L’affaire des munitions saisies au port de Dakar par la Douane sénégalaise est partie pour connaître beaucoup de coups de théâtre. Alors que l’équipage a été confié à la gendarmerie pour les besoins de l’enquête, on apprend que du côté des douaniers, tout a été diligenté pour transmettre les conclusions à qui de droit.
L’Observateur de ce mercredi 19 janvier nous apprend que les infractions visées sont « association de malfaiteurs et trafic international de munitions ». Une nouvelle phase qui sera riche en rebondissements même si pour l’heure, peu d’informations suintent de ce dossier sensible, compte tenu de la nature du contenu de la cargaison saisie.
C’est entre le 13 et le 14 janvier dernier que les soldats de l’économie qui soupçonnaient le navire « Eolika » de transporter autre chose que ce que déclarait son capitaine, ont procédé à la fouille de ses trois conteneurs. Ils ont failli tomber des nues quand ils ont découvert que le fer annoncé était en réalité des munitions de toutes sortes du fabricant italien Fiocchi.
Comme précisé dans un article par Dakaractu, la marchandise est composée de cartouches de guerre de calibre 5.56 mm Otan, de cartouches à blanc du même calibre, mais aussi de cartouches 9 mm Luger.
On connaît également les détails du parcours du navire appartenant à un armateur grec. Comme l’a révélé Dakaractu, il est parti de la ville portuaire de La Spezia, en Italie, le 2 décembre dernier et a fait escale à Las Palmas, en Espagne, avant de faire cap sur Dakar où il est arrivé le 19 décembre. L’équipage a prétexté un « avitaillement » (approvisionnement en vivres, carburant ou matériels divers) pour expliquer son passage à Dakar. Le navire qui a connu au moins six vies pour avoir été renommé autant de fois, était attendu au port de Georgetown, à Guyana le 28 janvier prochain.
Dans un article consacré à cette affaire, RFI affirme avoir appris de sources douanières que le chargement avait pour destination finale supposée la Républicaine dominicaine, dans les Caraïbes. Ce qui fragilise la thèse « sahélienne » concernant la destination de ces munitions. Mais il n’y a pas que cet élément qui met hors de cause la région ouest-africaine.
Selon des connaisseurs en armes avec lesquels Dakaractu s’est entretenu, le calibre 5.56 mm n’est pas très répandu dans la région.
Un rapport de l’ONUDC indique qu’en Afrique de l’Ouest, le marché est dominé par des armements issus du Pacte de Varsovie. « Pour des raisons telles que la formation, les pièces détachées, les munitions et l’habitude, ces armes restent privilégiées, même vingt ans après la fin de la Guerre froide. Il s’ensuit que la plupart des fusils d’assaut découverts sont des kalachnikovs.
À l’heure actuelle cependant, des armes nouvelles sont majoritairement de fabrication chinoise (Norinco de type 56). De même, les mitrailleuses légères que l’on trouve aujourd’hui sont le plus souvent du type PK, telle que la Norinco type 80. Compte tenu de ces préférences, les munitions repérées sont pour la plupart de calibre 7.62 x 54 R mm (pour les mitrailleuses polyvalentes de type PK), ainsi que des munitions pour des mitrailleuses lourdes datant du Pacte de Varsovie. Pour l’essentiel, ces munitions viennent d’Iran, du Soudan ou de la Chine », explicite le rapport consulté par Dakaractu.
Par contre, le calibre 5.56 mm est apprécié dans un pays des Caraïbes notoirement affecté par l’insécurité et la violence, à savoir Haïti. En 2005, une étude de l’organisation Small Arms Survey (SAS) sur l’insécurité humaine et les perspectives de désarmement, de démobilisation et de réintégration rapportait qu’après la chute du président Jean-Bertrand Aristide en 2004, le pays a connu un regain de violence avec 1 600 personnes tuées.
Selon la même étude, on recensait à cette époque en Haïti une douzaine de groupes non étatiques violents, politiques ou criminels, possédant leur propre arsenal d’armes de petit calibre. Ces groupes armés disposaient de près de 13 000 armes légères, parmi lesquelles des armes de guerre automatiques, comme des fusils d’assaut américains M-14 et M-16, leurs équivalents polonais PMK et des pistolets-mitrailleurs israéliens UZI.
Plus grave, durant la période, l’étude estimait à près de 170 000 le nombre d’armes légères en circulation au sein de la population civile, principalement des armes de poing, revolvers de calibre 38 ou pistolets semi-automatiques de calibre 45 ou 9 mm.
À titre de comparaison, à la même époque, les casques bleus et les policiers de la MINUSTAH, la mission des Nations-Unies pour la stabilisation en Haïti, disposaient de 27.000 armes.
En 2005, le rapport de SAS affirmait que l’« incapacité du pays à fabriquer des armes et les embargos ont fait des transferts illicite et clandestin une pratique répandue ».
