En effet, lorsque j’ai appris, dans la presse en ligne, sa publication intitulée « Une autre lecture des résultats de la politique de l’autosuffisance en riz au Sénégal», il m’a été donné de remarquer que, dans le postulat de départ, M. Ndao a omis, volontairement ou par ignorance, de préciser que le Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture sénégalaise (PRACAS) avait quatre filières prioritaires : 1) l’autosuffisance en riz ; 2) l’autosuffisance en oignon ; 3) l’optimisation des performances de la filière arachidière et 4) le développement de la filière de fruits et légumes de contre saison.
Par ailleurs, les autres spéculations (mil, maïs, manioc, fonio, etc.) ont fait l’objet d’attention et d’appuis très forts, entre 2014 et 2017.
C’est ainsi que la production en céréales est passée de 1 132 787 tonnes, en 2011, à 2 516 466 tonnes, en 2017, en passant par 1 270 936 tonnes, en 2013. La production arachidière qui était de 527 528 tonnes, en 2011, tourne autour du million de tonnes depuis trois ans. La production de fruits et légumes passe de 932 000, en 2013, à plus d’un millions deux-cents tonnes. L’oignon, en tant que filière prioritaire, double son niveau de production entre 2013 et 2017 (230 000 tonnes à 450 000 tonnes). La pomme de terre, qui était marginale, commence à occuper des parts intéressantes (12 500 tonnes en 2011 ; 20 000 tonnes en 2013 et plus de 67 000 tonnes en 2016). Les exportations horticoles en volume, qui étaient de 67 598 tonnes en 2013, dépassent les 91 000 tonnes en 2016.
L’option de cette diversification visait à atténuer les risques liés à une monoculture, aux changements climatiques, à sécuriser les sources de revenu des producteurs et à leur permettre d’avoir une alimentation mieux équilibrée.
Au demeurant, il me faut souligner que la nécessité de commencer par ces filières tire son origine sur l’état peu reluisant dans lequel elles étaient, malgré leur importance stratégique dans le devenir de notre cher Sénégal.
Autrement dit, si M. Ndao ne comprend pas bien la logique qui a sous-tendu la mise en œuvre du PRACAS, le risque de mal l’interpréter et mal lire ses résultats devient fortement probable.
Du coup, il me semble que M. Ndao n’est pas loin de tomber dans ce piège et les éléments d’appréciation suivants me confortent dans ce sentiment :
1. Monsieur Ndao reconnait, en filigrane, la justesse et la pertinence de se doter d’un instrument qu’est le Programme national d’Autosuffisance en Riz (PNAR), pour conduire le Sénégal vers l’autosuffisance en riz. Et il enseigne même qu’il faut agir sur deux leviers : « le premier est d’augmenter la production du riz et le second est d’encourager la diminution de la consommation du riz en diversifiant la base alimentaire du pays ». Il conclut que l’Etat n’a agi que sur le premier levier qu’il qualifie d’approche productiviste, limitée.
Je dois faire comprendre à Monsieur Ndao que les efforts consentis au profit du développement des autres spéculations, que j’ai évoquées plus haut, renseignent que la conclusion qu’il a servie à l’opinion est fausse.
Par ailleurs, Monsieur Ndao doit comprendre, de façon terre à terre, qu’il est parfaitement admis que les changements d’habitudes alimentaires sont lents alors qu’une bonne organisation permet d’augmenter rapidement le niveau de production agricole. En effet, si, en l’espace de quatre ans, le niveau de production a pu valablement augmenter et être constaté par tous, ce qui est le cas pour le riz actuellement, il sera difficile, dans ce délai, de transformer radicalement les habitudes alimentaires d’une population.
Mais, je ne suis pas surpris par la sortie de Monsieur Ndao car, dans ce Sénégal où nous comptons une foultitude de spécialistes en conjecture, on verra toujours des arguments très captieux pour prétendre le contraire.
2. Monsieur Ndao avance que « l’Etat a massivement investi dans ce programme en augmentant les surfaces emblavées et les équipements agricoles mis à la disposition des riziculteurs. »
Il ne doit pourtant pas ignorer, en tant qu’agroéconomiste, que l’Etat sénégalais n’emblave pas. Cette activité revient aux producteurs. L’Etat leur facilite les conditions de pratique, grâce à un accès aisé aux intrants de qualité (à titre illustratif, nous sommes passés de zéro kilogramme de semences certifiées de riz mises à la disposition des riziculteurs à environ 8000 tonnes, entre 2011 et 2017), à la maitrise de l’eau, à l’accès aux équipements (de zéro tracteur à près de deux mille tracteurs), au conseil rizicole, etc,
3. Comparant le niveau des importations à celui de la production en 2013 et 2016, M. Ndao y trouve un paradoxe car, selon lui, « l’accroissement de la production n’a pas impacté significativement la baisse des importations ». Il avance trois hypothèses qui pourrait justifier cela : augmentation de la consommation du riz par les sénégalais, problème d’écoulement ou statistiques fausses.
