Wade à l'épreuve du spleen du pouvoir.


DAKARACTU.COM - Depuis qu'il est arrivé aux affaires, un jour de mars 2000, Abdoulaye Wade a toujours eu la chance de gouverner le Sénégal dans des conditions relativement calmes. S'il lui est arrivé quelques problèmes à gérer comme le naufrage du Joola, le péril acridien et certains scandales financiers comme "le protocole de Rebeuss" et l'argent de Taiwan, rien n'a vraiment porté atteinte jusqu'ici à son pouvoir. Depuis le 23 juin où son peuple assoupi au point de paraître totalement résigné s'est brutalement rappelé à son souvenir en lui imposant de retirer un projet de réforme constitutionnelle, Abdoulaye Wade vit une sorte de spleen du pouvoir. Quatre jours après ce premier coup dûr, les jeunes Sénégalais, voyant que le roi est nu, se sont rendus maîtres de la rue pendant plusieurs heures, brûlant, détruisant, pillant...
Pendant ces dures journées, Wade s'est rendu à l'évidence que son pouvoir est fragile et sa puissance précaire. En ces moments d'épreuve où il a le plus grand besoin de soutien, tout le monde ou presque l'a lâché. A l'exception notable de l'Ivoirien Alassane Ouattara, ses pairs africains ne lui ont témoigné de sympathie que du bout des lèvres. Il sait même, pour être informé, que ses homologues du continent rient sous cape pour certains, ruminent pour d'autres une joie à peine dissimulée de le voir à l'épreuve du fait de sa propension à donner des leçons qui a fini par agacer tout le monde. Celui qui s'est toujours présenté sous les traits du champion de la démocratie et de la stabilité vit aujourd'hui une contestation forte née d'une volonté triviale de tripatouiller les institutions. Les Etats-Unis, la France, le Canada et toutes les puissances occidentales l'ont lâché. Wade vit cette donne comme un drame personnel et s'en ouvre à ses proches.
S'il veut combler en interne l'avance que ses adversaires ont sur lui sur le plan international, Abdoulaye Wade sait que l'usure du pouvoir, la cherté de la vie et les coupures d'électricité jouent en sa défaveur. Et qu'une jeunesse de plus en plus nombreuse et déshéritée ne lui laissera plus de répit. Il aurait jeté l'éponge s'il existait une alternative élaborée dans son camp. La seule hypothèse sur laquelle il travaillait, celle de céder le pouvoir à son fils, ne passe toutefois pas. La mine décomposée de ces derniers temps, les machoires serrées à l'occasion de ses prises de parole publiques, un stress mal contenu par un grincement continu de ses dents rendent compte de l'état psychologique actuel du président. Le pouvoir est comme une sorte de cadeau empoisonné entre ses mains. Mais il s'emploiera jusqu'à son dernier souffle à le garder pour éviter que son sort, et surtout celui de son fils, se retrouvent entre les mains de son successeur. Abdoulaye Wade vit une tragédie qu'il aurait pu s'épargner s'il faisait le choix de la hauteur et de la morale républicaine.   
Vendredi 22 Juillet 2011
DAKAR ACTU