L’approvisionnement en armes d’Haïti (y compris en armes de guerre) s’effectuait par des filières de contrebande sur le marché gris ou le marché noir, principalement en provenance des États-Unis. Cependant, d’autres réseaux ont été repérés, depuis le Brésil, la Jamaïque, l’Afrique du Sud, Israël ou l’Amérique centrale. La République dominicaine, frontalière d’Haïti, a également été identifiée comme une porte d’entrée de ces armes. Ce canal a été mis en lumière en août 2005, quand l’armée dominicaine a intercepté à la frontière une cargaison d’armes et munitions. Dans la saisie, on comptait sept fusils à pompe Mossberg de calibre 12, un pistolet Colt 45, un revolver Smith & Wesson, ainsi que 20 000 cartouches de guerre de calibres 5.56 et 7.62 mm, vraisemblablement destinées à des fusils d’assaut M-16 ou FAL.
Aujourd’hui, Haïti est toujours gangrenée par une violence endémique. Les gangs de Port-au-Prince, impliqués dans le trafic de drogue international, entretiennent l’insécurité à leur avantage, et sur le plan politique, le pays est également particulièrement instable. Le 7 juillet 2021, le président Jovenel Moïse a été assassiné à sa résidence de Port-au-Prince, et sa femme blessée. Le lendemain, les autorités haïtiennes ont procédé à l’arrestation d’un groupe de Colombiens, suspectés d’avoir fait partie du commando de tueurs.
On peut donc, à la lumière de ces faits, largement supposer qu’encore aujourd’hui, de nombreuses filières de contrebande d’armes existent vers Haïti, au vu de la grosse demande intérieure. À titre d’exemple, en novembre 2019, un ancien Marine américain d’origine haïtienne a été interpellé à l’aéroport de Port-au-Prince, avec dans ses bagages pas moins de cinq pistolets semi-automatiques et trois fusils de différents modèles. L’intéressé, qui prétendait souhaiter aider les militaires haïtiens à apprendre le tir et à vaincre les bandits, a été condamné en décembre 2020 à cinq ans de prison pour exportation illégale d’armes à feu vers Haïti.
L’hypothèse d’une destination des munitions de l’Eolika vers Haïti n’est qu’une hypothèse, certes. Mais elle reste pour l'heure plus acceptable que celle d’un envoi vers les zones de conflit du Sahel. En conséquence, une démarche responsable s'impose dans la lecture des événements de ces derniers jours afin de contribuer à la manifestation de la vérité.
Le parallèle ne s’arrête d’ailleurs pas là : récemment, la vidéo de l’arrestation des suspects colombiens à Port-au-Prince, évoquée plus haut, a été détournée pour appuyer une fausse information à propos de la crise malienne.
L’Observateur de ce mercredi 19 janvier nous apprend que les infractions visées sont « association de malfaiteurs et trafic international de munitions ». Une nouvelle phase qui sera riche en rebondissements même si pour l’heure, peu d’informations suintent de ce dossier sensible, compte tenu de la nature du contenu de la cargaison saisie.
C’est entre le 13 et le 14 janvier dernier que les soldats de l’économie qui soupçonnaient le navire « Eolika » de transporter autre chose que ce que déclarait son capitaine, ont procédé à la fouille de ses trois conteneurs. Ils ont failli tomber des nues quand ils ont découvert que le fer annoncé était en réalité des munitions de toutes sortes du fabricant italien Fiocchi.
Comme précisé dans un article par Dakaractu, la marchandise est composée de cartouches de guerre de calibre 5.56 mm Otan, de cartouches à blanc du même calibre, mais aussi de cartouches 9 mm Luger.
On connaît également les détails du parcours du navire appartenant à un armateur grec. Comme l’a révélé Dakaractu, il est parti de la ville portuaire de La Spezia, en Italie, le 2 décembre dernier et a fait escale à Las Palmas, en Espagne, avant de faire cap sur Dakar où il est arrivé le 19 décembre. L’équipage a prétexté un « avitaillement » (approvisionnement en vivres, carburant ou matériels divers) pour expliquer son passage à Dakar. Le navire qui a connu au moins six vies pour avoir été renommé autant de fois, était attendu au port de Georgetown, à Guyana le 28 janvier prochain.
Dans un article consacré à cette affaire, RFI affirme avoir appris de sources douanières que le chargement avait pour destination finale supposée la Républicaine dominicaine, dans les Caraïbes. Ce qui fragilise la thèse « sahélienne » concernant la destination de ces munitions. Mais il n’y a pas que cet élément qui met hors de cause la région ouest-africaine.
Selon des connaisseurs en armes avec lesquels Dakaractu s’est entretenu, le calibre 5.56 mm n’est pas très répandu dans la région.
Un rapport de l’ONUDC indique qu’en Afrique de l’Ouest, le marché est dominé par des armements issus du Pacte de Varsovie. « Pour des raisons telles que la formation, les pièces détachées, les munitions et l’habitude, ces armes restent privilégiées, même vingt ans après la fin de la Guerre froide. Il s’ensuit que la plupart des fusils d’assaut découverts sont des kalachnikovs.
