HOMMAGE À AMADOU MAHTAR MBOW : UN SIÈCLE DE VIE, DES SIÈCLES D’ACTIONS ( Par Mame Abdoulaye TOUNKARA )


(20 mars 1921- 25 septembre 2024)
« Inna lilahi wa inna ilayhi radj’oun »
Le baobab s’est déraciné, après un siècle de vie, nous léguant des siècles d’actions. Combattant infatigable de la paix ; de l’égalité des peuples, de la promotion de la culture, de l’avènement d’un monde meilleur ; chantre du Nouvel Ordre Mondial de l’Information et de la Communication (NOMIC), vous nous quittez, du moins en apparence, ce mardi 25 septembre 2024, alors que, la veille, à 21 heures 30, je demandais de vos nouvelles à votre fille, Docteur Awa MBOW. Pour autant, je demeure rassuré, comme tous, que votre œuvre nous survivra.
Né à Dakar et baptisé par le vénéré Thierno Seydou Nourou TALL, vous nous quittez sous la prière funèbre de Thierno Seydou Nourou TALL, petit-fils de l’autre, dans la mosquée « omarienne ». Le Sénégal, l’Afrique et le monde perdent un pilier dont le faîte perce les brumes de l’Histoire tel un oiseau dominant celle-ci, dans son vol. Vous faites du combat votre vie, je parle de ces combats d’utilité communautaire. Cette vie différente d’un long fleuve tranquille, comme vous le dites dans votre discours d’ouverture des Assises Nationales du Sénégal, le 1erjuin 2008.
Convaincu que vous êtes que le repos n’est pas de ce monde, vous acceptez, après mûre réflexion, de présider ces conclaves où vous émerveillez en alléguant : « Au soir d’une vie aussi longue que la mienne, j’ai acquis la conviction qu’il y’ a des moments dans l’histoire des Nations où les citoyens doivent transcender les contingences et les querelles partisanes pour se consacrer exclusivement à l’intérêt général. ». Et vous ajoutez : « Me renier serait me détruire. ».
En effet, de ma posture de citoyen sénégalais, de parent, vous ayant un tantinet côtoyé, par devoir, il m’est une obligation de m’exprimer, au-delà des textes que j’ai publiés sur votre personne, lors de l’anniversaire de vos quatre-vingt-dix ans, intitulé Amadou Mahtar MBOW, Mission accomplie ; plus loin en 2008, pointillant les « i » à l’endroit d’une autorité politique libérale irrévérencieuse du fait de votre rôle prépondérant auxdites Assises, en 2008, par un article intitulé Mieux connaitre Amadou Mahtar MBOW, et plus récemment, durant votre centenaire, le 20 mars 2021, un témoignage titré : « Et, vous voilà, centenaire, par la grâce de Dieu ! 
Permettez-moi deux indiscrétions suivies du pardon, parce qu’illustratives des qualités intrinsèques de votre personne, l’enseignant. Au petit matin du 23 avril 2013, suite au décès de votre petit frère Gana MBOW, vous envoyez chez moi, à Dieuppeul vos neveux Magathe SOW et le colonel Bakary BÂ, me missionnant de m’occuper de la procédure administrative menant à son enterrement. Chose faite.
Quelques mois plus tard, vous me convoquez, de nouveau, Magathe SOW avec, en présence de votre épouse, dans le sillage de votre futur rappel à Dieu, pour la même cause, vous trouver cet espace dédié à votre futur repos éternel. Une démarche accomplie par nous deux, en quarante-huit heures, entre le service administratif du cimetière de Yoff et celui de la Perception de la Mairie de la ville de Dakar.
De ces deux confidences, aujourd’hui, secrets de polichinelle, sitôt que ce texte soit publié dans les médias. Si insignifiante que soit ma modeste personne, vous me faites confiance par cet acte ô combien secret mais grandiose pour moi, naturellement, au vu de cette foultitude de proches ou de hautes personnalités auxquels vous pouviez enjoindre de faire cette tâche et qui l’auraient accompli, obséquieusement, avec tous les égards dus à votre rang.
Toutefois, je ne m’en ouvris qu’à ma maman, qui a quitté ce bas monde, il y’a, juste, cinq ans. Cet acte fut noté dans mon agenda et gardé au confluent de ma mémoire, car en parler serait synonyme de trahison du secret d’un grand homme, une trahison aussi maousse que la dimension de ce dernier. Dieu m’aida dans ce sens, sûr que je suis, comme vous l’avez voulu. Hélas, je le révélai avant votre enterrement, lorsque votre homonyme Amadou Mahtar GUEYE, de retour du cimetière pour préparer le tombeau, m’informe que des travailleurs de la cité du repos éternel ont demandé après moi, lui signifiant que ce caveau et celui qui lui est contigu ont été acquis par le maire TOUNKARA.
Oui, homme de conviction et d’action, vous travaillez dur, chevillé dans vos principes de justice, de dignité, d’équité, d’honneur parce qu’abreuvé aux sources de la tradition bien de chez vous, outre le fait d’avoir vécu des années difficiles, de la crise économique des années 30, lorsque vous voyez mourir de faim des enfants de votre génération ; levain de votre caractère trempé et votre sens de la solidarité.
