Sattar, la privilégiée de la République (Par Cheikh Yérim Seck).


DAKARACTU.COM Sur le boulevard du Centenaire, en face du siège de la Radiotélévision sénégalaise (RTS1), s’élève une statue en béton et en fer. Le cheval blanc qui émerge du monument est quelquefois arrosé par un jet d’eau. Cette construction a coûté la bagatelle de… 166 millions. « Un projet de ce type peut être largement exécuté avec 40 millions », renseigne toutefois le directeur des travaux d’une entreprise de sous-traitance. L’œuvre si cher payée par la mairie de Dakar a été réalisée par la Société africaine tous travaux aménagement et réalisation (Sattar).

Sattar… Quand ce nom a été lâché par Idrissa Seck, dans un de ses cd, alors qu’il était embastillé à Rebeuss, les non initiés l’avaient trop peu entendu. Pas les milieux d’affaires qui ont vu cette entreprise monter subitement en puissance à la faveur de l’alternance qui a porté Abdoulaye Wade au pouvoir.

Dirigée par Mbaye Diop, un ami d’enfance d’Abdoulaye Diop, l’inamovible ministre des Finances de Wade depuis 2002, Sattar s’est subitement accaparée de tous les marchés, de toutes les faveurs de l’Etat, de tous les business juteux…

La construction de la Porte du millénaire, première réalisation concrète du nouveau pouvoir, symbole du Sénégal sous l’ère du « sopi », c’est Sattar BTP. L’érection de la Place du souvenir, à la mémoire de cette Afrique au passé douloureux, c’est encore elle. La réalisation du « cœur de la ville » de Kaolack, vaste projet de modernisation de la deuxième ville du pays, c’est toujours elle.

Sattar prend ce qu’elle veut, sans avoir à souffrir de la moindre concurrence. Sattar Immo est la société immobilière la plus choyée de l’histoire du Sénégal. « Créée en février 2005, Sattar Immo vient renforcer le secteur immobilier avec des objectifs bien définis. Ces objectifs prennent en compte les différentes catégories sociales de notre pays », dit la note de présentation de cette société.

Sattar a en effet surfé sur le créneau de l’habitat social, accessible à la bourse du Sénégalais moyen, pour bénéficier de largesses foncières exceptionnelles de l’Etat. Censée exécuter le projet « Deukouwaay », cher à Abdoulaye Wade, qui devait vendre des villas à 20 millions de francs cfa pièce, Sattar s’est vu attribuer la plus grande partie de la superficie de l’ancienne poudrière, un camp militaire désaffecté où étaient entreposés munitions et engins. Le terrain, situé dans le quartier résidentiel de Mermoz Pyrotechnie, desservi par la VDN, l’Ancienne piste et la Rue 10 prolongée, est à 15 mn de l’aéroport et à 20 mn du centre-ville. Autant dire une aubaine, dont Sattar a vendu une bonne partie au prix de 40 millions les 200m². Plusieurs dizaines de parcelles ont ainsi été écoulées comme de petits pains. Sur le reste de la superficie, 3 ha, Sattar a bâti 65 villas mais ne les a pas vendues à 20 millions. Deux prix ont été arrêtés suivant les standings : 65 millions et 140 millions. Le coût du petit standing est passé de 65 à 77, puis à 88, pour se hisser à 99 millions, obligeant les petites bourses à se retirer du projet. Censées être livrées courant 2006, les villas n’ont pu l’être qu’en 2011.

Après cette première expérience qui n’a répondu à aucun objectif d’habitat social, Sattar s’est vu octroyer 1 800 lots à la ZAC de Mbao, officiellement pour construire des villas accessibles coûtant entre 22 et 33 millions. Le projet des Résidences Sattar de Mbao, qui devait viabiliser et bâtir 1 200 lots, n’a toujours pas vu le jour. Plus de 500 lots de 150 m² ont toutefois été vendus à des prix variant entre 5 et 6 millions.

Ce qui devait être un maillon d’une politique d’habitat social s’est ainsi mué en une pure opération de spéculation foncière. Sattar a gagné plusieurs milliards de francs cfa en vendant des terrains qu’il était censé construire. Prise d’une boulimie foncière, du fait du business juteux de la vente du foncier non bâti, elle conserve 1 200 lots sur lesquels il n’a posé la moindre brique. Au grand dam des membres de la coopérative d’habitat de l’Hôpital général de grand-Yoff dont les 129 parcelles ont été expropriées de facto pour être partie intégrante des 1 200 lots. Qui protège Sattar ? Qui a intérêt à lui faire gagner autant d’argent pour si peu d’efforts ?

Dernier « coup » en date, réalisé par l’entreprise la plus privilégiée de la République : plusieurs hectares lui ont été affectés sur la Petite-Côte, à Pointe Sarène, pour un projet de construction de résidences secondaires à 200 millions l’unité qui n’a jusqu’à ce jour pas été mis en oeuvre. Cette zone paradisiaque a-t-elle subi le même sort que les autres : être morcelée et vendue ? Dakaractu va chercher à y voir clair. D’autant qu’il soupçonne la main de complices bien placés derrière ces largesses. Et se préoccupe du cas des acheteurs des parcelles de Zac Mbao qui ne disposent toujours pas de papier administratif pour pouvoir mettre en valeur leurs acquisitions.
Mercredi 24 Aout 2011