Tombant lourdement dans l’erreur, M. Ndao ne sait peut-être pas que l’indicateur pertinent à ce niveau n’est pas le volume des importations, mais le niveau des autorisations de mise à la consommation. Et il doit comprendre que, importations et productions locales n’étant pas dans un système de vase communicant, un lien automatique ne saurait être établi entre les deux réalités.
D’ailleurs, l’examen de ces deux paramètres, dans les pays (23) engagés dans une politique d’autosuffisance en riz, suffit en exemple.
Toutefois, il est opportun de saluer le courage des autorités étatiques qui cherchent à indexer les importations à l’achat de riz local.
En ce qui concerne le budget de 424,7 milliards évoqué par Monsieur Ndao, il me faut lui apprendre qu’il s’agissait bel et bien d’une évaluation du coût des besoins du secteur intégrant la participation de l’ensemble des acteurs.
Voilà pourquoi le niveau des rizeries modernes opérationnelles est passé d’une dizaine à une cinquantaine, présentement au Sénégal. Et ces investissements qui sont l’œuvre de privés ont permis d’avoir à présent un riz répondant aux standards internationaux.
4. En ce qui concerne les statistiques, l’appréciation faite par Monsieur Youssou Ndao semble les remettre en cause. Et ce qui lui enlève toute forme d’objectivité est le fait que, après avoir avancé que « la production semblent surévaluée », il reconnait, plus loin que cette même « production de riz au Sénégal a enregistré incontestablement des résultats intéressants ces dernières années ».
Comment l’a t-il mesurée ?
Il y a, donc, lieu de soutenir que cette tendance déconcertante de dire une chose et son contraire de certains « grands penseurs » donne l’image d’enfants qui plaisantent avec des choses sacrées.
Monsieur Ndao sait-il que la base de sondage utilisée pour la collecte des données agricoles est issue du recensement général de la population, de l’habitat et de l’élevage, fait par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographique (ANSD) ?
Certainement pas. Néanmoins, il doit retenir que les données agricoles subissent, chaque année, une validation rigoureuse au niveau national et international par des institutions sérieuses et spécialisées en la matière (CILSS, AgriMeth, FAO, PAM, FewsNet, OCDE).
En définitive, nous osons espérer que ces quelques éléments de précision seront utiles à Monsieur Youssou Ndao et lui permettront, à l’avenir, d’être plus nuancé dans ses analyses.
Que Dieu protège le Sénégal !
Dr Waly DIOUF
Coordonnateur du Programme National d’Autosuffisance en Riz (PNAR)
Par ailleurs, les autres spéculations (mil, maïs, manioc, fonio, etc.) ont fait l’objet d’attention et d’appuis très forts, entre 2014 et 2017.
C’est ainsi que la production en céréales est passée de 1 132 787 tonnes, en 2011, à 2 516 466 tonnes, en 2017, en passant par 1 270 936 tonnes, en 2013. La production arachidière qui était de 527 528 tonnes, en 2011, tourne autour du million de tonnes depuis trois ans. La production de fruits et légumes passe de 932 000, en 2013, à plus d’un millions deux-cents tonnes. L’oignon, en tant que filière prioritaire, double son niveau de production entre 2013 et 2017 (230 000 tonnes à 450 000 tonnes). La pomme de terre, qui était marginale, commence à occuper des parts intéressantes (12 500 tonnes en 2011 ; 20 000 tonnes en 2013 et plus de 67 000 tonnes en 2016). Les exportations horticoles en volume, qui étaient de 67 598 tonnes en 2013, dépassent les 91 000 tonnes en 2016.
L’option de cette diversification visait à atténuer les risques liés à une monoculture, aux changements climatiques, à sécuriser les sources de revenu des producteurs et à leur permettre d’avoir une alimentation mieux équilibrée.
Au demeurant, il me faut souligner que la nécessité de commencer par ces filières tire son origine sur l’état peu reluisant dans lequel elles étaient, malgré leur importance stratégique dans le devenir de notre cher Sénégal.
Autrement dit, si M. Ndao ne comprend pas bien la logique qui a sous-tendu la mise en œuvre du PRACAS, le risque de mal l’interpréter et mal lire ses résultats devient fortement probable.
Du coup, il me semble que M. Ndao n’est pas loin de tomber dans ce piège et les éléments d’appréciation suivants me confortent dans ce sentiment :
1. Monsieur Ndao reconnait, en filigrane, la justesse et la pertinence de se doter d’un instrument qu’est le Programme national d’Autosuffisance en Riz (PNAR), pour conduire le Sénégal vers l’autosuffisance en riz. Et il enseigne même qu’il faut agir sur deux leviers : « le premier est d’augmenter la production du riz et le second est d’encourager la diminution de la consommation du riz en diversifiant la base alimentaire du pays ». Il conclut que l’Etat n’a agi que sur le premier levier qu’il qualifie d’approche productiviste, limitée.
