Serigne Saam Mbaye (1922 – 1998) : 16 ans déjà !

Qu’elles sont nombreuses ces personnes qui écoutent aujourd’hui Baay Saam et qui croient encore qu’il est toujours vivant ! Combien de témoignages, aussi élogieux qu’instructifs les uns que les autres, j’ai pu collecter depuis la publication de mon premier essai sur la « Vie et l’Œuvre » de cet homme multidimensionnel ? Cela fait pourtant 16 ans aujourd’hui, jour pour jour, que Serigne Saam MBAYE avait « symboliquement » tiré sa révérence à l’instar des grands hommes de DIEU qui l’ont précédés dans cette mission d’éduquer, d’enseigner et de vulgariser la parole du Tout-Puissant.


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Est-il prudent de ma part de vouloir parler de Baay Saam MBAYE, un Saint parmi les Saints choisis par le Tout-Puissant pour éveiller les peuples et rénover les enseignements de l’Islam, à l’aune du 3ème millénaire ? Ne suis-je pas entrain de commettre un sacrilège en me limitant simplement à relater le peu de choses que je pense connaitre de lui ? Si petit qu’il ne fait même pas le millième d’une goutte d’eau prélevée de l’un des océans les plus abondants du monde. Alors, veuillez pardonner chers lecteurs ma témérité intellectuelle et comprenez également ce désir profond de vouloir bien faire qui m’anime. Je suis tout à fait conscient qu’il est souvent difficile de parler ou d’écrire sur quelqu’un pour qui l’on n’a que de l’estime et de l’admiration. Il est d’autant plus ardu, lorsque celui-ci se situe à des longueurs d’avance inestimable de tout ce que l’on peut dire sur lui ou de lui.

Effectivement, c’est un risque réel de vouloir parler de Serigne Saam MBAYE, vu l’immensité et la profondeur de sa pensée, l’universalité et la portée de son discours, l’étendu et le niveau de connaissance élevé de son auditorat. Faisant partie des plus ignorants de ses disciples, je demande aux lecteurs de ce texte d’être indulgents à mon égard. Je suis simplement animé par le souci de vouloir partager avec vous ce sentiment indescriptible que je ressens au plus profond de moi. Nous rappeler toujours de l’œuvre des Grands hommes est également une recommandation divine « Wa Zakir fa Ina Zikra Tanfahoul Mouh minine » comme nous l’a si bien appris Baay Saam, le Rénovateur.

Une histoire exégétique, un parcours exemplaire et une vie pleine de succès

Serigne Saam est le fils de Sokhna Fatou Thiam (femme pieuse et déférente) et de Mame Cheikh Ahmadoul Kabir Mbaye (savant et érudit de haut rang). Son vrai nom est Serigne Mame Mor Diarra Mbaye et il est l’homonyme du frère ainé de Serigne Touba Cheikh Ahmadou Bamba Khadimou Rassouloulahi (RTA). Pour l’histoire, Serigne Mame Mor Diarra Mbacké était aussi appelé Serigne Saam par référence au village éponyme qu’il avait crée et dans lequel il s’était installé avec sa famille. Comme il était de coutume à l’époque, les villages nouvellement crées s’identifiaient souvent aux noms de leurs fondateurs. C’est pourquoi Serigne Mame Mor Diarra Mbacké était appelé « Borom Saam » ou « Serigne Saam » pour les fidèles et disciples. Cette appellation qui restera à jamais liée à l’image de Baay Saam Mbaye finira par éluder son nom originel. Une interprétation gnostique renseigne que Mame Mor Diarra Mbacké est revenu solliciter auprès de Mame Cheikh Mbaye, un an après sa disparition, de lui donner le nom de son fils.