Elève, vous vous illustrez par un esprit vivace. L’entrée en sixième en poche, l’accès au lycée Faidherbe de Saint Louis vous est refusé du fait de votre âge supérieur à 14 ans, fruit de votre passage à l’école coranique que vous quittez à l’âge de 9 ans. Pour autant vous tentez le concours d’entrée à l’école primaire supérieure auquel vous échouez, prémonition de votre mésentente avec votre enseignant issu de votre opiniâtreté à lui porter la contradiction sur la solution d’un problème.
Vous découvrez Dakar en vous inscrivant à la Chambre de commerce aux cours de gestion. Féru de lecture, vous êtes reçu, major au concours qui fait de vous un commis expéditionnaire au Palais du Gouverneur. De là, vous intégrez l’armée pour la deuxième guerre mondiale. Vous vous élevez dans la hiérarchie militaire, précisément, l’aviation, devenant caporal, sergent, breveté de mécanique et d’électricité de l’aviation, en sus de votre formation en aérodynamique.
De retour de la guerre, vous réussissez au baccalauréat. Etudiant, votre sens du combat, de l’endurance, de la responsabilité, du goût de la quête du savoir, traduisent vos embryons de leadership via vos fonctions de président de l’Association des Etudiants Africains de Paris (FEAP), de Secrétaire Général puis de président de la Fédération des Etudiant de l’Afrique Noire Française (FEANF).Une formation intense qui engendre cette expérience tirée  de grands hommes, comme Houphouët BOIGNY, au palais Bourbon, pour échanger sur la situation des futurs cadres africains que vous êtes et sur l’avenir.
Votre licence d’histoire et de géographie acquise non sans avoir vécu les avatars du racisme, le mariage vous lie à madame MBOW née Raymonde SYLVAIN, étudiante haïtienne, votre promotionnaire. Rentrés au Sénégal, vous êtes affecté à Rosso en Mauritanie, histoire de vous éloigner de la conscientisation de la jeunesse sénégalaise, cette prétendue sanction se mute en performance, car votre rigueur éducative, votre allant et la fibre filiale qui vous lie à vos élèves, vos enfants, constitue le rouleau compresseur qui ravalera tout examen sur votre chemin.
Vous en devenez un héros, avec 100 % de réussite à l’examen et vos élèves devenus de grands cadres supérieurs se comptent par dizaines, dont un ancien président de la Mauritanie, Moustapha SALEF, est venu présenter ses condoléances.
Vous devenez directeur de l’école de base, professeur au lycée Faidherbe de Saint Louis, avec la formation de nombre de cadres sénégalais comme les Professeurs Ibrahima FALL, Maguette THIAM,... Ministre de l’éducation nationale dans le premier Gouvernement sénégalais en 1957, poste que vous réoccuperez en 1968, avant de démissionner du Gouvernement, parce que victime de complot sur la gestion de cette grève où vous préconisez le dialogue, contrairement à vos détracteurs. Vous retournez au Gouvernement au département de la Culture.
Coup du destin, vous êtes démarché par l’OUA en la personne de son secrétaire général adjoint Mohamed SAHANOUN non sans poser des préalables que vous renouvellerez à l’endroit du président SENGHOR, alors que ce dernier est impliqué par l’envoyé spécial. Vos prérequis admis, vous devenez sous-directeur général de l’UNESCO, puis élu, deux fois, Directeur général en dépit des soubresauts qui secouent l’organisation, émanant des Etats Unis de l’Angleterre. Victime de racisme et de jalousie, le tiers-mondiste que vous êtes, se fait l’avocat des peuples opprimés, tout comme l’apôtre du Nouvel Ordre Mondial de L’Information et de la Communication (NOMIC), plus que jamais d’actualité, 45 ans après. 
Vos titres de Docteur Honoris Causa de prestigieuses universités dans le monde et de Citoyens d’honneur de diverses villes disséminées sur le globe terrestre, se comptent par dizaines, comme vos innombrables décorations et que sais-je ?
Admirable de courage, de résilience, vous faites l’objet de témoignages élogieux de la part de personnalités comme Jacques CHIRAC : « Bourreau de travail, ce haut fonctionnaire s’est dépensé sans compter pendant une période particulièrement difficile. » ; le professeur PELLISSIER : « Les différents lobbys ont joué aux Etats unis contre un homme musulman sincère – mais pas du tout fanatique, extrêmement tolérant, extrêmement large d’esprit, très cultivé mais qui ne renie pas pour autant ni ses convictions ni ses origines africaines. » ; Marie Claude CABANA, ambassadrice de la France auprès de l’UNESCO, s’exprimant sur votre intelligence, votre personnalité et surtout de votre sourire qui ouvre toutes les portes
Héroïque, vous débarrassez le Tiers monde de tout complexe, tenant tête à vos pourfendeurs.  Vous écrivez votre nom en lettres d’or dans l’Histoire. D’où votre entrée au panthéon des immortels.
Condoléances renouvelées à Fara Eddy MBOW, Dr Awa, Marie Amie, Amadou KANE, à toute la famille, au Sénégal, à l’Afrique, au monde !
Paradis firdaws, in sha Allah! A Dieu Mahtar MBOW ngaala !
Mame Abdoulaye TOUNKARA
Citoyen sénégalais
Lundi 7 Octobre 2024
Dakaractu



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