Vivement la fin du complexe du diplôme


A la suite d’un article que j’ai lu sur Dakar actu écrit par un monsieur majestueux sur sa photo qui n’a pas oublié de nous rappeler son diplôme j’ai trouvé nécessaire de donner mon avis sur le débat concernant la candidature de Youssou Ndour qui semble aussi nous diviser autant que celle de Wade. Je ne peux m’empêcher de présenter toutes mes révérences au monsieur qui est "Diplômé en sciences politiques A PARIS".
Dans ce débat sur la candidature de Youssou Ndour il m’est souvent arrivé de voir des commentaires dont le style est certes courtois mais qui laissent penser que nous avons encore du chemin à parcourir pour entrevoir ou même apercevoir l’émergence. Pour l’essentiel ceux qui sont contre la candidature de Youssou parlent systématiquement de son niveau d’études. Pourtant cette candidature si elle devait être combattue aurait dû l’être par les fans qui seront sûrs que le chanteur, une fois élu, va les sevrer de tubes et concerts ou alors tout simplement par le citoyen lambda qui veut éviter des conflits d’intérêts car l’homme détient des affaires bien en vue. A la place c’est une sanction qu’on brandit pour quelqu’un dont le tort c’est de ne pas être diplômé. A vrai dire une étude psychologique s’avère nécessaire chez nous autres qui avons eu la chance de justifier d’un niveau d’étude par un document. Je dois rappeler que des personnes sont régulièrement prises en flagrant délit de tricherie à l’université chaque année pour justement obtenir ce fameux sésame. En même temps il est hasardeux et prétentieux que de penser que tous les cas de tricherie sont décelés. Ce rappel est pour tempérer l’ardeur des « diplômophiles ». J’ai parfois le sentiment que ceux qui ont fait une carrière académique sont coincés. L'école est sensée donnée cette flexibilité de l'esprit nécessaire pour s'adapter aux différentes situations (difficiles) imprévues qui s'imposent à nous. A l’épreuve des faits il semble qu’il en est autrement. Mieux, le culte du diplôme que nous avons hérité de la France nous interdit même tout dialogue avec une personne dés lors qu'on a appris que ses études se sont arrêtées à tel niveau qu'on juge bas par rapport au sien, à la place, dans une posture condescendante, on se plait mieux dans sa position de donneur de leçons. Cet état d'esprit devrait être dépassé au plus vite car les exigences de développement feront que le raisonnement donnera un début de respectabilité de l’homme et la capacité prouvée déterminera qui dans la société aura droit à la parole. Des exemples font profusion dans le monde avec un Lula Dasylva du Brésil ouvrier syndicaliste, un Ronald Reagan cowboy au cinéma et d’autres qui ont marqué leur passage à la tête de leur pays respectif mais dont les hauts faits universitaires ne feront jamais débat. La raison est bien simple, n’en déplaise à nous autres, Youssou a raison de dire qu’il n’existe aucune école où on enseigne la présidence et que par conséquent ce n’est pas un métier mais une fonction. Une fonction dont la spécificité est que le titulaire dirige un état qui est constitué par un ensemble de structures avec des procédures claires et des compétences avérées qu’il s’agira, pour un président qui est à sa place, de manager. Nous avons au Sénégal et ailleurs en Afrique la preuve par certains dirigeants que la clé de la réussite d’un état ou d’une structure n’est pas forcément à la porte de l’université. Un travail technique demande des connaissances souvent acquises à l’université ou dans les écoles supérieures mais diriger un état demande d’abord et avant tout un esprit de leadership, un sens de l’éthique, une volonté de faire avancer les choses trouvées sur place, un désintéressement par rapport aux deniers publics, un esprit de relation, un esprit ouvert aux réalités contemporaines. Un président a besoin aussi du sens des initiatives, la liste n’est pas exhaustive. Il serait bien intéressant de préciser à ceux qui veulent diriger sans diplôme, les écoles qui dispensent des cours pour obtenir ces qualités.
Il est évident qu’en raison de la sensibilité de la fonction présidentielle il lui faut un maximum de protection pour éviter des répercussions négatives sur la marche du pays. En cela un ancien très bon élève et excellent étudiant au profil académique enviable ferait certainement l’affaire. Néanmoins ceci ne saurait constituer une condition nécessaire, encore moins suffisante. Par rapport à tous ces éléments il est curieux de voir des gens continuer à préférer chercher leur dirigeant chez les agrégés et professeurs tout en snobant ceux qui ne disposent pas de ces niveaux mais qui réalisent des choses auxquelles les premiers n’ont jamais pensé s’ils ne les trouvaient pas simplement chimériques. La fonction de musicien n’est devenue respectable dans ce pays que par l’œuvre de Youssou Ndour en même temps que ce monsieur est mieux placé que les expatriés établis en Europe ou ailleurs pour porter le message vers les jeunes désemparés du Sénégal et de l’Afrique qui sera : la réalisation d’une vie digne, normale est possible sur place pourvu qu’ils y croient et qu’ils s’en donnent les moyens. Je crois savoir que Youssou Ndour ne gère aucune de ses affaires et que ce sont des diplômés qui le font à sa place et il a un œil sur ses affaires et qu’elles marchent assez bien. C’est un signe de leadership et de capacité managériale. Dans un état il ne sera jamais question pour celui qui l’incarne au plus haut niveau de tout faire, de réfléchir sur tout, de décider seul de tout. Le Sénégal peut dans ce domaine enseigné à toute l’humanité le risque que présente un tel système de même que les problèmes qu’il charrie.
En âme et conscience je ne pense pas que Youssou puisse remporter ce scrutin par son manque d’appareil politique simplement. L’histoire du pays montre le caractère déterminant du parti dans la balance électorale. Cependant le mérite du monsieur aura été d’avoir créé cet électrochoc salutaire pour ôter de l’esprit des citoyens l’idée d’un président au CV kilométrique, bavard même s’il parle un français académique, omniprésent dans toutes les réunions du monde mais qui ne saura ni faire de bons choix d’investissement ni de bons choix d’hommes. J’ai entendu quelqu’un de très haut niveau, Mamadou Lamine Diallo de Teeki dire qu’un génie se reconnait à son entourage. Je l’ai trouvé très pertinent.
Djibril Diaw
diawdjibril@hotmail.com
Mercredi 11 Janvier 2012
Djibril Diaw