« Vous m’auriez dit que je serais candidat il y a cinq mois, je ne vous aurais pas cru ! » Affalé dans son siège en cuir, Adama Barrow, nouveau président élu de la Gambie, recevait mercredi 30 novembre en fin d’après-midi, au siège de son entreprise, à la veille de l’élection qui le fera accéder à la tête de l’Etat. « Mon élection ? J’y crois à 150 % », expliquait-il alors, boubou wax sur les épaules et large sourire aux lèvres.
Dans le même bureau, ses neveux, Ndiaga Barrow, 35 ans, et Amadou Sanneh, 31 ans. A eux trois, ils gèrent l’entreprise familiale, Majum State, une agence immobilière qui marche du tonnerre, de Banjul à Serrekunda, la plus grande ville du pays. « Le business est florissant, c’est vrai, mais on n’est pas riches pour autant », réfute Amadou, comme pour contrer les rumeurs qui courent sur l’opulence financière du clan Barrow. Au moment où la porte du bureau non climatisé et sombre s’ouvre devant nous, Ndiaga est néanmoins en train de compter des liasses de dalasi – la monnaie gambienne – par dizaines, étalées sur le large bureau.
« Adama, c’est quelqu’un de très travailleur, explique Amadou. Souvent, ça lui arrive d’être là à partir de 6 heures du matin pour avancer les dossiers. » L’oncle étant obligé d’abandonner son business pour l’entreprise bien plus complexe qu’est le redressement de la Gambie, c’est lui, le neveu à la barbichette, qui prendra la tête de l’agence. « On achète des terrains, et on les revend ensuite plus cher, continue l’intéressé, alors que l’agence a depuis quelque temps une renommée importante. Mais si on en est là aujourd’hui, c’est grâce à Adama. »
Un ovni politique
En 2003, comme il ne trouvait pas d’emploi en Gambie, l’homme alors âgé de 38 ans décide de tenter sa chance en Angleterre. A Londres, il devient agent de sécurité privé et profite de son grand gabarit pour gagner sa vie. « La vie est un cheminement, assure, philosophe, l’homme au visage rond et à l’imposante corpulence en repensant à cette période. Ce que j’ai fait en Angleterre m’a beaucoup aidé à devenir l’homme que je suis aujourd’hui, travailler quinze heures par jour forme un homme. » Il économise, trois ans durant, avant de revenir au pays monter l’entreprise aujourd’hui prospère.
C’est cet homme-là que les Gambiens ont voulu élire, un « self-made-man » pur jus, non issu du sérail politique. Né dans un village de la campagne gambienne à la veille de l’indépendance du pays, en 1965, il obtient une bourse pour étudier à la capitale, Banjul. S’ensuivront des petits boulots, puis, en 2003, donc, ce saut vers l’inconnu.
Son parcours atypique fait d’Adama Barrow un ovni politique, qui n’a rien ou presque d’un présidentiable. Ce même jeudi, alors qu’il doit aller voter à 10 heures, il répond au téléphone aux journalistes depuis son lit à 7 heures, la voix rauque et le rire facile. Un accès direct à un homme aussi simple que volontaire.
« Il dispose d’une grande capacité d’écoute, il consulte toujours les gens avant de prendre une décision », avance Fatoumata Tambajang, figure de l’opposition et de la société civile gambienne. D’où sans doute cette aptitude à décrocher son téléphone, en tout lieu et à toute heure. A l’époque de sa nomination, en août, par son parti, le Parti démocratique unifié (UDP), dont il est le trésorier depuis 2013, il expliquait au Monde Afrique « ne pas vouloir » de cette nomination. « Je préfère me concentrer sur mon entreprise », expliquait-il alors. Cinq mois plus tard il devient président et se dit « très excité » par les trois ans qui l’attendent à la tête du pays, à l’issue desquels il a promis d’organiser une nouvelle élection.