Le recours au calendrier historique a permis de situer la naissance de Serigne Mbaye au mois de février 1922 à Louga dans le Ndiambour. Les nombreux témoignages recueillis sur sa date de naissance indiquent en effet qu’il serait venu au monde au lendemain des rappels à Dieu de Mame Elh Malick SY (RTA) et de son homonyme Serigne Mame Mor Diarra Mbacké en 1921. Serigne Ibrahima Mbaye, un des fils de Baay Saam, nous apprend qu’il a recueilli auprès de son illustre père, qu’il serait venu au monde un jour de vendredi, journée de bienfaisances et de prières collectives pour tous les musulmans du Monde.
De nombreux faits marquants, ainsi qu’une succession d’évènements aussi mystérieux qu’ésotériques les uns des autres, ont jalonné la venue au monde de Baay Saam. Nous préférons les taire ! Retenez juste que c’est déjà très jeune qu’il s’était distingué des autres. Mame Cheikh Mbaye Kabir disait d’ailleurs de lui, « il est certes très jeune, mais sachez que c’est un érudit ». Tous ceux qui ont eu à le côtoyer durant sa vie savent avec pertinence qu’il dépassait de loin sa génération.

Un dépassement perceptible à travers la profondeur de ses pensées, le niveau élevé de ses connaissances les plus pointues, sa grande ouverture d’esprit et surtout son accessibilité bienveillante eu égard à son rang élevé parmi les Saints et à un emploi du temps très corsé. Cela ne saurait assez surprendre si nous remontons le fil de l’histoire avec une descendance qui le relie à Seydina Aboubacar Sadikh, fidèle compagnon du Prophète (PSL) et premier Calife de Islam. Cette filiation généalogique renseigne à bien des égards des immenses qualités humaines de l’homme multidimensionnel qu’il était et reste encore. Si Baay Saam a aujourd’hui cette envergure internationale, c’est parce qu’il était un digne héritier de Seydina Aboubacar.

Mame Cheikh Mbaye dans son poème intitulé Qālū la anta Sabiyun nous apprend : « Inna banū Bakrine Al- Ma-rūfu magdu duhum. Ila dunal Hilmou çumal Mane çibul Hanlii. Walam Yazal Min’aa Khātou sahi doun sanadoun fi kouli dahriin kabiiroun bi nafsi wal halii ». Autrement dit « notre filiation nous relie à la famille de Seydina Aboubacar. La connaissance et la très haute fonction en Islam sont un legs historiquement hérité de nos aïeuls. DIEU a honoré notre famille en la dotant, à chaque époque, de brillants érudits qui répondront aux questionnements les plus hermétiques de leurs temps ». Ceux qui connaissent bien Baay Saam savent pertinemment qu’il est l’illustration parfaite de ce passage ! Y’a-t-il encore une question religieuse contemporaine pertinente à laquelle il n’a pas répondu ou sur laquelle il n’a donné la position de l’Islam ? Là où l’écriture résiste difficilement à l’historiographie et à la vétusté de la matière, la force de la parole et du discours permet sans conteste d’actualiser de manière audible les connaissances les plus anciennes. Ainsi, il suffit tout simplement aux plus sceptiques de revisiter sa médiathèque ou de faire recours à ses cassettes pour se rendre à l’évidence. Serigne Saam n’a omis aucune question religieuse pertinente !

Ne dit-on pas d’ailleurs des Moudjadid qu’ils répondront à toutes les questions de leur époque comme l’ont déjà fait Oumar Ibn Abdoul Aziz, Aboul Hassan’Al Chari, Ibnou Souraïdji, Al Bakhou Lani, As Souhlouki, Al Israhili, Imam Ghazali, Imam Chafii entre autres ? Afin d’accomplir pleinement sa mission, Serigne Saam a toujours mis en avant cette attribution populaire qui le conçoit simplement comme un « conférencier » ou un « islamologue ». Il a réussi à parachever sa mission en se déviant totalement des richesses mondaines alors que celles-ci s’offraient gracieusement à lui. Cela ne surprend pas, car il a été moulé et éduqué dans un environnement hostile à toutes formes de succès ne relevant pas du domaine divin. Dans un de ses poèmes Cheikh Mouhamadoul Kabir écrit : « Ne cherche de richesse en ce monde que le strict nécessaire pour assurer la survie de ta famille ». Qui connait ou entend parler Baay Saam, sait qu’il évoque souvent cette idée dans ses conférences et écrits (cf. l’introduction qu’il a rédigée dans la version française du Massalik-Al-Jinaan de Cheikh Ahmadou Bamba».

