HOMMAGE À HABIB FAYE : LE SEIGNEUR DE LA BASSE A DISPARU (25 novembre 1965- 25 Avril 2018)


HOMMAGE À HABIB FAYE : LE SEIGNEUR DE LA BASSE A DISPARU (25 novembre 1965- 25 Avril 2018)
Un génie ! Un exégète ! Un modèle ! Une virtuose ! Un expert ! Une référence ! Un orfèvre en la matière ! Habib FAYE, le gigantesque guitariste sénégalais a tiré sa révérence ; pour parler comme la grande musicienne Angélique KIDJO. Le monument de la musique sénégalaise, j’allais dire africaine, voire mondiale, s’est écroulé, ce mercredi 25 Avril 2018. Le réveil a été difficile chez nos concitoyens.
Cette avalanche d’épithètes révèle les facettes multidimensionnelles de  la personnalité de l’homme, que fut Habib FAYE. Que de peine pour structurer ma pensée, au moment où je rédige ces mots. Assis sur mon lit,  devant mon téléviseur, suivant l’arrivée de la dépouille mortelle à la chaine « tfm », étreint par l’émotion, le devoir m’instruit cette esquisse de témoignage. Parce que ce grand Sénégalais mérite ce modeste rappel de son itinéraire professionnel hors pair durant lequel, le monde de la culture a apprécié le talent d’un « énorme » musicien.
Je me rends compte de la religiosité incarnée par cet homme au regard des témoignages servis à travers les médias par ceux qui l’ont côtoyé, depuis l’annonce de son rappel à Dieu. Il n’en était pas moins un fervent mouride, entièrement dévoué à la cause du vénéré Serigne Touba comme l’attestent les mots prononcés par son marabout, en direct à la télé, eu égard ses rapports avec la ville de Touba. Il a été un disciple de Serigne Saliou MBACKÈ.
Aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années. Comme toute sa fratrie, composée d’intellectuels doublés de talents de musiciens qui à leurs heures perdues, qui comme professionnels, l’étoile Habib a brillé très tôt dans le firmament de la musique sénégalaise. Comme stipulé par la plupart des témoignages de ses proches, cet immense musicien a laissé poindre les germes du surdoué à l’âge de neuf ans où il commença à taquiner la guitare, parce que vivant dans un univers familial artistique.
Révélé aux puristes, dès l’âge de quatorze ans par sa technique spécifique à jouer la guitare basse qui rappelle sans ambages le doigté de l’excellent bassiste du groupe « Weather - report », Jacob Pastorus, Habib a intégré le groupe du Super étoile 2, qui, jadis représentait l’antichambre du Super étoile de Youssou NDOUR.
Il intégra très rapidement la formation fanion du lead vocal, au vu d’une virtuosité inégalable qu’aucun mélomane n’osait lui denier. Avec son grand – frère Adama FAYE, un autre génie, ils imprimèrent à la musique dudit orchestre un cachet nouveau, perçu par les amateurs comme l’élan d’une ère musicale qui impressionna le monde de la culture. Les deux albums produits en 1986 en attestent éloquemment. Les arrangements du grand frère de même que ses lignes et notes de basse, au style jazzy, marquèrent la différence au point qu’à l’unanimité, cette « révolution musicale » fit tache d’huile dans les méandres de cet art.
Pour ne citer que les morceaux : Awa GUEYE, Pic mici ndobin… Avec nos guitares sèches, nous les reprenions tous ; je parle du début des grandes vacances de l’année 1986 dans le cadre de soirées récréatives, au quartier de Ouagou Niayes. Nous en appréciâmes son talent. Là, où, deux ans auparavant, nous mettions sur pied le groupe « Looy » qui avait participé au festival de musique des « 72 heures de musique non stop » de Gorée, en 1984, en compagnie de son grand – frère, Moustapha FAYE, à la batterie. Je me rappelle de ces moments où, nous parlions du boy de Youssou NDOUR qui manie la guitare basse à l’image d’un soliste. C’est l’époque de sa belle Peugeot 205 GTI de couleur rouge. Un bon vivant.
Tellement à l’aise dans ses envolées ponctuées d’une extrême rapidité comme le prouvent ses roulements qui simulent la simultanéité d’actions d’une dizaine de doigts sur le manche de l’instrument, ce garçon s’est frayé son chemin dans le cercle réduit des grands bassistes de l’époque, pour ne citer que l’excellent El Hadj Bob SÈNE du mythique groupe Super Diamono de Dakar, Baye Moussa BABOU du groupe Xalam et tutti quanti.   J’en profite pour rendre hommage  à ce musicien du Super Diamono dont l’admiration de son talent m’a poussé à user de la guitare.
Le concert du groupe Xalam organisé au stade Demba DIOP au milieu des années 80 le révéla au grand public. Alors que se produisait le Super Diamono, Habib joua à la place de ce grand bassiste, venu en retard pour des raisons inconnues. Il émerveilla le grand public qui venait de découvrir un maestro au summum de son art. Le frère cadet de Moustapha FAYE venait de lancer un signal fort à l’endroit des connaisseurs.
