A la recherche de mon sujet du jour, je me suis offert un tour de ville. Ici, le repos dominical ne semble pas de mise. Les rues sont pleines de monde, les « Kankourang »rivalisent d’animation d’un quartier à un autre. Mais ce qui s’impose surtout à ma vue, c’est la jeunesse de la population. Des jeunes, des centaines de jeunes, très jeunes mêmes. Des adolescents, des adolescentes surtout. Ils marchent par groupe, parfois au milieu de la chaussée, comme pour défier les automobilistes et surtout défier les motocyclistes. Oui les motos ! Les « Jakarta ». Je croyais que Kaolack était la capitale des « Deux roues » mais KOLDA est bien placée pour être championne d’Afrique dans le domaine. Il semble que le secteur est le premier employeur de la ville. Cette donnée inspire certains pour railler les autorités, les accusant de manquer de solution à la forte demande d’emploi.
Mais la présence des motos expriment aussi une dynamique économique, un développement fulgurant du petit commerce dans la ville, induisant un fort corolaire logistique. Le chômage est certainement présent comme partout ailleurs dans le pays, voir dans le monde.
Je décide de creuser. L’économie, mon sujet du jour ! De quoi KOLDA vit-elle ?
Ma pensée est tout de suite allée à la Sodefitex, jadis fleuron de l’industrie du Fouladou, à l’age d’or du coton. Une petite visite, sur la nationale 6, en direction de Velingara.
Sur le site, quelques engins immobilisés par l’usure, des carcasses d’engins même, deux employés endormis sous le généreux feuillage d’un manguier et une clôture quasi inexistante. « Et pourtant l’entreprise tient bon », selon Tam, mon guide du jour. De son vrai nom Ndiogou Wack Tambedou, ce natif de Nioro, sorti avec le titre d’ingénieur agronome de l’université Assane SECK, veut me donner une image positive de la société chargée de promouvoir la culture et la transformation du coton, dans les régions de Tamba, Kedougou et KOLDA.
Faute de graines suffisantes- la production de coton a drastiquement chuté, la Sodefitex a misé dans les prestations de service à travers sa filiale « Bamtaare ». « Bamtaare s’est positionnée comme le principal opérateur de programmes de la région », m’explique Tam. KOLDA compte pas moins d’une quarantaine de programmes et projets agricoles financés par le gouvernement et les organismes de développement. « Naturellement, forte de son expérience de près d’une quarantaine d’années, d’une basée de données sans commune mesure et d’un savoir faire avéré, la Sodefitex et sa filiale se sont imposées comme l’interface idéale pour tout projet agricole dans la région ». Bel exemple de résilience d’une société publique qui plus est est un grand pourvoyeur d’emplois.
La Sodefitex a une jumelle : la Sodagri, société d’aménagement agricole et industrielle du Sénégal, spécialisée dans l’aménagement des casiers rizicoles avec ses performances exceptionnelles depuis que le barrage de l’Anambe a été réhabilité et sa capacité augmentée. « Depuis quelques années beaucoup d’entreprises ont vu le jour avec l’augmentation des surfaces emblavées par la Sodagri ». De nouvelles machines agricoles dignes des exploitations agricoles des plus grands pays producteurs ont été fournies par le gouvernement, permettant une productivité assez compétitive. Les vocations pour les métiers de la mécanique ont été boostees.
À côté des casiers irrigués, le riz continental, cultivé sous pluie, n’est pas en reste.
Le vrai boom agricole vient cependant des spéculations commerciales. Sur l’axe Kolda/Medina Yoro Foula, comme sur l’axe Kolda/Pata, d’impressionnants champs d’arachide s’étalent à perte de vue, à la lisière des forêts, qui il faut le dire perdent du terrain au grand dam des écologistes. C’est que le bassin arachidier s’est subrepticement déplacé et installé au cœur du Fouladou, plus précisément dans le département de Medina Yoro Foula. La région de Kolda a produit à elle seule 308 mille tonnes d’arachide en 2021, c’est à dire plus du tiers de la production nationale. « Les revenus des paysans ont radicalement augmenté avec l’arachide ». L’apport de l’arachide c’est aussi une amorce d’industrialisation visible à travers les magasins de stockage, les ponts bascule…Sonacos, qui est bien placée pour mesurer la dynamique arachidiere a implanté une usine à Kolda. « Pour nous approcher de notre principale zone de collecte », explique un haut responsbale de l’oléagineux qui requiert l’anonymat.
L’entreprenarjat agricole a aussi connu un boom avec le développement du Cajou. « Anacardium occidentale », non scientifique de l’anarcardier, particulièrement prolifique sur les terres du Fouladou. La
Région de Kolda rivalise la première place de producteur avec la région de Sedhiou. Au total, le Sénégal a réalisé un chiffre d’affaires de 57 milliards avec 82 mille tonnes en 2021 et la région de Kolda revendique plus du tiers de ce tonnage de cajou. Bouba Konta, jeune entrepreuneur agricole, nous fait visiter sa plate forme logistique. Ici, il entend développer une capacité de stockage de 15 mille tonnes de cajou. La construction a bien avancé. Mais au delà du stockage qui est une nouvelle industrie en soi, Konta veut surtout développer la transformation. Il a compris, à force de côtoyer ses clients indiens et vietnamiens, que « vendre le cajou est certes rentable, mais que la transformation offre une rentabilité de plus de 200% ». « Mais nous avons un problème pour trouver une main d’œuvre qualifiée car s’il est facile d’importer les machines de décorticage, il est quasi impossible de trouver au Sénégal, dans un court délai, des techniciens pour les faire marcher et surtout en assurer la maintenance ». Malgré tout, il est à fonds dans sa nouvelle passion. « Maintenant j’ai délaissé pratiquent toutes mes autres activités et je me consacre à la logistique pour l’arachide et le cajou ».
Des « Konta », Kolda en compte des centaines qui s’activent dans divers domaines de l’économie, offrant à la ville de réelles perspectives de développement.
Offrant aussi à la jeunesse un autre avenir que celui de l’émigration. Ces jeunes capitaines aux dents longues se retrouvent souvent, le soir venu, dans la ferme de Belal Sow, leur mentor qui s’en défend, et ensemble ils dessinent l’avenir de Kolda avec enthousiasme. « Avant ce sont les émigrés qui avaient les belles maisons, les plus belles voitures mais maintenant ce sont ceux qui ont accepté de rester qui sont devant », proclame Baba Diane, jeune menuisier metallique fier de raconter sa belle réussite qui n’a pas été, certes, de tout repos. Comme toute belle aventure.
A Demain In Sha Allah.
Aliou Sall
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