Son rôle en tant que Rénovateur consistait à enseigner et à professer par la parole, corrélativement aux exigences de son époque. Une époque marquée par une avancée spectaculaire des technologies de l’information et de la communication, l’émergence d’une nouvelle « ère » dite du numérique et surtout une forte floraison des réseaux sociaux ! Ces canaux sont aujourd’hui les médiums par lesquels transitent l’essentiel des enseignements de Baay Saam. Combien de sites internet véhiculent ses conférences et causeries ? Combien de profils s’identifient à son nom sur facebook et tweeter ? Dorénavant, chaque génération se dira qu’il était effectivement venu pour elle ! Tellement ses propos sont d’actualités !

Je me réserve cette fois-ci de revenir sur sa quête perpétuelle de connaissances qui l’a conduite vers divers horizons, conformément à la recommandation prophétique « Hūt loubul Himmā wa law bi Sin » (allez chercher de la connaissance même si c’est en Chine). De Coki en Tunisie en passant par Saint-Louis, Mauritanie et Algérie, Baay Saam n’a cessé d’impressionner son monde du fait de sa sagacité intellectuelle ! Il est l’un des rares « disciples » que son ancien « maitre » au Daraa de Coki, Serigne Modou Sakhir Lo, a dédié un poème spécial pour le féliciter et magnifier sa brillance d’esprit. Serigne Saam était dépositaire d’immenses formes de connaissances religieuses dans des domaines aussi complexes que le « Nahu » la Grammaire Arabe, le « Fikh » la Jurisprudence Islamique, le « Tawhid » l’Unicité ou la Théologie musulmane, le « Tazawouf » Soufisme ou encore le « Tarikh » l’Histoire. Ces domaines, notamment le « Tazawouf », étaient peu explorés au Sénégal par les intellectuels musulmans de l’époque et il fallait avoir quelqu’un de la trempe de Baay Saam pour ressortir l’essence réelle des rares écrits qui existaient dans ce sens. Nous devons à la vérité de dire que si le « Tazawouf » a connu aujourd’hui cet essor au Sénégal, le travail remarquable de Baay Saam en est pour quelque chose.

Baay Saam était aussi un Professeur hors pair qui, en dehors des conférences qu’il donnait partout à travers le monde, s’était également consacré à l’enseignement et à la formation. Ce fut un sacerdoce pour lui ! A l’Université de Dakar où il était recruté comme Professeur au département d’Arabe, les témoignages de ses étudiants sont forts éloquents. A Louga où il enseignait les différentes branches de la science Islamique, ses disciples font partie aujourd’hui de l’élite intellectuelle musulmane la plus sollicitée du pays. En dehors de ses connaissances livresques acquises auprès de grands érudits et après d’énormes efforts consentis dans la recherche, Serigne Saam était également dépositaire de connaissances transcendantales dépassant de loin celles relevant du réel et/ou de l’ordinaire. Les esprits avisés comprendront sans nul doute la quintessence de ma pensée.

Si Serigne Saam était d’une autre nationalité, il aurait déjà fait l’objet de nombreuses publications à l’instar des Hassane El Banna et autres ! Le Dr. Thierno Ka a raison lorsqu’il affirmer sans ambages que « Les grandes figures de l’Islam en Afrique sont la plupart du temps d’une importance toute capitale. Et pourtant elles demeurent insuffisamment connues. Cela s’explique par le fait qu’une grande partie d’entre elles avait préféré cacher leur gloire spirituelle et sociale ». Serigne Saam faisait surement partie de ce lot, il avait sciemment caché ses gloires spirituelles pour pouvoir dérouler tranquillement sa mission sur terre.