De fil en aiguille, Habib confirma son talent phosphorescent par un opiniâtre travail de recherche prouvé, par ses performances qui propulsèrent la musique de l’artiste planétaire vers les  horizons mondiaux. C’est la raison pour laquelle, il impressionna et joua avec des icônes internationales, je parle de Peter Gabriel, Angélique KIDJO…Plusieurs cordes à son arc, il n’en est pas moins un grand arrangeur et un excellent claviériste. Habib est le père du « Marimba » qui est aujourd’hui, pour la plupart, le support de notre musique.
Nous finîmes par croire dur comme fer, qu’à défaut d’avoir dépassé Stanley Clark, Jacob Pastorus, Etienne MBAPPÉ, Richard BONA et j’en passe, le seigneur de la basse a imposé son label mondial. En attestent son groupe de jazz, ses voyages de travail effectués dans une totale discrétion, la direction artistique du Super Étoile qui n’a plus rien à prouver au niveau mondial, et que sais- je ? Habib a tout simplement ennobli la guitare basse. Il a réussi à la dompter. De même que la basse à six cordes que je découvris pour la première fois dans notre pays avec lui.
Au-delà de la face visible de l’iceberg, le maitre de la basse cachait une facette d’homme généreux, gentil, timide, respectueux, discret et plein d’humour. Pour preuve, depuis l’annonce de son décès, que de propos relatifs à la personnalité intrinsèque de l’artiste. Que d’anecdotes le concernant racontées urbi et orbi ! Combien sont ils à parler de l’ambiance qu’il avait l’art de susciter, pour peu qu’on s’approchât de lui !  
Ce vendredi 28 avril 2018, de la levée du corps à l’hôpital Principal de Dakar, au cimetière musulman de Yoff, en passant par la grande mosquée de Grand – Dakar pour la prière mortuaire, Habib a laissé parler son envergure. Cette foule immense présente dedans et hors de la morgue dudit hôpital, composée d’autorités étatiques, religieuses, de parents, d’amis, de mélomanes, je dis du peule, a fait tout ce parcours pour accompagner la vedette du jour, dans son voyage sans retour. Tout le monde était Habib.
La cérémonie prit fin à la SICAP Sacré – Cœur 1, où les condoléances étaient reçues par sa famille biologique, et celle dite professionnelle du Super Étoile au complet, conduite par Youssou NDOUR. Les musiciens de tout bord, bref le peuple sénégalais dans ses différentes composantes, par la présentation de ses  condoléances, terminait ce périple ; j’allais dire l’hommage mérité rendu à l’artiste.  
Habib, au – delà, de toute cette brochette de qualités inhérentes à l’homme poli, respectueux, respectable et professionnel jusqu’ à la moelle épinière, a gardé secrète sa maladie, comme les cours qu’il donnait au niveau international dont j’eus l’opportunité de l’en entendre parler, récemment dans une émission culturelle d’une chaine de télévision de la place.
En cette disparition de la star Habib FAYE, la musique a perdu. La culture a perdu. Le Sénégal a perdu un grand fils, pour parler comme Monsieur le Président de la République. L’art a perdu. Le pharaon de la musique a tiré sa révérence, emportant avec lui une philosophie, une mer de savoir  et un immense trésor culturel. Heureusement qu’il ait bien travaillé sur terre conformément aux préceptes du vénéré Khadimou Rassoul, dont il fut un fervent disciple.
Paraphrasant le Chef de l’État dans son propos funèbre, à la levée du corps, je dirai à la jeune génération de musiciens qu’ils ont le défi d’utiliser ce monument culturel comme modèle, afin de ne pas tomber dans les travers de la facilité, voire de la médiocrité.
Convaincu que son œuvre survivra à plusieurs générations, je voudrais formuler le vœu de voir la République immortaliser ce baobab de la musique. J’’associe à cela la bibliothèque que fut Cheikh Tidjane TALL.
Raisonneront à jamais dans nos oreilles ses « slabs » qui nous ont tant égayés !
« Ndaanaan bu mak demna nii ».
Le pharaon de la musique est parti. Une fierté nationale disparait. Le symbole de l’excellence a rejoint l’au – delà.
Chapeau bas, cher maitre !
Mes condoléances à sa famille, à Youssou NDOUR et à toute la famille de la musique en général, aux autorités de notre pays, bref aux peuples sénégalais et du monde.  
Que Dieu bénisse sa retraite éternelle !
            Adieu Habib !​
Mame Abdoulaye TOUNKARA
Citoyen sénégalais
 
 
 
 
 
 
 
Dimanche 29 Avril 2018




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