Je dois faire comprendre à Monsieur Ndao que les efforts consentis au profit du développement des autres spéculations, que j’ai évoquées plus haut, renseignent que la conclusion qu’il a servie à l’opinion est fausse.
Par ailleurs, Monsieur Ndao doit comprendre, de façon terre à terre, qu’il est parfaitement admis que les changements d’habitudes alimentaires sont lents alors qu’une bonne organisation permet d’augmenter rapidement le niveau de production agricole. En effet, si, en l’espace de quatre ans, le niveau de production a pu valablement augmenter et être constaté par tous, ce qui est le cas pour le riz actuellement, il sera difficile, dans ce délai, de transformer radicalement les habitudes alimentaires d’une population.
Mais, je ne suis pas surpris par la sortie de Monsieur Ndao car, dans ce Sénégal où nous comptons une foultitude de spécialistes en conjecture, on verra toujours des arguments très captieux pour prétendre le contraire.
2. Monsieur Ndao avance que « l’Etat a massivement investi dans ce programme en augmentant les surfaces emblavées et les équipements agricoles mis à la disposition des riziculteurs. »
Il ne doit pourtant pas ignorer, en tant qu’agroéconomiste, que l’Etat sénégalais n’emblave pas. Cette activité revient aux producteurs. L’Etat leur facilite les conditions de pratique, grâce à un accès aisé aux intrants de qualité (à titre illustratif, nous sommes passés de zéro kilogramme de semences certifiées de riz mises à la disposition des riziculteurs à environ 8000 tonnes, entre 2011 et 2017), à la maitrise de l’eau, à l’accès aux équipements (de zéro tracteur à près de deux mille tracteurs), au conseil rizicole, etc,
3. Comparant le niveau des importations à celui de la production en 2013 et 2016, M. Ndao y trouve un paradoxe car, selon lui, « l’accroissement de la production n’a pas impacté significativement la baisse des importations ». Il avance trois hypothèses qui pourrait justifier cela : augmentation de la consommation du riz par les sénégalais, problème d’écoulement ou statistiques fausses.
Tombant lourdement dans l’erreur, M. Ndao ne sait peut-être pas que l’indicateur pertinent à ce niveau n’est pas le volume des importations, mais le niveau des autorisations de mise à la consommation. Et il doit comprendre que, importations et productions locales n’étant pas dans un système de vase communicant, un lien automatique ne saurait être établi entre les deux réalités.
D’ailleurs, l’examen de ces deux paramètres, dans les pays (23) engagés dans une politique d’autosuffisance en riz, suffit en exemple.
Toutefois, il est opportun de saluer le courage des autorités étatiques qui cherchent à indexer les importations à l’achat de riz local.
En ce qui concerne le budget de 424,7 milliards évoqué par Monsieur Ndao, il me faut lui apprendre qu’il s’agissait bel et bien d’une évaluation du coût des besoins du secteur intégrant la participation de l’ensemble des acteurs.
Voilà pourquoi le niveau des rizeries modernes opérationnelles est passé d’une dizaine à une cinquantaine, présentement au Sénégal. Et ces investissements qui sont l’œuvre de privés ont permis d’avoir à présent un riz répondant aux standards internationaux.
4. En ce qui concerne les statistiques, l’appréciation faite par Monsieur Youssou Ndao semble les remettre en cause. Et ce qui lui enlève toute forme d’objectivité est le fait que, après avoir avancé que « la production semblent surévaluée », il reconnait, plus loin que cette même « production de riz au Sénégal a enregistré incontestablement des résultats intéressants ces dernières années ».
Comment l’a t-il mesurée ?
Il y a, donc, lieu de soutenir que cette tendance déconcertante de dire une chose et son contraire de certains « grands penseurs » donne l’image d’enfants qui plaisantent avec des choses sacrées.
Monsieur Ndao sait-il que la base de sondage utilisée pour la collecte des données agricoles est issue du recensement général de la population, de l’habitat et de l’élevage, fait par l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographique (ANSD) ?
Certainement pas. Néanmoins, il doit retenir que les données agricoles subissent, chaque année, une validation rigoureuse au niveau national et international par des institutions sérieuses et spécialisées en la matière (CILSS, AgriMeth, FAO, PAM, FewsNet, OCDE).
En définitive, nous osons espérer que ces quelques éléments de précision seront utiles à Monsieur Youssou Ndao et lui permettront, à l’avenir, d’être plus nuancé dans ses analyses.
Que Dieu protège le Sénégal !
Dr Waly DIOUF
Coordonnateur du Programme National d’Autosuffisance en Riz (PNAR)
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