur, certains se trompent en pensant implicitement que le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale à chaque session emporte celui du groupe parlementaire.
L’autre problème qui convient d’être apprécié, c’est la polémique sur l’interprétation des articles 20 et 22. Et, il est regrettable de constater qu’on est entrain de transférer la question sur un terrain politique. Dans l’analyse, il faudrait démêler les choses et voir la nuance entre la constitution initiale et l’existence déjà remarquée d’un groupe parlementaire.
La lecture de ces articles cités ci-dessus fait ressortir les erreurs commises par les souteneurs de l’application de l’article 20. D’abord, les textes ne donnent aucun statut particulier au déclarant d’un groupe parlementaire. Ce n’est pas parce qu’on a déposé la déclaration politique à l’entame de la législature, cela vous confère un droit ou un privilège. L’alinéa 2 de l’article 20 du règlement intérieur apporte des clartés dans sa dernière modification en précisant « Les groupes se constituent en remettant au début de la première session de la législature à la présidence une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ces membres et des députés apparentés, ainsi que les noms du président et du vice-président désignés par le groupe ».
Et puis, il y a le fait que le groupe des libéraux et démocrates existent depuis trois ans, aucun de ses membres n’a démissionné sauf après l’installation du nouveau bureau de l’Assemblée avec le député Ousmane n’gom. Il n’y a donc pas de texte indiquant de manière formelle son renouvellement à l’ouverture de chaque session. C’est étonnant qu’on cherche à manipuler l’opinion pour être une victime en parlant de falsification de signature, alors que le problème est une méconnaissance des textes.
L’enseignement à tirer, c’est de travailler à doter davantage au groupe parlementaire des règles de procédure interne ou de revoir le règlement intérieur de l’Assemblée nationale en transformant certaines traditions parlementaires en règle de droit.
Alioune Souaré
Ancien député - Rufisque
Mais pour comprendre la problématique, on devrait alors remonter l’histoire de groupe parlementaire dont le Parlement français constitue une source d’inspiration pour notre pays. A ce propos, il y a un ouvrage important du droit parlementaire intitulé « Le travail parlementaire sous la cinquième République ». Il est ainsi publié par Jean pierre camby et Pierre servent qui sont respectivement professeur à la Sorbonne et ancien journaliste à la croix.
Cet ouvrage nous renseigne que le Parlement français est né sous l’emprise de vielles traditions et, à l’époque de la révolution française, les élus de la nation se regroupaient par appartenance géographique et ils se retrouvaient pour défendre les intérêts de leurs zones. C’est pourquoi dans l’hémicycle, il y avait les Girondins qui siégeaient à droite, les Modérés au centre et la Montagne à gauche.
Mais c’est bien après, à la 3éme République, il a été consacré véritablement l’existence des groupes parlementaires, cristallisant ce qui existait déjà dans les assemblées précédentes de façon plus ou moins informelle. Le 1er juillet 1910, le règlement de la chambre des députés (ex-Assemblée nationale française), reconnaissait à son sein les groupes fondés sur la base d’une appartenance « politique », il a été suivi par le Sénat français en 1921.
La Constitution de la 4éme République ira plus loin en précisant, avant la révision de décembre de 1954, la façon dont chacune des deux chambres du Parlement doit élire son bureau, en tenant compte de la représentation proportionnelle des groupes.
Bref, iI faut reconnaitre que l’Assemblée nationale du Sénégal a repris les mêmes textes du Parlement français. Il y a des similarités sur son règlement intérieur et sur les dispositions de notre constitution concernant l’institution parlementaire. Mais la différence est que le processus de révision ou de réforme des textes en France est très dynamique contrairement à notre pays.