Si nous connaissions véritablement sa vraie valeur et sa grandeur spirituelle, nous nous serions empressés de faire de lui notre intercesseur auprès de la meilleure des Créatures ! Comme il le disait «Buntu tekhé ku ça taxaaw beugue dougu dangaay am çābi. Am çābi moy taaxa meuneu ubbi. Çabi bi mooy degg ndiguēl ak sopp Serigne bi». Ces clefs d’une réussite spirituelle dont il fait allusion sont encastrées dans ses nombreuses cassettes et la voie qui mène vers cette direction y est clairement balisée.

Ce n’est pourtant pas trop tard pour nous tous, car Baay Saam en tant que « Rénovateur » est éternel comme le confirme la résonnance de sa voix tous les jours dans divers lieux de convergence populaire. Individuellement ou collectivement, l’œuvre de Baay Saam est appropriée et vulgarisée par tout un chacun à travers divers canaux (radios, télévision, internet…). Serigne Ablaye Diop Saam nous rappelait récemment lors d’une rencontre regroupant les disciples et sympathisants du Saint homme que Serigne Saam avait l’habitude de dire qu’il arrivera un moment où ses cassettes joueront de vrais rôles de « Cheikhou Tanhlim », de « Cheikhou Tarbiya » et de « Cheikhou Tarkhiya ». Baay Saam lui-même en faisait allusion dans «Umū Aluful Mukhtari » où il parle des bienfaits de ses cassettes et du rôle important qu’elles joueront dans le futur. Sa douce voix résonnante, pleine de pieuté et de piété, est l’illustration parfaite du rôle de « Cheikhou Tarkhiya » des cassettes. N’est-pas le Cheikhou Tarkhiya est celui qui, dès qu’on est en face de lui, nous fait inéluctablement penser au Tout-Puissant ? La voix de Serigne Saam fait ce même effet chez les personnes qui l’écoutent et qui lui prêtent une attention particulière. Il avait l’habitude de dire que « la bonne parole puisée du for intérieur de l’être, n’aura pour réceptacle qu’un cœur purifié d’une personne pleine de sagesse» !

La nouvelle de son rappel à Dieu a plongé la communauté musulmane dans un émoi intense ; et ses disciples se trouvaient dans un état de profonde torpeur et dans une sorte de déperdition totale. Dans l’atmosphère ambiante de ce samedi 14 Mars 1998, la consternation a été partout de mise et le sentiment de manque envahi les cœurs de ses fidèles disciples et admirateurs. Le recours à ses enseignements nous a permis tout compte fait, de transcender la psychose née de l’annonce de son élévation au Paradis, non pas parce que nous n’avons pas connaissance de son éternité, mais du fait que nous ressentons un manque affectif de cette partie de nous-mêmes nous quitter subrepticement. Serigne Sam est certes parti comme tout humain, « Kulu nafsiin Zahikhatil mawty », mais nous sommes convaincus qu’il demeurera éternellement dans ce monde au profit de la génération actuelle et de celle à venir.

Rendre hommage à Baay Saam, c’est également remercier ces personnes qui ont eu très tôt l’intelligence et la présence d’esprit d’enregistrer toutes ses conférences et autres causeries, quel que soit l’endroit où elles se tiennent. Je veux nommer feu Serigne Daam Seye, un nom que l’auditoire et les fervents disciples de Baay Saam avaient l’habitude d’entendre de la bouche du Saint-homme. Qu’ALLAH le Tout-Puissant, lui accorde Sa Grace et Sa Miséricorde en l’élevant au rang de ceux qui ont dignement accompli leurs missions avec dévotion ! Quant à Serigne Mouride Fall, nous ne cesserions jamais de prier pour que DIEU lui prête une longue vie, une vie auréolée de bonté, de succès et surtout d’accomplissement parfait de ses missions.


M. Abd’ALLAH CISSE Saam, Sociologue.
Doctorant-chercheur au LGRS (IFAN-Cheikh Anta Diop)
Tel : (221) 77 443 0644 / (+221) 70 641 5101
Courriel : abdoulayecissesam@gmail.com
Vendredi 14 Mars 2014
Abdoulaye CISSE