DAKARACTU.COM - Socialiste de lait, maire de Dakar et figure montante de la vie politique nationale, Khalifa Sall n’est pas un militant comme les autres. Trôner sur la capitale, la plus importante et la plus prospère collectivité locale du pays, quand on est d’un parti dirigé par un homme dépourvu de tout mandat électif, n’est pas une position aisée. Il est dans l’obligation de toujours montrer patte blanche. Mais aussi et surtout de faire acte de loyauté pour dissiper toute suspicion chez le premier secrétaire, Ousmane Tanor Dieng, et chez ses lieutenants.
Khalifa Ababacar Sall, 55 ans, militant du Parti socialiste (PS) depuis 44 ans – il y est entré à 11 ans comme pionnier, sous l’aile protectrice de Moustapha Niasse et de Djibo Leyti Kâ –, bénéficie d’une légitimité historique sans pareille au sein de cette formation. Après avoir arraché Dakar au parti au pouvoir lors des élections locales du 22 mars 2009, il a aujourd’hui pour adversaires… ses propres camarades de parti. Les conseillers municipaux avec lesquels il a les rapports les plus difficiles sont ceux du PS. Alioune Ndoye et Barthélémy Dias, deux maires socialistes de communes d’arrondissement, affichent moins de bonnes dispositions à son égard que Moussa Sy et Seynabou Wade, membres du parti présidentiel.
En cause, quelques actes posés par le maire de Dakar qui ont déçu certaines attentes dans son camp. Dès son élection, Khalifa Sall a rendu public son patrimoine. Un exercice mal perçu et jugé « osé » par la vieille garde de son parti. Puis il a fait preuve d’ ouverture dans l’attribution des postes. Ses trois premiers adjoints sont issus de la LD/MPT, de l’AFP et de Jëf-Jël. Le patron du Parti socialiste à Dakar n’a pu arriver qu’en quatrième position comme adjoint.
Mais la goutte d’eau qui a fait déborder le vase est sans nul le maintien à leurs postes des anciens collaborateurs du maire sortant, Pape Diop (le secrétaire général, le directeur financier, la directrice des ressources humaines…). Les cadres du PS qui espéraient se repositionner après une traversée du désert remontant à l’avènement de l’alternance n’ont pas apprécié.
Tout comme certains hommes d’affaires proches du parti, qui espéraient travailler pour la mairie désormais entre les mains d’un de leurs camarades, et qui se sont vus rétorquer qu’ils ne pourront le faire que s’ils soumissionnent et remportent les marchés conformément au Code des marchés publics.
Khalifa Sall a mis en place un système de gouvernance locale fondé sur le partage des rôles et la participation. Le conseil municipal s’est scindé en deux composantes : un groupe bennoo (du nom de la coalition qui l’a porté au pouvoir) et un groupe libéral entre lesquels ont été réparties les différentes commissions. Résultat de cette ouverture : le taux de présence aux réunions du conseil tourne autour de 70% et presque toutes les décisions sont prises à l’unanimité.
Il n’est pas rare que Moussa Sy, poulain du maire sortant, édile des Parcelles Assainies et libéral pur jus, prenne la parole en conseil pour féliciter « le grand-frère Khalifa » en raison de l’esprit de consensus qu’il fait prévaloir et du traitement équitable qu’il réserve à tous les maires des communes d’arrondissement, quelle que soit leur coloration politique.
On n’apprend pas à un vieux singe de la politique la grimace de la survie. Beaucoup ne donnaient pas cher de la peau du maire de Dakar, qui prévoyaient qu’un blocage au sein de sa majorité très relative (51 conseillers municipaux pour Bennoo contre 49 répartis entre les libéraux et les indépendants) donne un prétexte au régime pour instituer une délégation spéciale. Khalifa Sall a réussi à s’allier toute l’équipe municipale, mais aussi à ne pas braquer le pouvoir. Son prédécesseur, Pape Diop, lui est reconnaissant de ne pas avoir cherché à déterrer certains dossiers gênants qui dorment dans les placards. Le chef de l’Etat lui-même lui voue de l’estime. Mais, chaque fois qu’Abdoulaye Wade le félicite publiquement, cela lui crée des ennuis au sein de sa famille politique.
Ses difficultés au sein du PS ne peuvent que s’accroître. A la tête d’un mastodonte doté d’un budget annuel de 33 milliards, Khalifa Sall a un parcours politique rare. Formé par Daouda Sow, Abdou Aziz Ndaw et Abdoulaye Diack, il a été député, membre du bureau de l’Assemblée nationale de 1984 à 1993, ministre chargé des Relations avec les assemblées de 1993 à 1998, ministre du Commerce de 1998 à 2000.
Aujourd’hui maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall est une donnée politique objective. Il inquiète d’autant plus qu’il prend date à travers les actes qu’il pose au quotidien.
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