Tournée africaine : OBAMA engage l’Amérique (Contribution)

Avec 17 milliards de dollars d’investissements annoncés dans le secteur de l’électricité (7 milliards de la part du gouvernement et 9 milliards déboursés par les privés américains), le président OBAMA a répondu présent là où il était attendu à savoir l’engagement concret et précis en faveur de l’économie africaine. Le choix porté sur la fourniture d’électricité a été mûrement réfléchi car l’Afrique, dans son ensemble, souffre terriblement du manque d’électricité qui hypothèque son décollage économique réel.


DAKARACTU.COM Mais si 17 milliards sont un chiffre respectable ; on est encore bien loin du compte car il faudrait, au moins, 40 milliards de dollars d’investissement dans ce secteur vital par an et pendant 10 ans au moins, de l’avis des experts. Pour résorber le déficit continental et faire face aux besoins de plus en plus importants.
 
OBAMA est donc venu en Afrique pour engager son pays dans un partenariat gagnant-gagnant avec le continent de son père.

Certes l’inquiétude grandissante concernant l’état de santé du président Mandela n’a pas permis de fêter le « fils prodige » avec l’ambiance survoltée que seuls les Africains ou leurs descendants savent créer. Toutefois, au Sénégal, par exemple, la chaleur de l’accueil a été particulièrement appréciée par les hôtes américains.

Il est vrai que le choix de Dakar honore un pays francophone, le seul visité par OBAMA jusqu’ici, modèle de démocratie et dont l’hospitalité légendaire est magnifiée par le mot « Téranga ». 

Il y a aussi le fait que ce pays, le plus proche des USA, après le Cap Vert, abrite l’Ile-mémoire de Gorée d’où des milliers d’esclaves sont passés pour rejoindre les Amériques.
Last but not least, la diplomatie sénégalaise a réussi un coup de maître et peut savourer un triomphe bien mérité.

En Afrique du Sud, étape obligée et par le symbole Mandela et pour les intérêts économiques américains, les plus importants en Afrique, OBAMA a multiplié les hommages à son « héros ». Et a tenu un discours de vérité aux jeunes à l’université du Cap.

« L’Amérique n’a pas vraiment besoin de l’énergie africaine », a t-il fait remarquer. Il aurait pu ajouter que l’Amérique n’a pas non plus d’intérêt vital en Afrique. 

Sauf à considérer la menace terroriste planétaire qui a déjà fait des victimes américaines sur le sol continental et qui pourrait frapper éventuellement des cibles américaines à partir de « sanctuaires terroristes » qu’on laisserait se constituer sur le continent.

Evidemment en tant que seule superpuissance planétaire, l’Amérique ne peut être absente d’Afrique. Elle a intérêt à y développer ses relations de toutes sortes et comme l’a dit OBAMA si l’Afrique se développe ; elle aura besoin de produits industriels et technologiques que son pays pourrait lui vendre. L’investissement dans l’aide est ainsi payant à long terme.

Quid de la nouvelle « guerre froide économique » avec la Chine ? Le président américain botte en touche ; mais ne convainc pas vraiment. A l’évidence, la présence envahissante de la Chine en Afrique dérange les occidentaux, Américains compris. Elle les oblige à revoir des stratégies de coopération héritées du pacte colonial avec des « pré-carrés » et d’autres zones plus ou moins réservées.

L’Amérique qui n’a pas de passé colonial en Afrique doit être plus souple même si les exigences de bonne gouvernance et de respect des droits de l’homme doivent être maintenues.

Ce qui est valable vis-à-vis des pays du Golfe, par exemple, doit aussi l’être avec les pays africains.

D’ailleurs, en jouant la carte du partenariat économique gagnant-gagnant, Washington peut peser indirectement sur l’amélioration des conditions de vie du plus grand nombre. Et de tels progrès pourraient favoriser de nouvelles conquêtes démocratiques. La misère, elle, n’est pas source d’émancipation dans quelque domaine que ce soit.

Ne pouvant rivaliser avec la Chine, en ce qui concerne le porte-monnaie - les Chinois ayant beaucoup plus de liquidités disponibles -, OBAMA a joué la carte de « l’éveilleur de conscience ». Il a ainsi martelé que : « les Africains doivent privilégier leurs propres intérêts collectifs dans leur coopération avec quelque pays que ce soit. Il faut exiger que les matières premières soient transformées sur place et lutter contre la corruption qui favorise certains au niveau des élites tout en ruinant les pays ».

Un discours de bon sens bien reçu par les jeunes Africains à qui des bourses américaines sont promises.

Toutefois, si OBAMA suit la voie tracée par Bush fils qui avait injecté des milliards de dollars dans la lutte contre le sida en Afrique  en ciblant l’investissement dans le secteur clé de l’électricité ; ce n’est toujours pas l’action d’envergure souhaitée. Comme le font les Chinois qui misent gros sur l’Afrique.  

On comprend qu’un président noir américain ne puisse pas « mettre le paquet » sur l’Afrique et essuyer les critiques de la droite et de l’extrême droite américaine. 

Du reste, le voyage de OBAMA a été critiquée et son coût (entre 60 et 100 millions de dollars) dénoncé ouvertement par des Américains, il est vrai très minoritaires. C’est aussi pour éviter ou limiter autant que faire se peut les critiques éventuelles que OBAMA a choisi scrupuleusement les trois pays que sont le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie. Des pays de démocratie éprouvée où peu de critiques objectives peuvent être formulées.

En Tanzanie où OBAMA a retrouvé l’ex-président Bush fils, l’hommage rendu aux victimes des attentats contre l’ambassade américaine le 7 août 1998 a rappelé aux Américains l’impératif d’aider les petits pays africains à combattre le terrorisme.

C’est, entre autres missions, une tâche assignée à AFRICOM (United States Africa Command ou Commandement des États-Unis pour l'Afrique). La création de cette structure et l’aide apportée aux armées africaines témoigne bien d’un engagement assumé des USA sur le continent africain. 

Le voyage de OBAMA devrait renforcer la tendance. Mais les urgences américaines ne sont pas africaines. La bonne volonté de OBAMA a des limites objectives, celles des intérêts stratégiques vitaux des USA qui sont ailleurs qu’en Afrique.

Aux Africains de suivre les conseils du président américain et d’agir pour tirer le maximum possible des opportunités offertes par l’AGOA que OBAMA se propose de renouveler.

Il faut aussi et surtout miser sur le partenariat économique avec le secteur privé américain.

L’Amérique n’est pas la Chine. L’Etat y est moins fort. C’est le privé qui tire les ficelles et n’a qu’une seule religion : le profit. Le partenariat gagnant-gagnant dans l’intérêt bien compris de tous, telle est la voie à suivre.

OBAMA est venu en fils, en ami et en VRP.

(Article extrait de AFRIQUE PERSPECTIVES  Juillet 2013)
 
Mouhamadou M. DIA 
Professeur de Philo - Journaliste
 
Samedi 20 Juillet 2013
Contribution