Un groupe d’experts, de journalistes, d’artistes, d’élèves et d’enseignants, originaires de Mboro (Fatoumata Sissi Ngom, écrivaine et analyste de politiques, Ayoba Faye, rédacteur en chef de Pressafrik, Dread Maxim Amar, reggaeman et compositeur international, Souleymane Diassy qui officie à la Maison des reporters, Ndiaga Ndiaye, leader communautaire, pour ne citer qu’eux, a organisé le premier événement de ce projet collectif et prometteur pour la localité, au lycée de Mboro. Au programme des panels, des échanges, une exposition artistique dont Fatoumata Sissi Ngom a été le commissaire.
Cette proposition nommée "Désir - Mboro" est un projet de co-création initié par Fatoumata Sissi Ngom, analyste politique, économique et du développement, ingénieur en mathématiques financières et en informatique, écrivaine et artiste. Fille des Ics, elle a grandi à Mboro où elle a fait toute sa scolarité.
Fatoumata Sissi Ngom, également experte en données pour le développement, a élaboré en 2021 un outil quantitatif de relève de la perception publique, intitulé “La Vie et le Temps à Mboro” sur la vie à Mboro et les villes environnantes, agrégé par des quartiers, villages, d'hommes et de femmes de différentes classes d’âge. Cet outil et les données obtenues grâce à l’aide de tout le groupe du projet, sont le support de la Proposition nommée "Désir-Mboro" et les résultats présentés à la population et au maire de Mboro, sont édifiants. L’étude La Vie et le Temps à Mboro a révélé que 95% de la population perçoit clairement les effets de la dégradation environnementale à Mboro, et que 98% ont peur pour leur santé et celle de leurs proches, à cause des effets nocifs des activités extractives dans le territoire. Près de 58% de la population n’a pas durablement accès aux infrastructures de base comme l’eau et l’électricité, et le chiffre qui a le plus alerté les panélistes et le public, c’est celui liés au désir de quitter Mboro. En effet 44% des mborois rêvent de quitter leur ville. S'y ajoute que le village de Mboro-sur-mer est un point de départ à l’émigration clandestine, notamment vers les côtes espagnoles.
La Proposition nommée "Désir Mboro" se veut multidimensionnelle, innovante où l'art et la littérature seront aussi au centre de la stratégie de la Proposition.
Après cette première étude, il s'agit en tant que groupe, de proposer des solutions en matière de politiques et de mesures culturelles, sociales, avec des méthodes innovantes, en concertation avec la mairie, les Ics et d’autres industries locales. L’objectif est de faire de Mboro, d'après la présentation de Sissi Ngom une métaphore de l’Afrique et de son histoire (ancienne ville coloniale, bénie par la mer, grenier agricole du Sénégal, haut lieu de pêche, riche en ressources minières), un modèle au Sénégal et à l’international en montrant qu’il est possible de co-créer des lieux de vie mettant l’humain et la nature au cœur, dans les contours de la décentralisation, et distribuant justement la richesse générée sur son sol. Le maire de Mboro, Abdallah Tall, présent à l’événement avec son équipe, a souligné avoir fait du développement durable et du changement climatique, une priorité de son mandat. "Sans une étroite collaboration entre la municipalité et ces entreprises qui causent la pollution et dégradent les écosystèmes naturels, nos projets et efforts, notamment en matière de reboisement, seront vains", a-t-il fait remarquer. Il a lancé un appel à l'endroit de l'État et des Ics. "La pollution de l’air et de la nappe phréatique est fatale à la santé des populations. Les dispositifs sanitaires et dispensaires que nous avons sont en deçà des besoins de la population et de ce qu’ils subissent à cause de l’impact environnemental des industries extractives. Il faut un hôpital digne de ce nom à Mboro. L’accès à l’eau est historiquement un grand problème à Mboro", a t-il déclaré dans son discours d’ouverture. Non sans souligner : "Nous alertons les Ics, mais surtout l’État du Sénégal". C'était en présence du responsable RSE aux Ics, Bounama Diouf, qui a déclaré "qu'au niveau des Ics, des stratégies ont été élaborées pour mieux répondre aux attentes des communautés et de la municipalité". Il a aussi soutenu que leurs efforts sont continus. ”Un département consacré au développement durable et à l’atténuation des effets de leur activités d’extraction, a été structurellement créé, il consiste à également rencontrer les villageois, faire le recensement des problèmes et essayer de les résoudre", fait-il noter. Non sans signaler que "actuellement, nous sommes entrain de construire 20 salles de classes et 10 toilettes dans les écoles”. Selon l’initiatrice de cet événement, Fatoumata Sissi Ngom, "il faut passer de l’énergie de la revendication et de la colère contre les industries. C'est certes légitime mais inefficace si on ne passe pas à autre chose à travers la mise en œuvre de solutions collectives, calquées sur des succès notamment au niveau national et à l’international. Il s’agit véritablement de voir la vie sous un angle nouveau", précise-t-elle.
S'agissant de l'exposition artistique, Fatoumata Sissi Ngom a levé un coin du voile par rapport à son essence. "On est dans la magnifique salle 2 du lycée de Mboro, où on a une exposition avec des œuvres d’arts visuelles et musicales d'artistes originaires de Mboro, comme le talentueux peintre mborois SnoopChrist, et aussi le reggaeman, compositeur et artiste international Dread Max, qui est très engagé et a fait le déplacement depuis Paris, et Rif Slam, slameur et poète oral. J'ai exposé un tableau adapté de mon premier roman "Le silence du totem”, qui représente un totem Pangool prisonnier dans les réserves du Musée du Quai Branly. Parmi les artistes, un jeune collégien et artiste en devenir, Babacar Sow, brillant, qui a exposé ses tableaux sur les inégalités hommes-femmes, qui ont été un sujet intensément débattu par de brillantes étudiantes et bachelières, comme Mbissine Konteye, lors du dernier panel de la journée.
Fatoumata Sissi Ngom a également tenu à magnifier la collaboration du maire de Mboro, le soutien apporté par les Ics pour la réussite de ce projet, et la contribution de tout le groupe. La Proposition nommée Désir englobe l’économie, la culture, les arts et la spiritualité, avec pour dénominateur commun les politiques publiques qui font sens pour la communauté, avec le soutien des décideurs.