Autres temps, autres mœurs ! Ils n’avaient pas attendu le verdict de la justice pour condamner, ante jugement, Karim Wade, alors poursuivi par la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI), dans le cadre de la « Traque des biens mal acquis ». Aujourd’hui, ils ont laissé le front médiatique aux partisans de Khalifa Sall ou à des responsables de seconde zone de la majorité, à quelques heures de l’ouverture du procès relatif à la gestion de la caisse d’avance de la Ville de Dakar. Eux, ce sont des cadres de l’Alliance pour la République (parmi lesquels des ministres et des députés) prompts à défendre le régime à chaque fois qu’un opposant est poursuivi pour une affaire quelconque. Certains d’entre ces censeurs particuliers s’étaient, courant 2016, empressés d’accuser, Bible et Coran en main, Idrissa Seck de choses pas catholiques à propos de ce conte, digne d’Ali et les quarante voleurs, appelé le Protocole de Reubeuss. A l’époque, dès que la justice a fait machine arrière, ils sont devenus mutiques, parce qu’ils parlaient d’une affaire dont ils ne maitrisaient pas toutes les ramifications pour plaire au Prince, Premier ministre au moment des faits. Ce silence inhabituel laisse croire que les menaces de déballages brandies par des proches du maire de Dakar contre des bénéficiaires de la fameuse caisse encartés Apr ont prédisposé à une peur « marron-beige ». L’autre raison de ce mutisme a trait au fait qu’il se dit que Khalifa Sall a participé au financement des activités de l’opposition à Abdoulaye Wade, qui comprenait, évidemment, l’Alliance pour la République. Qui plus est, des personnalités de l’actuel régime ont, dans un passé récent, bénéficié de contrats de travail à la Ville de Dakar. Il se peut aussi que ce silence soit lié à des principes de bienséance à l’africaine, qui voudraient qu’on n’envoie pas hâtivement à l’échafaud un ex-allié, quelque puise être ce qu’on lui reproche, qui a joué un rôle décisif pour l’accession de Macky Sall au sommet de la pyramide politique. Question non moins importante : la transhumance de certains proches de Wade, contre lesquels toute poursuite semble être arrêtée depuis quelque temps, enlève-t-elle quelque consistance au dossier de la caisse d’avance ? Compte tenu des hypothèses dégagées plus haut, les préposés à la défense politique du régime ne peuvent pas exciper de la séparation des pouvoirs pour se dérober, comme c’est le cas, sous le voile de l’omerta. En fait, il faut avoir les yeux bandés d’une taie pour nier que le procès de Khalifa Sall, pour l’heure, n’a pas enregistré l’adhésion populaire attendue d’un tel évènement. Au contraire, « les conditions » dans lesquelles Karim Wade fut libéré ont induit un procès en suspicion légitime de nature à installer le maire de Dakar dans la posture victimaire de l’opposant-présidentiable-martyr. Toutes choses qui font qu’il y a une sorte de malaise, dans les coursives du parti au pouvoir, autour du procès de l’édile de la capitale qui, au plan de la communication, jouit d’un traitement différent par rapport à celui réservé à l’affaire Karim Wade, et par extension, à toutes ces poursuites ayant impliqué des pontes de l’ancien régime, ou encore au dossier Idrissa Seck (qui a fait long feu sous le magistère de Macky Sall).
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