Le poids du rang
Ce vendredi après-midi, alors que la Commission électorale indépendante l’a déclaré vainqueur il y a quelques heures à peine, son domicile d’Old Yundum, dans la banlieue de Serrekunda, la deuxième ville du pays, est en ébullition. Des centaines de Gambiens sont venues acclamer leur président, mais seule sa famille et les proches sont présents. Lui est occupé ailleurs. « Adama, je le connais depuis des années », explique le père Bruno Toupan, un ami de la famille. Dans l’entrée du domicile, la première femme du président, Fatou Bah, s’agenouille devant l’homme d’église ; celui-ci appose ses mains sur son front. « Vous voyez, c’est aussi ça, la Gambie : Barrow et sa famille sont musulmans, mais on vit tous ensemble, et sa femme vient se faire bénir par un prêtre chrétien ! »
Dans la cuisine voisine, la seconde femme du président, Sadjo Mballo, s’entretient avec l’un des gardes du corps présents. « Tu es maintenant la femme du président, tu ne dois plus prendre de photos n’importe comment ni parler à tout le monde », lui dit-il. Pas de réponse sinon un acquiescement de la tête, le poids du rang est tombé sur la famille en un instant, alors que personne à part lui ne pensait voir Barrow sortir vainqueur de ce scrutin présidentiel.
Lui se fond dans le moule facilement : dès jeudi après-midi et la fermeture des bureaux de vote, il perd sa mauvaise habitude de répondre à tout-va à son téléphone. Pis, il est désormais entouré de près de 200 gardes du corps, selon l’un d’eux. Comme une réponse aux nombreuses menaces qu’il a reçues durant la campagne, notamment de la part du clan présidentiel et de Yahya Jammeh lui-même, n’hésitant pas à s’en prendre verbalement à son adversaire. Aujourd’hui, c’est lui qui a les commandes.
Le Monde
Dans le même bureau, ses neveux, Ndiaga Barrow, 35 ans, et Amadou Sanneh, 31 ans. A eux trois, ils gèrent l’entreprise familiale, Majum State, une agence immobilière qui marche du tonnerre, de Banjul à Serrekunda, la plus grande ville du pays. « Le business est florissant, c’est vrai, mais on n’est pas riches pour autant », réfute Amadou, comme pour contrer les rumeurs qui courent sur l’opulence financière du clan Barrow. Au moment où la porte du bureau non climatisé et sombre s’ouvre devant nous, Ndiaga est néanmoins en train de compter des liasses de dalasi – la monnaie gambienne – par dizaines, étalées sur le large bureau.
« Adama, c’est quelqu’un de très travailleur, explique Amadou. Souvent, ça lui arrive d’être là à partir de 6 heures du matin pour avancer les dossiers. » L’oncle étant obligé d’abandonner son business pour l’entreprise bien plus complexe qu’est le redressement de la Gambie, c’est lui, le neveu à la barbichette, qui prendra la tête de l’agence. « On achète des terrains, et on les revend ensuite plus cher, continue l’intéressé, alors que l’agence a depuis quelque temps une renommée importante. Mais si on en est là aujourd’hui, c’est grâce à Adama. »
Un ovni politique
En 2003, comme il ne trouvait pas d’emploi en Gambie, l’homme alors âgé de 38 ans décide de tenter sa chance en Angleterre. A Londres, il devient agent de sécurité privé et profite de son grand gabarit pour gagner sa vie. « La vie est un cheminement, assure, philosophe, l’homme au visage rond et à l’imposante corpulence en repensant à cette période. Ce que j’ai fait en Angleterre m’a beaucoup aidé à devenir l’homme que je suis aujourd’hui, travailler quinze heures par jour forme un homme. » Il économise, trois ans durant, avant de revenir au pays monter l’entreprise aujourd’hui prospère.
