Lettre à Macron : Pour une réelle reconnaissance des Tirailleurs Sénégalais (Par Gaspard Mbaye)

Le président de l’association pour la mémoire des Tirailleurs Sénégalais (AMTS) a adressé une lettre au président français Emmanuel Macron en perspective de la célébration du 80e anniversaire du tirailleur sénégalais.

Gaspard Mbaye propose une nouvelle approche pour célébrer ces héros sénégalais.


Monsieur le Président de la République,
Dimanche 28 juillet, Vous avez décidé de reconnaître “morts pour la France”, à titre posthume, six tirailleurs africains, exécutés avec des dizaines d'autres sur ordre d'officiers de l'armée française en 1944 à Thiaroye au Sénégal.
 
Permettez-moi de vous informer que notre Association Mémoire du Tirailleurs Sénégalais - AMTS que j’ai l’honneur de présider, est dans l’attente d’une meilleure considération de la mémoire des Tirailleurs. Permettez-moi de vous exprimer, sans ambages, ma profonde déception au regard du nombre infime de tirailleurs que vous reconnaissez “morts pour la France”. En effet, d'après les chiffres officiels de l'armée française, ils sont au moins 35 tirailleurs à trouver la mort dans ce que les historiens appellent “le massacre de Thiaroye”. Selon d’autres sources, ils sont plus de 400 à 600 tirailleurs à disparaître à la suite des évènements du 1er décembre 1944 à Thiaroye.
 
Il est absolument regrettable que cette affaire de Thiaroye, vieille de 80 ans, continue de nuire aux relations entre la France et les familles des victimes qui sont encore dans l’attente d’être indemnisées. Votre décision de reconnaître 6 tirailleurs sur les dizaines ou centaines de morts, ne permet guère d’apaiser les tensions ni de reconnaître pleinement la mémoire des tirailleurs de Thiaroye.
 
En ce jour de commémoration du débarquement de Provence, vous louez le rôle des tirailleurs africains dans l’opération Dragoon du 15 août. Vous oubliez cependant de mentionner que ces soldats africains sont victimes d’humiliation multiples quelques jours après le débarquement, contraints de faire marche arrière, démobilisés en raison de la couleur de leur peau. En outre, 80 ans plus tard, vous poursuivez l’humiliation de la mémoire des centaines de milliers de tirailleurs en utilisant une dizaine de tirailleurs allocataires du revenu de solidarité pour personne âgée. Force est de constater que cette dizaine de tirailleurs n’a rien à voir avec le débarquement de 1944 ni avec les opérations de la Seconde Guerre mondiale et encore moins avec les opérations de la Première Guerre mondiale. Ils ont servi lors des guerres de décolonisation en Indochine, Madagascar, Algérie, Cameroun, par conséquent, en rien glorieux, sont sans cesse instrumentalisés aujourd’hui pour servir les ambitions de communication de Madame Aïssata Seck.
 
 
Les vrais héros, les vrais combattants de la liberté sont morts dignement dans leur sacrifice depuis fort longtemps et n’attendent ni allocation sociale ni nationalité française.
 
Monsieur le Président, si vous souhaitez rendre aux Tirailleurs leur honneur, il vous revient de leur accorder une place réelle dans l’histoire de France en autorisant l’entrée au Panthéon d’un tirailleur de la Grande Guerre ou de la Seconde Guerre mondiale. Le capitaine Charles N'tchoréré, héros des deux guerres mondiales demeure la figure emblématique du tirailleur panthéonisable. Addi Bâ, figure du tirailleur résistant, exécuté par les nazis en 1944 est aussi une autre figure emblématique de la mémoire des Tirailleurs.
 
Enfin, Monsieur le Président, si vous voulez apaiser la souffrance des familles victimes du massacre de Thiaroye, il vous revient de reconnaître que les centaines de tirailleurs de Thiaroye morts en décembre 1944, ne sont pas “morts pour la France” mais “exécutés par la France”, car ce sont leurs propres frères d’arme, sous les ordres d’officiers coloniaux qui ont ouvert le feu sur leurs camarades.
 
Ces reconnaissances sont très attendues. En les réalisant, vous ferez non seulement une œuvre de grandeur mais également une œuvre de sincérité.
 
Je vous prie d'agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de mes salutations distinguées.
Dimanche 18 Août 2024
Dakaractu



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