QUELLE AGRICULTURE POUR LE SENEGAL ? ( Par MAMADOU GAÏNDE BADIANE )

A Messieurs
Bassirou Diomaye FAYE, Président de la République du Sénégal ,Ousmane SONKO, Premier Ministre du Sénégal , Mabouba DIAGNE, Ministre de l’agriculture et de l’élevage


L ’ agriculture moderne renvoie à trois notions : Système, Risque et Résilience. Notre système agraire, cette interrelation entre les dimensions sociale, milieu et technique agricole, nécessite un diagnostic approfondi qui forcément nous conduira à des questionnements sur notre milieu agraire. Une analyse paysagère qui sera fondée sur l’historique de son anthropisation. D’où nous viennent les modes d’utilisation de nos milieux agraires?.

Quelles sont les manières dont les agriculteurs sénégalais s’organisent dans le temps et dans l’espace pour produire et consommer leur nourriture?.

La connaissance historique des milieux dans lesquels on voudrait intervenir est primordiale pour la viabilité des productions agricoles, leur capacité à vivre et à se développer dans la durée, qui y sont prévues. Les modes d’utilisation de notre milieu agraire ont été toujours tributaires de facteurs exogènes notamment l’usage des politiques agricoles conventionnelles parrainées par les institutions internationales à l’aune de la gouvernance mondiale par exemple le programme d’ajustement du secteur agricole (PASA). Antérieurement, le programme agricole (PA) avait matérialisé le projet de promotion des cultures de rente par une spécialisation héritée de la colonisation c’est le cas de la principale culture d’exportation au Sénégal, l’arachide. Nous n’oublions pas le plan de redressement économique et financier (PREF) qui consacre l’avènement des cultures céréalières au détriment de la production de l’arachide avec comme conséquence l’explosion du déficit de notre balance commerciale.

Ainsi donc, les modes d’utilisation, comme vous pouvez le constater, ont toujours obéi à des contingences étrangères au nom de la libéralisation des marchés des produits et des intrants contrairement au principe sacro-saint qui voudrait que les politiques de développement soient spécifiques et adaptées aux pays concernés. Une étape de la globalisation qui consacre l’idéologie néolibérale avec comme démarche : privatisation et déréglementation. Un modus operandi qui a accentué la stagnation de nos économies, l’aggravation de la pauvreté et l’augmentation des inégalités. Cette approche globale de notre milieu agraire et l’intensification des pratiques dédiées ont entamé négativement la capacité d’actions collectives du monde rural. Les moyens de subsistance, les actifs et les compétences se sont considérablement détériorés. Ces différentes approches agricoles ont fini de rendre vulnérables les agriculteurs sénégalais incapables de faire face à l’adversité. Ainsi le ratio Risque sur capacités d’actions est trop élevé plongeant ainsi la quasitotalité de nos paysans dans la trappe de pauvreté. La situation où ils sont pris en étau entre la pauvreté et les aléas.

Messieurs,
L’agriculture revêt un caractère stratégique pour l’avenir de l’humanité. Elle est à la base de la sécurité alimentaire et représente plus de 15% des échanges commerciaux mondiaux. Elle constitue le fondement du développement économique et de la lutte contre la pauvreté. Il nous faut, par conséquent et à notre avis, adapter nos manières de faire à la nature et non l’inverse. Il faut revoir ce modèle de modernisation agricole dont le principe de base est de bousculer la façon de fonctionner des agriculteurs. Les changements techniques irréfléchis et inadaptés entraînent des effets pervers : pollutions, dysfonctionnement social, sociétal et perturbations des écosystèmes. Le progrès ne vient pas forcément du dehors.

Nous sommes certes conscient de l’impératif de l’innovation. Toute fois, elle doit être intégrée dans le cadre d’un système en tenant compte du contexte socio-économique de diffusion. L’agriculture conventionnelle se concentre de plus en plus vers l’amélioration variétale et l’impératif des économies d’échelles. Elle se focalise d’avantage sur des agrandissements, des investissements en capital et l’élimination du facteur travail. Même si son objectif est d’assurer un accroissement soutenu de la production nourrissante et d’améliorer la sécurité alimentaire : accessibilité, disponibilité et qualité adaptée. Quelle est cette qualité adaptée pour le Sénégal, pour le projet ?

Le mythe de la démarche exogène, du progrès qui vient d’ailleurs, nous mènera inéluctablement vers les OGM et AGROCARBURANTS comme extension naturelle et logique des multinationales de l’agro-industrie. Un modèle qui a montré ses limites : pollution des eaux, pauvreté des sols, perte de biodiversité, maladies humaines, externalités sociales et économiques. Nous devons encadrer et améliorer nos archaïsmes locaux. Il nous faut replacer les exploitations familiales modernisées au cœur de nos politiques publiques agricoles en traitant au mieux la question foncière, la maîtrise de l’eau et les dynamiques collectives accompagnées d’un filet de protection sociale pour les couches vulnérables.

Pour le foncier, il est clair qu’on n’entretient, ne développe et n’investit que sur ce que l’on possède. Le foncier, par conséquent, doit appartenir à l’Etat du Sénégal avec un droit d’usage encadré et accordé aux agriculteurs ayants droits. En ce qui concerne la problématique de la maîtrise d’eau, beaucoup de projets ont atterri dans les tiroirs pour des causes occultes ou contraintes de financements. On peut en citer : (i) Le Plan Directeur de Développement Intégré de la Rive Gauche (PDRG), (ii) le projet du Canal du Cayor ( 240 km de long et irrigation de 8.500 hectares de périmètres agricoles dans les régions de Louga, Thiès, Diourbel et Dakar ), (iii) le Programme de Revitalisation des Vallées Fossiles ( remise en eau de manière durable 3.000 km d’anciens cours d’eau dont les vallées du Ferlo et du Sine-Saloum ). Il nous faut à ce niveau reprendre tous ces projets et programmes pour venir à bout des inégalités de répartition des ressources en eau dans nos territoires. Ils nous permettront en outre d’organiser des transferts d’eau à partir des dix(10) milliards de m3 d’eau excédentaires rejetés en mer pendant les crues du Fleuve et ainsi rétablir les déséquilibres hydriques. les actions collectives quant-à elles, nous permettront de renforcer le capital social de nos agriculteurs et accroître leur capacité d’actions notamment leurs aspirations au-delà des préférences et des objectifs à court terme.

Nous devons changer progressivement ce libéralisme alimentaire contre notre souveraineté : droit à nos politiques agricoles, recherche de l’autosuffisance alimentaire et priorité au local. Il suffit de lever les verrous entre autres : les résistances des firmes et des lobbies, mais aussi des chercheurs et le manque d’appui des politiques publiques pour diffuser cette alternative. Elle nous permettra d’éviter cette thèse du marché qui nous oblige à subir les dures lois des institutions internationales avec comme soubassement scientifique la théorie des avantages comparés de David RICARDO.
Il nous faut enfin produire de quoi se nourrir. OUI pour la thèse du grenier qui fonde son argumentaire sur la souveraineté alimentaire. SOUVERAINETE, un mot qui revient inlassablement entre les lignes du projet qui vous a conduit au pouvoir. La nourriture est très importante pour être confiée au marché. JUB JUBBAL JUBBANTI

MAMADOU GAÏNDE BADIANE
Militant du projet PASTEF
Coordination du Mouvement AND JUBBANTI
Secrétaire Général de l’association des Gros Producteurs
Avicoles du Sénégal (AGROPAS)
Département PIKINE

 
Mardi 25 Juin 2024
Dakaractu




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