Violences politiques : pourquoi l’opposition doit éviter l'escalade (Par Cheikh Yérim Seck).


DAKARACTU.COM  Le raidissement de la situation politique est quelque peu exacerbé par des déclarations guerrières des uns et des autres et par quelques agressions physiques. Mais aussi par la condamnation du leader de Convergence socialiste, Malick Noël Seck, à deux années de prison ferme, ce qui fait sortir de leurs gonds et de leur réserve certains de ses camarades qui promettent de mettre le pays à feu et à sang. Faut savoir raison garder. C’est ce qu’a recommandé le ministre d’Etat chargé de l’intérieur, Ousmane Ngom, en déclarant, c’est son rôle, « [qu’] aucune forme de déstabilisation et de violence politique ne sera tolérée, de quelque parti que ce soit ». Réplique de Me Alioune Badara Cissé, numéro deux de l’Alliance pour la République (APR, un parti d’opposition) : « l’Etat joue à faire peur. » Personne n’a intérêt à la survenue du désordre. Pas le pouvoir, mais surtout pas l’opposition, laquelle doit pouvoir rester calme et appeler ses partisans au respect des institutions, des échéances électorales et aussi des biens publics. C’est son rôle actuel de tout faire pour que les futures élections se tiennent dans la sérénité. Là réside son avantage. La violence actuelle est manifestée par divers évènements qui font la Une des quotidiens. D’abord, il y a la violence de la lettre de Malick Noël Seck à laquelle le pouvoir a répondu de manière tout aussi violente en lui infligeant une peine de deux ans de prison, ce qui ne paraît pas être une attitude apaisante. Le même jour où ce verdict sévère est tombé, ce sont des nervis qui vont assiéger les domiciles de deux ténors de l’opposition, en l’occurrence Ousmane Tanor Dieng et Moustapha Niasse. Dans la foulée, ce sont les foules hystériques menées par la bagarreuse Aïda Mbodj qui vont lyncher les militants du Mouvement politique citoyen (MPC Luy Jot Jotna) de Cheikh Tidiane Gadio, et qui en plus se plaignent de la « complicité » des gendarmes qui ne les ont pas laissés trucider comme ils le souhaitaient leurs adversaires politiques. Sans oublier les propos déplacés et incongrus dans la bouche d’un ministre d’Etat quand même qui traite à l’occasion ses adversaires d’homosexuels. On est dans le grand art. L’opposition n’est pas en reste. Car comment comprendre l’ultimatum lancé au chef de l’Etat qui devra, selon elle, à travers le M23, renoncer avant la Tabaski à se représenter pour un troisième mandat présidentiel ? Cet ultimatum lancé du haut d’un podium de meeting, forcément iconoclaste, ouvre la porte à une interprétation populaire aux conséquences incontrôlables. La situation s’emballe. Et pourtant c’est l’opposition qui a intérêt à ce que les choses ne se détériorent pas, et que les étincelles qui s’allument ça net là ne s’embrasent pas. Pourquoi ? D’abord parce que le pouvoir cherche, ce n’est pas un secret, à reporter l’élection présidentielle, et une situation insurrectionnelle lui en fournirait une occasion inespérée. Ensuite, l’opposition serait d’une grande intelligence de favoriser les conditions d’une élection transparente, pour être celle qui cherche le pouvoir. Même la situation dans laquelle se trouve Malick Noël Seck doit être gérée avec doigté et intelligence. Enfin, l’opposition doit se mettre au diapason des populations qui, elles, laissent venir très sereinement les échéances, en s’étant massivement inscrites sur les listes électorales, et en attendant calmement, trop calmement d’ailleurs en regard de la situation économique, sociale et énergétique explosive, d’aller dire leur fait aux tenants du pouvoir libéral. L’opposition doit pousser au contraire les populations à attendre sereinement l’heure de l’appel des urnes.
Les émeutes des 23 et 27 juin sont encore fraîches dans toutes les mémoires. Le Sénégal a éprouvé la possibilité d’une fatale explosion sociale, et il revient surtout à la relève de ne pas créer les conditions du chaos. L’opposition doit s’interdire de céder à la tentation de la violence, et de se montrer sensible aux provocations qui ne manqueront pas de lui être adressées. Etre à la hauteur du défi, pour négocier ce délicat virage, n’est pas chose aisée. Il faut du doigté pour ne pas casser le pays. Vous avez dit opposition responsable ? 
Jeudi 27 Octobre 2011