C’est cet homme-là que les Gambiens ont voulu élire, un « self-made-man » pur jus, non issu du sérail politique. Né dans un village de la campagne gambienne à la veille de l’indépendance du pays, en 1965, il obtient une bourse pour étudier à la capitale, Banjul. S’ensuivront des petits boulots, puis, en 2003, donc, ce saut vers l’inconnu.
Son parcours atypique fait d’Adama Barrow un ovni politique, qui n’a rien ou presque d’un présidentiable. Ce même jeudi, alors qu’il doit aller voter à 10 heures, il répond au téléphone aux journalistes depuis son lit à 7 heures, la voix rauque et le rire facile. Un accès direct à un homme aussi simple que volontaire.
« Il dispose d’une grande capacité d’écoute, il consulte toujours les gens avant de prendre une décision », avance Fatoumata Tambajang, figure de l’opposition et de la société civile gambienne. D’où sans doute cette aptitude à décrocher son téléphone, en tout lieu et à toute heure. A l’époque de sa nomination, en août, par son parti, le Parti démocratique unifié (UDP), dont il est le trésorier depuis 2013, il expliquait au Monde Afrique « ne pas vouloir » de cette nomination. « Je préfère me concentrer sur mon entreprise », expliquait-il alors. Cinq mois plus tard il devient président et se dit « très excité » par les trois ans qui l’attendent à la tête du pays, à l’issue desquels il a promis d’organiser une nouvelle élection.
Le poids du rang
Ce vendredi après-midi, alors que la Commission électorale indépendante l’a déclaré vainqueur il y a quelques heures à peine, son domicile d’Old Yundum, dans la banlieue de Serrekunda, la deuxième ville du pays, est en ébullition. Des centaines de Gambiens sont venues acclamer leur président, mais seule sa famille et les proches sont présents. Lui est occupé ailleurs. « Adama, je le connais depuis des années », explique le père Bruno Toupan, un ami de la famille. Dans l’entrée du domicile, la première femme du président, Fatou Bah, s’agenouille devant l’homme d’église ; celui-ci appose ses mains sur son front. « Vous voyez, c’est aussi ça, la Gambie : Barrow et sa famille sont musulmans, mais on vit tous ensemble, et sa femme vient se faire bénir par un prêtre chrétien ! »
Dans la cuisine voisine, la seconde femme du président, Sadjo Mballo, s’entretient avec l’un des gardes du corps présents. « Tu es maintenant la femme du président, tu ne dois plus prendre de photos n’importe comment ni parler à tout le monde », lui dit-il. Pas de réponse sinon un acquiescement de la tête, le poids du rang est tombé sur la famille en un instant, alors que personne à part lui ne pensait voir Barrow sortir vainqueur de ce scrutin présidentiel.
Lui se fond dans le moule facilement : dès jeudi après-midi et la fermeture des bureaux de vote, il perd sa mauvaise habitude de répondre à tout-va à son téléphone. Pis, il est désormais entouré de près de 200 gardes du corps, selon l’un d’eux. Comme une réponse aux nombreuses menaces qu’il a reçues durant la campagne, notamment de la part du clan présidentiel et de Yahya Jammeh lui-même, n’hésitant pas à s’en prendre verbalement à son adversaire. Aujourd’hui, c’est lui qui a les commandes.
Le Monde
Autres articles
-
Kaolack :«Le président Macky Sall, tête de liste de sa coalition est le premier à boycotter sa propre liste en refusant catégoriquement de venir voter » (Mimi Touré)
-
Foncier/ Amadou Bâ formel : « Vous n’entendrez jamais mon nom dans ces histoires… »
-
Thiès- Abdou Mbow sur la transhumance: " le pouvoir en place est en train de travailler à organiser une mascarade au niveau de ces législatives"
-
Médias et élections : Les journalistes formés sur les bonnes pratiques, le jour du scrutin
-
Législatives du 17 novembre 2024 : Zahra Iyane Thiam dévoile la stratégie de l’opposition pour faire face au régime