En Tunisie, le président Essebsi s'oppose à la dépénalisation de la sodomie en Tunisie

Alors que la société civile tunisienne condamne de plus en plus ouvertement l’article 230 du code pénal, qui criminalise la pratique de la sodomie et le lesbianisme, le président Béji Caïd Essebsi s’est fermement opposé à sa suppression.


La bataille pour les droits des homosexuels en  Tunisie est loin d’être gagnée. Lors d’une allocution à la télévision égyptienne lundi 5 octobre, le président tunisien Béji Caïd Essebsi (BCE) s’est fermement prononcé contre la dépénalisation des pratiques homosexuelles. "Cela ne se produira pas !", a-t-il assuré, en référence à la suppression de l’article 230 du code pénal qui stipule que "la sodomie et le lesbianisme" sont passibles de trois ans de prison.

Une douche froide pour les défenseurs des droits LGBT et militants des droits de l’Homme qui luttent pour faire abroger l’article qu’ils jugent contraire à la Constitution tunisienne et au droit international. "La Constitution tunisienne défend le droit à la protection de la vie privée. Par ailleurs, elle instaure l’égalité devant la loi et par la loi de tous les citoyens, sans discrimination, ce que l’article 230 ne respecte absolument pas", explique à France 24 Amna Guellali, directrice de Human Rights Watch (HRW) Tunisie.

Le ministre tunisien de la Justice, Mohamed Salah Ben Aïssa, avait lui-même appelé à l’abrogation de l’article 230 en raison de son anticonstitutionnalité. "Après l'adoption de la nouvelle Constitution, il n'est plus admis de violer les libertés individuelles, la vie privée et les choix personnels, même sexuels", avait-il déclaré le 28 septembre. Mais lors de son allocution télévisée, le président Essebsi n’a pas hésité à désavouer son ministre. "Le ministre de la Justice n'engage que lui ! Sa demande n'engage pas l'État", a-t-il martelé.

Essebsi, "hyperprésident" ?

Alors que la Révolution  de 2011 a paradoxalement entraîné un durcissement du discours homophobe en Tunisie, tout en permettant l’émergence d’une société civile combattive, qui lutte désormais ouvertement pour les droits des homosexuels, ces dissensions sont révélatrices des contradictions générales de l’État sur cette question plus que clivante.

Mais elles sont également le symptôme d’une "érosion du rôle du Parlement ", estime Amna Guellali. "Essebsi a prononcé un discours d’hyperprésident. Il fait des déclarations comme s’il était seul maître à bord, se substituant aux législateurs", explique-t-elle. Les ONG pro-LGBT dénoncent également un abus de pouvoir.

"En tant que président de la République, Essebsi n’a pas à intervenir dans le travail du Parlement", s’insurge auprès de France 24 Bouhdid Belhadi, chargé de communication de l’association Shams qui défend les minorités sexuelles et lutte contre l’homophobie. L'association Mawjoudin ("On existe"), a de son côté traité la déclaration du président par le mépris, en tweetant : "Concernant l'opposition d'Essebsi à la dépénalisation de l'homosexualité, monsieur le président, ceci n'entre pas dans vos prérogatives !"...

France24

Mercredi 7 Octobre 2015




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