Par exemple, le président du groupe au Parlement français est maintenant élu par ses pairs au bulletin secret, avant c’était une désignation faite comme c’est le cas actuellement pour notre Assemblée nationale (voir l’art.20 alinéa 2 du règlement intérieur). En 1988, Philippe Séguin fut battu à la présidence pour l’élection du groupe parlementaire du RPR en manquant d’une seule voix face à Bernard Pons. Aussi, dans cette même législature, Jean Auroux a été élu président du groupe parlementaire socialiste, alors qu’il n’était pas le candidat le plus attendu.
Même, pour la déclaration politique que le groupe doit faire lors de sa création, il y a des avancés significatives dans le règlement intérieur de l’Assemblée nationale française (art. 19). La nouveauté depuis 2008 est que la déclaration a maintenant plus de portée pratique, elle détermine des droits spécifiques dans l’établissement de l’ordre du jour.
Paradoxalement, notre Assemblée nationale traîne encore les pieds et on note dans le fonctionnement interne des groupes parlementaires l’absence des règles de procédure. C’est toujours à l’étape de la gestion informelle et il faudrait s’attendre encore à d’autres problèmes internes. Imaginez, sur le renouvellement du groupe parlementaire et de la désignation de son président à l’ouverture de chaque session. Ces questions devraient au moins être réglées par des textes prévus à cet effet, précisément des statuts ou une charte.
Mais malheureusement, ce n’est le cas ! Comment peut-on faire du tintamarre sur le renouvellement du groupe, alors qu’il n’est prévu dans aucune disposition des textes en vigueur ?
Personne n’est en mesure de présenter un seul texte où il est écrit clairement que le groupe parlementaire doit être renouvelé à chaque ouverture de la session à l’Assemblée nationale !
Dans les 123 articles que compte le règlement intérieur de l’Assemblée nationale, iI n’y a que les articles 20, 21 et 22 qui concernent le groupe parlementaire et l’article 23 parle des non inscrits.
C’est donc une tradition parlementaire de voir au renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale, le dépôt par le groupe de la liste de ses membres avant le début de la séance et, de la déclaration politique si c’est une législature qui démarre.
Peut-être, dans l’interprétation des articles 14 et 15 du règlement intérieur, certains se trompent en pensant implicitement que le renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale à chaque session emporte celui du groupe parlementaire.
L’autre problème qui convient d’être apprécié, c’est la polémique sur l’interprétation des articles 20 et 22. Et, il est regrettable de constater qu’on est entrain de transférer la question sur un terrain politique. Dans l’analyse, il faudrait démêler les choses et voir la nuance entre la constitution initiale et l’existence déjà remarquée d’un groupe parlementaire.
La lecture de ces articles cités ci-dessus fait ressortir les erreurs commises par les souteneurs de l’application de l’article 20. D’abord, les textes ne donnent aucun statut particulier au déclarant d’un groupe parlementaire. Ce n’est pas parce qu’on a déposé la déclaration politique à l’entame de la législature, cela vous confère un droit ou un privilège. L’alinéa 2 de l’article 20 du règlement intérieur apporte des clartés dans sa dernière modification en précisant « Les groupes se constituent en remettant au début de la première session de la législature à la présidence une déclaration politique signée de leurs membres, accompagnée de la liste de ces membres et des députés apparentés, ainsi que les noms du président et du vice-président désignés par le groupe ».
Et puis, il y a le fait que le groupe des libéraux et démocrates existent depuis trois ans, aucun de ses membres n’a démissionné sauf après l’installation du nouveau bureau de l’Assemblée avec le député Ousmane n’gom. Il n’y a donc pas de texte indiquant de manière formelle son renouvellement à l’ouverture de chaque session. C’est étonnant qu’on cherche à manipuler l’opinion pour être une victime en parlant de falsification de signature, alors que le problème est une méconnaissance des textes.
L’enseignement à tirer, c’est de travailler à doter davantage au groupe parlementaire des règles de procédure interne ou de revoir le règlement intérieur de l’Assemblée nationale en transformant certaines traditions parlementaires en règle de droit.
Alioune Souaré
Ancien député - Rufisque
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