À l’heure actuelle cependant, des armes nouvelles sont majoritairement de fabrication chinoise (Norinco de type 56). De même, les mitrailleuses légères que l’on trouve aujourd’hui sont le plus souvent du type PK, telle que la Norinco type 80. Compte tenu de ces préférences, les munitions repérées sont pour la plupart de calibre 7.62 x 54 R mm (pour les mitrailleuses polyvalentes de type PK), ainsi que des munitions pour des mitrailleuses lourdes datant du Pacte de Varsovie. Pour l’essentiel, ces munitions viennent d’Iran, du Soudan ou de la Chine », explicite le rapport consulté par Dakaractu.
Par contre, le calibre 5.56 mm est apprécié dans un pays des Caraïbes notoirement affecté par l’insécurité et la violence, à savoir Haïti. En 2005, une étude de l’organisation Small Arms Survey (SAS) sur l’insécurité humaine et les perspectives de désarmement, de démobilisation et de réintégration rapportait qu’après la chute du président Jean-Bertrand Aristide en 2004, le pays a connu un regain de violence avec 1 600 personnes tuées.
Selon la même étude, on recensait à cette époque en Haïti une douzaine de groupes non étatiques violents, politiques ou criminels, possédant leur propre arsenal d’armes de petit calibre. Ces groupes armés disposaient de près de 13 000 armes légères, parmi lesquelles des armes de guerre automatiques, comme des fusils d’assaut américains M-14 et M-16, leurs équivalents polonais PMK et des pistolets-mitrailleurs israéliens UZI.
Plus grave, durant la période, l’étude estimait à près de 170 000 le nombre d’armes légères en circulation au sein de la population civile, principalement des armes de poing, revolvers de calibre 38 ou pistolets semi-automatiques de calibre 45 ou 9 mm.
À titre de comparaison, à la même époque, les casques bleus et les policiers de la MINUSTAH, la mission des Nations-Unies pour la stabilisation en Haïti, disposaient de 27.000 armes.
En 2005, le rapport de SAS affirmait que l’« incapacité du pays à fabriquer des armes et les embargos ont fait des transferts illicite et clandestin une pratique répandue ».
L’approvisionnement en armes d’Haïti (y compris en armes de guerre) s’effectuait par des filières de contrebande sur le marché gris ou le marché noir, principalement en provenance des États-Unis. Cependant, d’autres réseaux ont été repérés, depuis le Brésil, la Jamaïque, l’Afrique du Sud, Israël ou l’Amérique centrale. La République dominicaine, frontalière d’Haïti, a également été identifiée comme une porte d’entrée de ces armes. Ce canal a été mis en lumière en août 2005, quand l’armée dominicaine a intercepté à la frontière une cargaison d’armes et munitions. Dans la saisie, on comptait sept fusils à pompe Mossberg de calibre 12, un pistolet Colt 45, un revolver Smith & Wesson, ainsi que 20 000 cartouches de guerre de calibres 5.56 et 7.62 mm, vraisemblablement destinées à des fusils d’assaut M-16 ou FAL.
Aujourd’hui, Haïti est toujours gangrenée par une violence endémique. Les gangs de Port-au-Prince, impliqués dans le trafic de drogue international, entretiennent l’insécurité à leur avantage, et sur le plan politique, le pays est également particulièrement instable. Le 7 juillet 2021, le président Jovenel Moïse a été assassiné à sa résidence de Port-au-Prince, et sa femme blessée. Le lendemain, les autorités haïtiennes ont procédé à l’arrestation d’un groupe de Colombiens, suspectés d’avoir fait partie du commando de tueurs.
On peut donc, à la lumière de ces faits, largement supposer qu’encore aujourd’hui, de nombreuses filières de contrebande d’armes existent vers Haïti, au vu de la grosse demande intérieure. À titre d’exemple, en novembre 2019, un ancien Marine américain d’origine haïtienne a été interpellé à l’aéroport de Port-au-Prince, avec dans ses bagages pas moins de cinq pistolets semi-automatiques et trois fusils de différents modèles. L’intéressé, qui prétendait souhaiter aider les militaires haïtiens à apprendre le tir et à vaincre les bandits, a été condamné en décembre 2020 à cinq ans de prison pour exportation illégale d’armes à feu vers Haïti.
L’hypothèse d’une destination des munitions de l’Eolika vers Haïti n’est qu’une hypothèse, certes. Mais elle reste pour l'heure plus acceptable que celle d’un envoi vers les zones de conflit du Sahel. En conséquence, une démarche responsable s'impose dans la lecture des événements de ces derniers jours afin de contribuer à la manifestation de la vérité.
Le parallèle ne s’arrête d’ailleurs pas là : récemment, la vidéo de l’arrestation des suspects colombiens à Port-au-Prince, évoquée plus haut, a été détournée pour appuyer une fausse information à propos de la crise malienne.
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