Albert Camus, victime des services secrets soviétiques ? C'est la thèse d'un universitaire italien, accueillie lundi avec scepticisme par les experts, qui assure que l'accident de la route dans lequel l'écrivain français a trouvé la mort en 1960 à 46 ans aurait été provoqué par des agents du KGB.
Giovanni Catelli, un spécialiste de l'Europe de l'Est, dont la théorie a été exposée dans les colonnes du quotidien italien Il Corriere della Sera, a découvert cette version des faits dans le journal posthume du poète tchèque Jan Zabrana, intitulé «Toute la vie».
Les confessions d'un Russe proche du KGB
Selon Catelli, dans l'édition originale en tchèque de ce journal figure un passage non traduit dans l'édition italienne où Zabrana fait état d'une rencontre avec un Russe proche du KGB et la raconte ainsi : «J'ai entendu une chose très étrange d'un homme qui sait beaucoup de choses, et qui dispose de sources pour les connaître», commence-t-il.
«Il affirme que l'accident de la route dans lequel est mort Camus en 1960 a été arrangé par l'espionnage soviétique. Ils ont endommagé un pneu de la voiture grâce à un outil qui lors d'une pointe de vitesse a tailladé ou crevé le pneu», poursuit-il.
«L'ordre pour cette action a été donné personnellement par le ministre (soviétique des Affaires étrangères Dmitri) Chepilov, comme récompense pour l'article publié sur «Franc-Tireurs» en mars 1957 dans lequel Camus, à propos des événements en Hongrie, a attaqué ce ministre, le nommant de façon explicite...», ajoute-t-il.
Michel Onfray ne croit pas à cette théorie
Aussi séduisante soit-elle, cette théorie aux ingrédients dignes d'un James Bond ne convainc pas le philosophe français Michel Onfray, qui doit publier une biographie de l'auteur en janvier. «Je ne ne crois pas cela plausible, le KGB avait les moyens d'en finir autrement avec Albert Camus», estime-t-il.
Surtout, «ce jour là, Camus devait en fait rentrer par le train. Il avait même son billet, et c'est au dernier moment qu'il a décidé de rentrer avec Michel Gallimard (neveu de l'éditeur Gaston). D'ailleurs, la voiture était celle de Gallimard», explique le philosophe, notant également que la Facel Vegua était une voiture qui «ne tenait pas la route». «Que les Soviétiques aient eu envie d'en finir avec lui (Camus), c'est sûr, mais pas comme ça», conclut-il.
Camus était engagé contre la répression et l'expansion communiste
Vojtech Ripka, de l'Institut pour l'étude des régimes totalitaires de Prague, est lui aussi très circonspect : cette théorie «ne peut pas bien sûr être vérifiée (...) Toutes les choses intéressantes que le StB (la police secrète communiste tchèque) a trouvées et que les Soviétiques voulaient sont allées directement là-bas (à Moscou). Les Russes ne vous laisseront pas mettre votre nez la-dedans».
Le mystère, si mystère il y a, risque donc de planer encore longtemps sur la mort du plus jeune Nobel de l'Histoire (en 1957 à 44 ans) à bord d'une Facel Vega qui roulait à toute allure en direction de Paris et qui a fini contre un arbre à 24 km de Sens, mettant fin à la carrière fulgurante de l'auteur de «La peste» et de «La Chute». Ecrivain engagé, il avait protesté contre la répression sanglante des révoltes de Berlin-Est (juin 1953) et contre l'expansionnisme communiste à Budapest (septembre 1956)
( Avec AFP )
( Avec AFP )
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