DAKARACTU.COM Pour les moins jeunes des Sénégalais, l’image est encore prégnante. Au début des années 70, au cours d’une émission fameuse animée par le doyen Maguette Wade, le tout jeune Youssou Ndour, « patte d’eff » et haut en ndiaxass, un afro en boule sur la tête, timide et impressionné, fixant le bout de ses souliers, répondait au célèbre animateur télé qui lui demandait ce qu’il voulait faire plus tard : « Je veux être célèbre. » Chapeau Monsieur Ndour !!! Vous êtes célèbre et vous avez réussi votre parcours de vie, et porté à bout votre projet personnel. C’était le premier étage de « la fusée Ndour ». Hier, 26 novembre, au cœur de son quartier d’enfance de la Médina, il a allumé les moteurs du quatrième étage de la fusée. Youssou Ndour a annoncé qu’il se lançait dans la politique à partir du 2 janvier, sans préciser pour autant qu’il serait candidat à l’élection présidentielle de février 2012. Mais le doute est-il permis ? Tous ses actes posés depuis des mois transpirent de cette nouvelle ambition, née de ses succès et de ses convictions, lesquelles ont évolué au gré des expériences qu’il a parcourues à travers le monde entier, en sillonnant les estrades et les scènes dédiées à des stars planétaires de son rang. Youssou Ndour a aujourd’hui 52 ans. Il a profité avantageusement de toutes les opportunités qui se sont offertes à lui. Il a tracé son sillon dans les vertus du travail et de la compétence, s’est enrichi au contact d’artistes comme Peter Gabriel, Bono, s’est frotté aux plus grands hommes de cette planète comme Bill Gates, Lula, Chirac, ou encore Fédérico Mayor. Il a monté les marches avec talent, empoignant sa chance, pour dérouler ses ambitions artistiques. Il s’est fait un nom. You est une star, incontestablement. Il mène sa carrière de façon intelligente, sans faux pas pour l’instant, s’est fait un sérieux carnet d’adresses où sont inscrits les hommes les plus influents du monde, dont il fait partie selon certains magazines. Il est riche, puisque son art le lui a permis et son talent a fait le reste avec quelques tubes planétaires, il s’est mis à l’abri du besoin. C’est le deuxième étage de la fusée Ndour. Le troisième est la mise en place de son espace d’influence. You crée un groupe de presse ambitieux et s’entoure des meilleurs, malgré quelques accidents de casting vite réglés, et propulse celui-ci à la première place des groupes de presse au Sénégal. Il prouve ainsi qu’en travaillant et en sachant déléguer, il peut peser sur le destin d’autres hommes que lui en créant des centaines d’emplois. Il prouve aussi qu’il a cette qualité rare du « savoir faire faire ». Youssou Ndour court la planète et devient ambassadeur de la FAO, de l’Unicef, se meut en apôtre des causes les plus nobles, reçoit à diner Jacques Chirac qui n’avait pas fait cet honneur au chef de l’Etat lors de sa visite de travail au Sénégal, ainsi que des hommes comme Sepp Blatter ou des artistes comme Bono, avec lesquels il peut travailler aux questions sensibles liées à l’environnement. Bref, Youssou devient incontournable. Avec son groupe de presse, il passe à la vitesse supérieure. Il arrache sa licence d’opérateur télé avec une campagne de soutien populaire, face à un pouvoir craintif de voir concentrée entre les mains d’un seul une telle force de frappe médiatique pas forcément favorable à ses menées. L’idée est peut-être née lors de ce combat. Elle germera petit à petit, et les bourgeons seront visibles et déclarés le 15 septembre officiellement sur sa chaîne de télé. Il lance son mouvement. Fekkee ma ci bolé !!! Parce que je suis témoin !!! Parce qu’il est témoin, il décide de peser sur l’avenir des Sénégalais et d’être un homme de référence qui compte ainsi donner vie à ses idées. Sur sa propre radio, un ballon de sonde est lancé de nouveau, mais les populations attendent son vrai message. Son mouvement ainsi présenté comme un cercle qui doit éclairer les citoyens pour qu’ils fassent des choix judicieux se mue dans l’inconscient collectif comme un mouvement de pression. Youssou dit qu’il soutiendra un candidat, laisse planer le doute sur son identité, et déclare qu’il devra d’abord écouter les candidats avant de délivrer son onction à l’un d’entre eux, qu’on imagine accroupis dans sa salle d’attente, fébriles d’impatience. De quel droit ferait-il passer des oraux de contrôle à des Niasse, des Macky, des Ibrahima Fall, ou des Abdoulaye Wade ? Du haut de ses chiffres au hit-parade ? On a vu quand même quelques leaders qui n’ont pas attendu dans l’antichambre et qui sont venus hier lui apporter leur soutien, comme Cheikh Tidiane Gadio, Talla Sylla, Lamine Diack ou Bara Tall. Des questions aussi affleurent dans certains commentaires spécialisés de la chose politique, selon lesquels il pourrait se peser et offrir ses voix à celui qui lui ouvrirait les voies de l’obtention de la quatrième licence de téléphonie au Sénégal, son prochain challenge. Autre question que Youssou devra se poser : Est-il propriétaire des sentiments et des voix de ses admirateurs ? Ne devrait-il pas se contenter d’être une caution morale, un soutien actif des Sénégalais d’en bas comme il les a nommés hier à la Médina ? Ne peut-il pas, avec d’autres tout aussi méritants de leur pays, servir de jonction entre nos forces économiques, financières, et nos forces politiques, pour préserver notre entreprenariat national dont il est un incontestable acteur ? Le quatrième étage de la fusée Ndour a donc été allumé hier, avec foi, en défonçant bon nombre de portes ouvertes, comme critiquer le train de vie de l’Etat, anticiper sur les difficultés de la vie, fustiger le manque d‘énergie, de santé, pointant la vie chère. Il a dit que point n’est besoin de sortir de Harvard pour apporter des solutions à ces maux. Il a raison, mais suffit-il de faire partie du gotha mondial du showbiz, pour faire venir des moyens au service de nos compétences ? Youssou enclenche la partie la plus délicate de sa brillante épopée artistique. Il lui faudra beaucoup plus que cette énorme chance qui l’a accompagné dans sa carrière, beaucoup plus que cette étoile qui le guide sur son lumineux parcours de vie, pour qu’on puisse lui crier du bas de l’estrade : « Yes YOU can !!! »
Youssou Ndour installe Fekkee ma ci Bolé... The Lion dans la fosse aux politiques (Par Cheikh Yérim Seck).
Dimanche 27 Novembre 2011