Pour que 2016 soit vraiment une bonne année ! (Par Amadou Tidiane Wone)


Pour que 2016 soit vraiment une bonne année ! (Par Amadou Tidiane Wone)
Au seuil de chaque année nouvelle, il est de bon ton de présenter des vœux, de s'offrir mutuellement des cadeaux, de s'embrasser goulûment pour rester dans l'air du temps. On en oublie de se souvenir que, si l'année dont on vient de sortir à été dure ou carrément mauvaise, les mêmes gens nous avaient pourtant souhaité qu'elle fut merveilleuse! Les rituels en finissent par perdre du sens et les mots convenus leur substance à force d'être dits sans conviction.
Alors, pour que l'année 2016 soit vraiment une bonne et heureuse année, j'ai choisi de m'interroger et de nous interpeller O Sénégalaises, O Sénégalais sur quelques questions de fond, hors des clivages partisans qui sont le prétexte facile au refus de nous regarder dans le miroir de nos propres défauts.

Pour cela, je pars de l'observation attentive de la photo suivante: nous voyons assis, côte à côte, le Président de la Republique actuel du Ghana entouré de deux de ses prédécesseurs regardant un match de football.  Par delà la forme, cette image renvoie à des questions de fond. Et notamment: dans notre Sénégal contemporain, sommes-nous vraiment les "gens bien" que nous croyons être ?

En effet, dans notre pays , en dépit de notre prétention à être un "modèle démocratique", nous n'avons jamais eu le plaisir de voir une telle image. La seule fois ou j'ai vu trois de nos Chefs d'Etat ensemble, c'était lors des funérailles du Président Léopold Sedar SENGHOR, couché dans son cercueil, Abdou Diouf dans la tribune et Abdoulaye Wade au micro devant le Palais de la Republique. Détrompez-moi si je m'abuse...triste occasion en tous cas!

En vérité chaque alternance dans notre pays, depuis notre "indépendance",  est suivie d'une traque( plus ou moins violente, plus ou moins sournoise) des anciens gestionnaires du pouvoir par les nouveaux arrivants. Regardons un peu dans le rétroviseur: quelles misères n'ont pas subies les partisans du Président Mamadou DIA( lui-même emprisonné ) après les événements de 1962? Quelles humiliations n'a t-on pas fait subir aux " barons" du Senghorisme à son départ du Pouvoir? Quelles menaces n'a t-on pas fait planer sur les hauts responsables du parti socialiste à l'accession de Abdoulaye Wade à la magistrature suprême? Si tout cela est vérifiable car les témoins et acteurs encore vivants, le passage du témoin entre Abdoulaye Wade et Macky SALL qui se déroule encore sous nos yeux mérite que l'on s'y arrête. Tant la plaie est béante! Tant les limites du convenable me semblent dépassées car, la violence faite à l'ancien Président Abdoulaye Wade est sans commune mesure avec le traitement qu'il a réservé au Président Abdou Diouf pendant ses douze ans de mandat. Il est notamment incompréhensible que le Président Macky Sall fasse comme s'il avait succédé au Président Diouf ignorant royalement son mentor, celui par qui les voies de son destin ont été tracées par Dieu, le Donateur Suprême. Même si nous gardons en mémoire le combat, lui aussi violent, qui lui a été livré pour le faire partir de la Présidence de l'Assemblée Nationale il faut convenir, avec le recul, que  sans ce départ il ne serait pas devenu Chef de l'Etat!  Ayons tous une lecture positive des événements ( parfois contrariants) qui se succèdent pour forger notre destin.  Mais ce n'est pas cela le cœur de mon propos. En plus, les esprits chagrins me soupçonneraient aisément de parti pris, voire d'être en service commandé...

Le véritable drame à mes yeux, c'est qu'aucune voix autorisée ne soit intervenue, depuis trois ans, de manière haute, lucide et conséquente pour apaiser les tensions et renouer les fils du dialogue en n'ayant en ligne de mire que les intérêts supérieurs du Sénégal ! Le silence assourdissant de notabilités qui ont leur mot à dire lorsque des responsables mettent en péril certains équilibres et inquiétant. Pire, les mêmes personnes qui encensaient Abdou Diouf et Abdoulaye Wade sont au service du Président Macky Sall et lui trouvent toutes les vertus et aucun défaut! Ils en feront de même avec son successeur. Sacré Senegal !

À moins que l'on ne nous aie pas tout dit sur les dessous véritables des relations plus que médiocres qui prévalent entre le Président Macky Sall et son prédécesseur, il y'a tout de même matière à se demander ce qui s'est passé depuis la très belle passation de service entre ces deux hommes. Entendons nous bien: seules les conséquences fâcheuses de cette adversité sur notre tissu social et le développement de notre pays nous intéressent ici. Et c'est sous ce rapport que certains acteurs de premier plan de notre vie publique nous doivent de rasséréner leurs relations pour une mobilisation optimale des talents et des ressources de notre Nation. Ce pays nous appartient à tous. Également. Nous ne sommes pas des ennemis que je sache! Certains ( les mêmes d'ailleurs) vont y voir un appel du pied alors que je m'adresse à la tête et au cœur de ceux qui réfléchissent !

Au demeurant, et en y regardant de près, les racines du mal semblent plus profondes que l'on ne croit et c'est ce qui devrait nous préoccuper, si l'on veut changer notre pays,  par delà les acteurs principaux du moment: chacune des séquences historiques évoquées plus haut, aura trouvé les relais sociaux, culturels, maraboutiques et intellectuels pour légitimer toutes ses dérives . Et c'est cela qui interpelle notre conscience collective: le fossé qui existe entre les valeurs religieuses et morales que nous proclamons et la réalité des contorsions mentales auxquelles nous nous livrons selon nos intérêts du moment.

Les racines du mal sont à rechercher aussi dans la promotion de fausses références qui sont portées au pinacle comme étant la norme de notre "senegalite". Le discours public est infesté de contre-valeurs qui légitiment la trahison et font l'apologie de l'enrichissement sans cause. La transhumance en est le modus operandi le plus achevé. Les " jakarlo" et autres " xaware" en sont les lieux fétiches. Nos médias font la promotion de la luxure, du culte du paraître et des artifices. Même certains des "chefs religieux" sont tombés dans le piège du show bizz, de la "people-isation" de leur activités au point d'en oublier la quintessence de leur mission. Notre société est dans une sorte de représentation permanente, un jeu de rôles ou les plus bavards, sans foi ni loi, tirent leur épingle du jeu. Lorsque l'on parle de "rupture" on ne peut faire l'économie d'une vraie introspection et de la prise de mesures correctives rigoureuses. Or ce type de réforme n'est possible qu'au prix d'un leadership exemplaire et sans concession. Ceux qui dirigent doivent donner le bon exemple en tout. Il leur faut oser l'inédit !

Pour que 2016 soit vraiment une bonne année, arrêtons de nous flatter les uns les autres ou, pire, de faire de la médisance et du colportage de rumeurs notre pain quotidien. Parlons vrai. Agissons droit. Alors, nous mériterons peut-être de la Miséricorde divine qui nous observe et suspend le flots de ses Grâces à la révision de nos inconduites.
La santé, la prospérité et l'opulence, que je souhaite pour chaque sénégalaise et chaque sénégalais, couleront alors de source en cette nouvelle année.
Dewenetti !
Amadou Tidiane WONE
Lundi 4 Janvier 2016




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