Le marché du travail sénégalais, au troisième trimestre 2024, continue de présenter des défis majeurs, selon le rapport de l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD). Avec un taux d’activité de 58,3 % et un taux d’emploi de 42,8 %, les indicateurs montrent une tendance à la baisse par rapport à l’année précédente. Ces évolutions mettent en lumière des disparités marquées selon les sexes et les milieux de résidence, ainsi que des changements structurels préoccupants.
Un taux d’activité en déclin : Les femmes et les zones rurales à la traîne
Au troisième trimestre 2024, 58,3 % des Sénégalais âgés de 15 ans ou plus ont participé au marché du travail. Ce chiffre marque une diminution de 3,1 points par rapport à la même période en 2023.
• Disparités rurales et urbaines :
Le taux d’activité est légèrement plus élevé en milieu rural (58,8 %) qu’en milieu urbain (58,0 %). Cette différence s’explique par une forte implication des populations rurales dans les activités agricoles, même informelles, bien que cette participation soit souvent liée à des emplois saisonniers et précaires.
• Des inégalités de genre persistantes :
Les hommes affichent un taux d’activité de 68,7 %, contre seulement 47,7 % pour les femmes. Cet écart de 21 points reflète les défis auxquels les femmes font face : responsabilité domestique accrue, accès limité à l’éducation et aux opportunités économiques, et préjugés culturels.
Cette baisse globale de la participation au marché du travail peut être attribuée à plusieurs facteurs, dont une diminution des opportunités économiques dans certains secteurs clés et une migration croissante des actifs vers des zones où les perspectives d’emploi sont meilleures.
Un recul de l’emploi : Qui sont les plus touchés ?
Le taux d’emploi, mesurant la part des personnes en emploi parmi celles en âge de travailler, s’établit à 42,8 % au troisième trimestre 2024, contre 44,4 % à la même période en 2023. Cette baisse de 1,6 point témoigne d’une stagnation du marché du travail sénégalais.
• Emploi rural vs. urbain :
Contrairement au taux d’activité, l’emploi est plus élevé en milieu urbain (45,7 %) qu’en milieu rural (38,3 %). Cela reflète une concentration des emplois formels dans les zones urbaines, tandis que les zones rurales restent dominées par des emplois informels ou sous-employés.
• Disparités hommes-femmes :
Les hommes sont beaucoup plus représentés dans l’emploi, avec un taux de 56,4 %, contre seulement 28,8 % pour les femmes. Ces données confirment que les femmes restent majoritairement cantonnées à des activités non rémunérées ou informelles, comme l’agriculture familiale ou le commerce de proximité.
Emplois salariés : Une évolution contrastée
L’emploi salarié, qui constitue une composante essentielle de l’économie formelle, représente 38,9 % des emplois totaux au troisième trimestre 2024, en hausse de 1,6 point par rapport à 2023 (37,3 %).
• Par genre :
L’accès à l’emploi salarié reste plus important pour les hommes (43,6 %) que pour les femmes (29,5 %), une disparité qui illustre les difficultés pour les femmes d’intégrer les secteurs plus structurés de l’économie.
• Par lieu de résidence :
L’emploi salarié est nettement plus fréquent en milieu urbain (48,9 %) qu’en milieu rural (20,6 %). Cette situation met en lumière l’inadéquation entre la disponibilité de la main-d’œuvre et les opportunités d’emplois formels en zone rurale.
Un secteur des aides-familiaux en diminution
Les aides-familiaux, un segment souvent sous-estimé de la main-d’œuvre, représentent 6,3 % des actifs en 2024, contre 8,2 % en 2023.
• Forte ruralité :
Ce type de travail reste majoritairement concentré en milieu rural (12,9 %) où les structures familiales traditionnelles jouent un rôle clé dans la production agricole et artisanale.
• Équilibre hommes-femmes :
Contrairement aux autres catégories, les aides-familiaux sont répartis de manière équitable entre hommes (6,2 %) et femmes (6,5 %).
Problèmes sous-jacents et perspectives
Le déclin des taux d’activité et d’emploi soulève plusieurs interrogations sur l’évolution du marché du travail sénégalais :
1. Stagnation économique : La baisse des opportunités formelles d’emploi, combinée à une économie informelle dominée par des activités saisonnières et peu rémunératrices, freine l’expansion du marché du travail.
2. Inégalités structurelles : Les écarts de genre et les disparités rurales-urbaines reflètent des défis profondément enracinés qui nécessitent des politiques spécifiques.
3. Faible industrialisation : Le Sénégal reste dépendant de l’agriculture et des services informels, limitant sa capacité à générer des emplois formels et bien rémunérés.
Recommandations pour redynamiser l’activité et l’emploi
1. Diversification économique : Investir dans des secteurs comme l’industrie, les technologies numériques et l’énergie pour créer des emplois formels en milieu rural et urbain.
2. Appui à l’entrepreneuriat rural : Encourager l’innovation locale, notamment dans l’agro-industrie, et offrir des financements accessibles pour les petits entrepreneurs.
3. Formation professionnelle ciblée : Adapter les programmes éducatifs aux besoins réels des entreprises, avec un accent sur les secteurs porteurs.
4. Promotion de l’emploi féminin : Créer des incitations pour les employeurs à recruter et former les femmes, et développer des programmes spécifiques pour les femmes rurales.
Les données de l’ANSD pour le troisième trimestre 2024 montrent un marché du travail sénégalais sous tension, avec une baisse de l’activité et de l’emploi. Ces tendances reflètent non seulement une stagnation économique, mais aussi des inégalités sociales et géographiques persistantes. Une action rapide et ciblée est nécessaire pour transformer ces défis en opportunités et garantir une croissance inclusive pour tous les Sénégalais.