Sénégal :Macky en 4 – 3 - 3 (Doudou SENGHOR)

On y est ! Macky a pris les reines du pays, mais il n’y a pas d’état de grâce. Comme pour l’équipe nationale de football lors de la dernière CAN, l’espoir est immense et légitime. Donc, point d’amateurisme ! Mais contrairement à l’autre, l’humble Macky est réputé être peu verbeux et très pragmatique, quelqu’un qui écoute beaucoup et parle peu pour bien agir, pour paraphraser Richelieu.
Ce 1e quinquennat ( ?) devra ressusciter 4 caractères, instaurer 3 ruptures et impulser 3 actions.
En effet, en plébiscitant Macky Sall, le peuple sénégalais a voulu faire ramener au cœur de l’exercice du pouvoir 4 caractères essentiels pour une action efficiente de l’Etat.
D’abord, le pays a besoin de gouvernants aux qualités morales, techniques et intellectuelles avérées. Donc, plus que des hommes politiques, il nous faudra des hommes d’Etat qui s’inscrivent en permanence dans l’engagement patriotique et la responsabilité, qui font passer la patrie avant le parti, l’intérêt général avant l’intérêt particulier, la nation avant la communauté, l’Etat avant la famille. Il faudra ainsi promouvoir la compétence, l’éthique et la transparence, placer les hommes qu’il faut à la place qu’il faut.
Ensuite, l’Etat doit donner ce qu’on attend de lui et s’acquitter correctement de ses missions. Donc, plus qu’un Etat démocratique, il faudra un Etat moderne, avec une séparation effective des pouvoirs, une soumission de l’Etat au droit, une égalité de tous devant la loi et devant les charges publiques. Le citoyen doit se sentir redevable d’un Etat qui le protège, l’éduque, le soigne… et ainsi se sentir fier et enthousiaste à le servir. Ce n’est que lorsque les citoyens se placeront dans une obligation de gratitude envers l’Etat que celui-ci pourra se construire réellement. On pourra enfin voir la justesse de cette définition de la politique selon laquelle elle consiste à « faire passer le souci du monde avant le souci de soi ».
Aussi, l’image des gouvernants devra être soignée. La façade d’une maison, selon J. Foucelle, appartient à celui qui la regarde, et non pas à celui qui la possède. Il faudra donc « re-sacraliser » les hautes fonctions étatiques, pour le symbole qu’elles représentent, concilier la grandeur de l’Etat avec la faiblesse des hommes qui l’incarnent, afin que ces derniers puissent rester lucides. C’est le Président qui doit servir de « bouclier moral et républicain » en ces périodes où le peuple nourrit une répugnance à l’égard de la classe politique.
Enfin, servir l’Etat ne doit plus être une sinécure, mais un sacerdoce. Comme disait Kennedy, chacun doit demander ce qu’il peut faire pour le pays et non ce que le pays peut faire pour lui.
En sanctionnant durement Wade et son régime, les sénégalais ont tenu à voir instaurer 3 ruptures.
D’une part, il faudra définitivement rompre avec les ennemis de l’Etat, à savoir les marabouts et les laudateurs.
D’autre part, la rupture d’avec le népotisme, la transhumance politique, la gabegie, l’arrogance et l’extravagance est plus que nécessaire.
Enfin, rompre avec l’instrumentalisation et la théâtralisation de l’Etat et la gestion autocratique et personnelle du pouvoir est plus qu’un impératif.
Si 55% des électeurs, donc plus de la moitié, ont voté le 25 mars, c’est aussi pour voir le nouveau régime impulser 3 actions.
La première action sera de respecter les engagements dont les plus significatifs impactent sur le vécu quotidien du peuple. Il faudra donc immédiatement réduire les prix des denrées et ainsi du coût de la vie devenue insupportable pour les sénégalais. Il faudra aussi diminuer le train de vie de l’Etat en supprimant les structures et le personnel superfétatoires. Il est nécessaire de mettre instamment en place la couverture maladie universelle. Il est indispensable de réformer le système éducatif pour ne plus avoir autant de grèves et de chômeurs.
La deuxième action sera l’application de la Constitution en ce qu’elle octroie à la société le droit de demander compte à tout agent public de son administration. C’est ainsi qu’en plus d’un état des lieux, il faudra des explications et, s’il y a lieu, des sanctions. Notre arsenal institutionnel et juridique parait être largement suffisant pour ce faire, en ayant en tête qu’en matière de deniers publics, le plus grand ministère est aussi important que la plus petite agence. Sur un autre plan, il ne faudra surtout pas sacrifier les intérêts du peuple sur l’autel des convenances politiques et combines politiciennes. Donc, pas d’amnistie pour toutes ces affaires criminelles et délictuelles (auteurs, complices et commanditaires) et toutes ces violations manifestes de la loi, lesquelles doivent connaitre des suites judiciaires et disciplinaires afin que pareilles choses ne se reproduisent plus. C’est ainsi qu’il ne faudra jamais oublier Mamadou Diop, Fodé Ndiaye, et toutes ces personnes qui se sont sacrifiés pour qu’on en arrive là, mais aussi Fama Niane, Maodo Malick Pouye, …etc. Il ne faudra pas oublier les personnes encore détenues à cause d’un banditisme d’Etat ou à l’occasion de manifestations dont l’issue malheureuse est imputable à un Etat délibérément négateur des libertés publiques, depuis les 23 et 27 juin 2011 jusqu’en février 2012.
La troisième action sera la mise en œuvre d’une politique claire de développement. Senghor et Diouf ont semé et fait pousser les bonnes herbes, Wade a rendu visible l’ivraie, Macky a donc tous les atouts en main pour choisir les ressources humaines adéquates et cibler les secteurs porteurs afin que le Sénégal puisse enfin décoller.
Avec un tel système, Macky pourra éviter 3 défaites : la déception, la désillusion et le ridicule et éviter ainsi le sort d’Amara.

Doudou SENGHOR, Juriste
doudousenghor@gmail.com