Parrainage : après le vote de la loi, la chasse aux parrains


Parrainage : après le vote de la loi, la chasse aux parrains
Juste un an après un référendum historique aux allures d’une campagne présidentielle, une nouvelle révision de notre Loi fondamentale sur le parrainage a été engagée par le Gouvernement du Sénégal. Cette Loi qui introduit des changements majeurs dans le processus électoral intervient dans un contexte particulier, marqué d’une part par un dialogue de sourds entre pouvoir et opposition, et d’autre part par des souvenirs amers sur les élections législatives de juillet 2017. Le processus d’organisation de cette élection était parsemé de couacs inadmissibles dans un pays où les citoyens votent depuis plus d’un siècle. 
Auparavant, c’était seulement les candidatures indépendantes aux élections présidentielles qui étaient astreintes au parrainage. Désormais, avec l’article 57 de la réforme du code électoral, « toute candidature à une élection, présentée par un parti politique légalement constitué, une coalition de partis politiques légalement constitués ou une entité regroupant des personnes indépendantes, est astreinte au parrainage desdites candidatures par une liste d’électeurs ».
Dans les débats et réactions sur le parrainage, nous avons retenu ceci : les acteurs politiques ne rejettent pas totalement le principe de filtrage des candidatures ; la hantise des 47 listes des récentes élections législatives est encore présente.  C’est l’absence de dialogue qui est plutôt déplorée, car elle ne permet pas d’avoir des garanties techniques pour une bonne application de cette réforme. Egalement, la période n’est pas très propice, puisque nous sommes à dix mois des élections présidentielles. Pourquoi cette réforme n’avait été intégrée dans les 15 points du référendum de 2016 ?  Les arguments brandis par le pouvoir pour répondre à cette question ne sont pas solides. 
Vu la prolifération exponentielle de partis politiques (environ 300 partis politiques) et de candidatures farfelues, obstacles à la lisibilité du paysage politique, il urge de réfléchir de manière durable et efficace sur un mécanisme de filtrage. Dès lors, quelle serait la meilleure stratégie à adopter ? Certes, la recherche d’une solution est un impératif, mais elle requiert un minimum de temps et un consensus fort. Un sprint solitaire n’aboutirait qu’à des revers et confusions. 
La chasse éhontée aux parrains est déjà lancée. Des stratégies de positionnement et de préservation de strapontin sont peaufinées sans gêne sous le couvert d’un parrainage dont la Loi n’est même pas encore promulguée. 
Le Gouvernement doit assumer ses responsabilités et garantir des conditions techniques correctes et transparentes d’application de cette réforme électorale, qui ne doit pas être la porte ouverte à des pratiques peu orthodoxes.  
Je crains une zizanie généralisée que provoquerait le parrainage. Tel que nous connaissons notre société et ses acteurs politiques, l’argent coulera à flot sans nul doute. Chez mes parents dans le Ndukuman et tant d’autres zones, les populations subiront très certainement la rétention volontaire de leur pièce d’identité par « des rabatteurs de parrains ». 
C’est pourquoi, la Majorité ne doit pas crier victoire avant l’étape la plus difficile, notamment l’application avec succès de cette Loi sur le parrainage. 
Il faudra s’attendre également à des surprises, certains candidats risquent d’être  « orphelins », car des parrains les lâcheraient devant les urnes. 
Le ministre de la justice et garde des sceaux, par ailleurs constitutionnaliste, parle de révisions constitutionnelles déconsolidantes et de révisions consolidantes, mais nous ajoutons dans sa réflexion la notion de procédure. Alors, nous parlons de procédures de révisions constitutionnelles déconsolidantes et de procédures de révisions consolidantes. Ceci pour dire qu’au-delà de la qualité intrinsèque des textes de loi, les procédures de création et de révisions de nos constitutions en Afrique suscitent toujours passion et tension. 
Dans nos pays, tant que la constitution continue d’être une commande personnelle et non celle de la République, elle demeurera en perpétuelle modification et servira de béquilles au régime en place. Par conséquent, elle perd de sa sacralité et le principe d’impersonnalité. Comme disait l’autre, la constitution devient « un cahier de brouillon ». 
La riche histoire politique du Sénégal qui a produit d’éminents hommes et femmes n’admet pas qu’en 2018, nos acteurs politiques consacrent encore l’essentiel de leurs temps et des débats à la question électorale. Ce débat doit être dépassé.
Il faut repenser notre système politique, si nous voulons évoluer en tant que nation respectable et un Etat aspirant au progrès. Des pôles ou centres de pouvoirs autonomes et crédibles capables de cohabiter de manière responsable et voués aux services et intérêts exclusifs de la Nation sont la solution à nos maux. Par ailleurs, nous voudrions rappeler qu’une démocratie ne se résume pas qu’au processus électoral, la gestion du pouvoir, les relations entre institutions, les débats de qualités sur des questions économiques, sociales, environnementales etc. sont également d’une importance capitale. 


Momath Talla NDAO
Adresse : Kaffrine
Mercredi 25 Avril 2018




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