L’année 2016 est supposée être une année électorale en République démocratique du Congo (RDC), avec les présidentielles et les législatives. Mais depuis quelques mois, le pays est plongé dans une sorte d’incertitude qui n’augure pas d’un lendemain meilleur.
Il n’y a plus rien qui marche au sein de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), une institution d’appui à la démocratie et constitutionnellement reconnue comme pouvoir organisateur des élections en RDC. Un flou purement politique orchestré depuis quelques mois, avec des démissions qui se suivent et se ressemblent, enfonçant davantage le pays dans une incertitude d’une possible élection d’ici là.
C’est le président de la CENI qui a été le premier à ouvrir le bal de démissions. Il s’en est suivi celle de son vice-président, ainsi de suite… Tout ça donne l’impression que tout est mis en marche pour bloquer sciemment la machine et se rendre à l’évidence que les élections ne seront pas possibles devant cet imbroglio.
Le cafouillage est indescriptible : pas de calendrier général chronométré, pas assez d’argent pour les élections, une navigation à vue et pas de lumière au bout du tunnel. L’impasse est donc totale, même l’élection des 21 gouverneurs par 500 députés provinciaux seulement qui devait avoir lieu en octobre dernier, pour diriger les nouvelles provinces récemment créées, n’a pas eu lieu faute d’argent.
Le président de la république s’est résolu de procéder par la nomination des commissaires spéciaux pour diriger les nouvelles provinces, en attendant l’hypothétique l’élection des gouverneurs, alors que celui-ci avait déclaré dans une de ses entrevues antérieures qu’il ne le faire pas.
Du côté de l’Opposition politique, depuis quelque temps, elle est en porte-à-faux avec les décisions de la CENI. Se trouvant dans une situation embarrassante, elle ne se reconnait plus dans les membres qu’elle avait pourtant délégués au sein de cette institution. Ces derniers ayant tourné casaque, n’obéissent plus aux recommandations de leur famille politique.
Du côté de la Majorité présidentielle (MP), famille politique du chef de l’État, pas plus tard qu’hier, son secrétaire général a invité tous les membres issus du G7 (groupe des sept partis politiques exclus de la MP pour avoir adressé une lettre ouverte au président Kabila en septembre dernier) qui occupaient encore des postes revenant à la MP au sein de la CENI, de faire preuve de cohérence de leur choix politique et de libérer ces postes dans les meilleurs délais.
De son côté, la société civile aussi n’est pas restée en marge de la méfiance qui s'est installée entre la CENI et la classe politique congolaise. Elle exige simplement une recomposition complète du bureau de la CENI et la désignation de nouveaux animateurs en tenant compte de leur expertise, et non des considérations politiques. Il en va de la crédibilité même du processus et de l’organisation des élections à venir, étant entendu que l’élection est une opération beaucoup plus technique.
Bref, il y a une évidence que la CENI, dans sa configuration actuelle ou du moins pour ce qui en reste, ne rassure personne, ni par son indépendance, son expertise ou son objectivité. Elle est noyautée par la classe politique, toute tendance confondue. Il sera donc très difficile, techniquement, d’organiser les élections générales telles que prévues en 2016, même avec toutes les bonnes volontés du monde.
Devant cette évidence, que faut-il faire pour rassurer les Congolais que 2016 ne sera pas une apocalypse? Comment rassurer aussi les investisseurs et les capitaux étrangers, créateurs d’emploi et de prospérité économique, face à cette incertitude préoccupante?
Un scénario possible de sortie de crise
Les acteurs politiques congolais savent bien que les élections ne seront pas possibles dans moins de 12 mois dans un pays comme la RDC, sans infrastructure de transport adéquat, sans administration électorale rodée et sans argent. Et même si l’argent était disponible, il ne faut pas se voiler la face et penser qu’il est encore possible d’organiser les élections crédibles en si peu de temps qui reste. Il est indéniable que pour des raisons de techniques, les élections de 2016 pourraient être différées de quelques mois.
Si tel est le cas, c’est maintenant qu’il faudrait commencer à réfléchir sur les dispositions à prendre pour gérer cette situation. Pour prévenir le chaos qui se profile à l’horizon, si jamais les élections n’ont pas lieu telles que prévues, un des scénarii possible serait d’envisager maintenant la possibilité de former un gouvernement de transition, pour éviter de s’empêtrer de nouveau dans une nouvelle crise.
Pour cela, les acteurs politiques et de la société civile congolaise devraient s’accorder sur l’éventualité de convoquer rapidement un dialogue politique, tel que déjà souhaité par un certain nombre d’entre eux, pour débattre de toutes ces questions, y compris la possibilité de former un gouvernement qui serait composé essentiellement des technocrates, sans appartenance politique et sans ambition pour les échéances à venir, afin de préparer sereinement et dans la transparence les élections prochaines.
En effet, les acteurs politiques congolais ont suffisamment d’expériences de conflits armés et d’où ils ont amené le pays, pour savoir qu’en démocratie, les problèmes ne peuvent se régler autrement que par un dialogue politique.
Les Congolais méritent mieux. Ils ont un pays est un béni de Dieu, qui dispose de tous les atouts possibles pour devenir un pays émergent où il fait bon vivre. Malheureusement, les Congolais qui dorment sur d’immenses ressources naturelles, doivent se résigner de toujours tendre la main vers l’occident, même pour des obligations qui affirment l’exercice de la souveraineté d’un État.
Gouvernement transitoire des technocrates
Dans une situation de crise politique, l’avantage d’un gouvernement transitoire composé des technocrates est, entre autres, qu’il a un temps bien limité avec un mandat clair de proposer des pistes de solutions pour régler les problèmes actuels et futurs au bénéfice de l’intérêt général. Ses décisions sont généralement guidées par la science et la technique, la rigueur et la rationalité, et non la partisanerie politique. Il ne s’embourbe pas dans la realpolitik du type de Machiavel qui considère que le seul but du Prince est de rechercher le pouvoir, indépendamment des questions éthiques et morales. Mais une realpolitik qui consiste à composer avec la réalité politique, économique, sociale et culturelle du pays pour le plus grand intérêt de tous.
Oui, certains pourront dire que la proposition d’un gouvernement des technocrates n’est pas démocratique. J’admets certes que la démocratie est nécessaire parce qu’elle permet aux citoyens de se choisir leurs dirigeants. Ce choix n’est toujours pas porté sur les meilleures personnes rompues dans la gestion de la chose publique, mais bien souvent sur ceux qui sont plus habiles et parfois rusés. Mais ça c’est un autre débat qui mérite une autre réflexion.
Qu'à cela ne tienne, une chose est certaine que si les Congolais veulent bien éviter de replonger leur pays dans une incertitude après 2016, il n'y a rien de mal que d’envisager toutes les solutions possibles et imaginables, c’est cela aussi la realpolitik.
Isidore KWANDJA NGEMBO, Politologue
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