Sous-traitance de la politique anti-migratoire : Quand l’Afrique ferme ses frontières à son peuple


Sous-traitance de la politique anti-migratoire : Quand l’Afrique ferme ses frontières à son peuple
La pratique récurrente d’expulsions massives et brutales, accompagnées souvent d’exactions dont sont victimes des migrants d’un Etat africain par le fait d’un autre Etat africain montre qu’un long chemin reste à parcourir. Mais, ces déportations et expulsions forcées effectuées en violation des droits humains des migrants africains peuvent être liées à deux facteurs. D’une part, à une politique d’externalisation, par des pays européens, de la gestion des flux migratoires irréguliers qui amène les Etats d’Afrique du Nord dont le Maroc, l’Algérie, la Libye qui ont une frontière avec le sud de l’Europe que sont l’Espagne et l’Italie, ou qui sont empruntés par les migrants africains irréguliers, et qui deviennent des Etats de transit, à jouer les gendarmes.
D’autre part, elles traduisent le fossé existant entre les objectifs d’intégration régionale et sous-régionale africaine proclamés et les réalités sociopolitiques et économiques du continent. L’intégration économique dans l’espace africain, à travers la libre circulation des biens et des personnes, la liberté d’établissement devant favoriser le développement économique intracommunautaire et offrir des opportunités aux Africains, semble encore loin de s’enraciner dans la réalité des faits, tant au niveau régional que sous-régional.

Depuis un certain moment, on assiste à une généralisation de la politique de sous-traitance de la répression en matière de gestion de flux migratoires aux Etats frontaliers au sud de l’Europe, qui sont souvent des Etats de transit pour les migrants. Des pressions économiques et politiques sont faites sur les pays frontaliers de l’Europe comme le Maroc, la Tunisie, la Libye, l’Algérie, l’Egypte pour leur imposer la sous-traitance de la répression et des déportations forcées des migrants en situation irrégulière. Nombre de ces Etats de transit, gendarmes de l’Europe, sont des Etats membres de l’Union africaine.

‘Les déportations collectives des migrants africains intervenues au Maroc en 2006, suite à des rafles massives et arbitraires, et leur déplacement forcé dans le désert, sans eau ni nourriture, ont gravement mis en danger la vie des migrants victimes de ces rafles et déportations. Les rafles brutales et déportations collectives forcées de centaines de migrants en Libye et au Maroc, sont récurrentes. Elles sont confirmées par les statistiques, notamment celles de la Direction nationale de la protection civile du Mali concernant les expulsés arrivant à l’aéroport. En 2005, sur 2 358 expulsés maliens, 1 289 provenaient du Maroc ; 780 de Libye ; 275 d’Algérie. Pour la période 2005–2007 : 2 840 du Maroc ; 98 de Mauritanie ; 2 174 de Libye’, a indiqué, jeudi dernier à Dakar Aby Sarr, coordonnatrice de l’Union pour la solidarité et l’entraide (Use), lors d’un séminaire de mise à niveau des journalistes dans le domaine, initié par l’Institut Panos.

Selon le vice-président de la Rencontre africaine des droits de l’homme (Raddho) Aboubacry Mbodj, les violations des droits humains peuvent même porter atteinte au droit à la vie comme ce fut le cas très médiatisé des tueries de Ceuta et Melilla au Maroc en automne 2005. Au cours des nuits du 28 au 29 septembre 2005 à Ceuta et du 5 au 6 octobre à Melilla, raconte-t-il, une dizaine de migrants africains, la plupart d’origine subsaharienne, ont tenté de franchir le mur qui sépare le Maroc des deux enclaves espagnoles. Mais, tous ont été tués par balles par les forces de sécurité. Les exemples sont nombreux en Afrique, car depuis les années 1970, certains Etats procèdent à des expulsions massives et brutales par charters de migrants africains.

Des centaines de migrants du Mali et du Burkina Faso (ex-Haute Volta) furent expulsés collectivement par charters ou convois routiers de Côte d’Ivoire à la suite de tensions socio-économiques dans ce pays. En 1969, le Ghana fit de même avec des migrants africains étrangers vivant sur son territoire. En 2008, ce fut en Afrique du Sud qu’éclatèrent des attaques xénophobes provoquant la déportation des centaines de migrants venant du Nigeria et du Zimbabwé. De même, on peut citer le cas d’interception brutale d’un groupe d’une cinquantaine de migrants, constitué de Ghanéens, de Nigérians, de Sénégalais, d’un Togolais et d’un Ivoirien par les autorités gambiennes.Nombre d’entre eux ont subi de graves agressions, certains furent même tués.Ce recours à la force et aux armes à feu pour entraver la libre circulation des migrants est contraire aux règles internationales, comme l’a expressément souligné le Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits humains des migrants.

Abdoulaye SIDY

( WALF )
Lundi 21 Novembre 2011




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